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Homme pressé (L'). Roman de Paul Morand (analyse détaillée)

Publié le 21/10/2018

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Homme pressé (L'). Roman de Paul Morand (1888-1976), publié à Paris chez Gallimard en 1941.

 

Première partie. « Un train d'enfer ». Pierre Niox, jeune antiquaire âgé de trente-cinq ans, spécialisé dans les objets de haute époque, est aussi un véritable maniaque de la vitesse, un impatient chronique. Survolant le Var en avion, il aperçoit une chartreuse du xie siècle, le Mas Vieux, dont il se porte aussitôt acquéreur. Son propriétaire, M. de Boisrosé. de vieille noblesse créole, séparé de sa femme, la lui cède avant de mourir. Mme de Boisrosé vit dans son lit à Saint-Germain entourée de ses trois filles : Angélique. Hedwige et Fromerrtine. Elle s'inquiète du manque d'argent. Pierre reçoit d'abord assez mal Hedwige, puis pour se faire pardonner l’emmène au cinéma avec sa sœur Fromentine. Il est abandonné par son ami Placide et par Chantepie, son serviteur, qui ne peuvent plus supporter son train d'enfer. Après un souper chez Mme de Boisrosé. il emmène les trois filles au Louvre, engage Fromentine comme secrétaire, finit par le regretter et revient à Hedwige qu’il se déclare prêt à attendre jusqu'à ce qu’elle veuille bien de lui.

 

Seconde partie. « Le Prix du temps ». Pierre et Hedwige se marient et emménagent à Neuilly. Mais Pierre rate sa nuit de noces, d'abord pour avoir trop attendu, ensuite pour s'être trop précipité. Hedwige. qui est enceinte, ne lui pardonne pas sa brutalité. Elle trouve de plus en plus souvent refuge dans sa famille et finit par annoncer à Pierre qu’elle attend un enfant. Mais Pierre est si pressé de voir l'enfant qu’il voudrait provoquer l’accouchement deux mois avant terme. Pour tromper son impatience, il finit par partir à l'Exposition de l’an Mil à Chicago. En prenant un avion, il est victime d'une crise cardiaque. Au retour, Regenkrantz, son médecin et ami, lui annonce qu'il souffre de sthénocandie et qu’il est condamné. Tout lui est interdit, il doit vivre au ralenti. Désormais, il n’a plus qu’une idée, survivre jusqu’à la naissance de son enfant Arrivé à la clinique, juste derrière la porte de la chambre d’Hedwige qui vient d’avoir une fille, il écoute un moment puis s’en va sans ouvrir.

 

Écrit en moins de cinq mois -comme il se doit -, ce livre passa longtemps pour un autoportrait hyperbolique, hypothèse qu'accrédite la dédicace à Hélène Morand. Mais le « don fatal », la « malédiction » dont est affligé Pierre, apparaît avant tout comme le mal du siècle et Pierre Niox comme l'emblème de toute une génération, amplifiant ainsi l'allégorie esquissée dans le personnage de Lewis de Lewis et Irène (1924). Cependant, le jeune homme avide de vivre au plus vite devient cette fois le héros d'un conte philosophique étendu, s'inspirant de la tradition voltairienne. Si Pierre mentionne son admiration pour « les petites bombes portatives comme Candide ou comme Atala », il pourrait tout aussi bien être l'un des « Caractères » de La Bruyère. La volonté du moraliste affleure d'ailleurs souvent au cours de la narration : « Ce sera la moralité de cette histoire que de montrer l'impatient plus souvent puni que récompensé. » L'usage de l'hyperbole à des fins de démonstration accentue le côté comique d'un personnage qui ne prend d'épaisseur psychologique qu'à partir du moment où il se voit contraint de faire face à l'idée de sa propre mort, qu'il fuyait jusqu'alors désespérément.

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« retour, .Regenkrantz, son médecin et ami, lui annonce qu'il souffre de sthénocardie et qu'il est condamné.

Tout lui est interdit, il doit vivre au ralenti.

Désormais, il n'a plus qu'une idée, survivre jusqu'à la naissance de son enfant.

Arrivé à la clinique, juste derrière la porte de la chambre d'Hedwige qui vient d'avoir une fille, il écoute un moment puis s'en va sans ouvrir.

Écrit en moins de cinq mois - comme il se doit-, ce livre passa long­ temps pour un autoportrait hyperboli­ que, hypothèse qu'accrédite la dédi­ cace à Hélène Morand.

Mais le « don fatal>>, la «malédiction» dont est affligé Pierre, apparaît avant tout comme le mal du siècle et Pierre Niox comme l'emblème de toute une géné­ ration, amplifiant ainsi l'allégorie esquissée dans le personnage de Lewis de Lewis et Irène (1924).

Cependant, le jeune homme avide de vivre au plus vite devient cette fois le héros d'un conte philosophique étendu, s'inspi­ rant de la tradition voltairienne.

Si Pierre mentionne son admiration pour « les petites bombes portatives comme *Candide ou comme *Atala », il pour­ rait tout aussi bien être l'un des '' Caractères >> de La Bruyère.

La vo­ lonté du moraliste affleure d'ailleurs souvent au cours de la narration : « Ce sera la moralité de cette histoire que de montrer l'impatient plus souvent puni que récompensé.

>> L'usage de l'hyper­ bole à des fins de démonstration accen­ tue le côté comique d'un personnage qui ne prend d'épaisseur psychologi­ que qu'à partir du moment où il se voit contraint de faire face à l'idée de sa propre mort, qu'il fuyait jusqu'alors désespérément.

Avant ce moment, Pierre qui suggère d'« imprimer les quotidiens sur papier hygiénique >> et qui, dans la grammaire allemande, « s'ennuie [ ...

] à attendre le verbe >>, semble une machine presque inaccessi­ ble à tout sentiment humain : « Un petit déclic se fit en lui et tout l'engre- nage repartit ...

>> Le rapport au divin de cet homme « dénué d'inquiétude métaphysique >> apparaît donc singu­ lièrement ambigu.

Divinité de la vitesse, grisée de son perpétuel dépas­ sement du présent : «Je suis celui qui sera>>, il est aussi la grande victime de son incarnation, comme le montre cette image saisissante, reprise à la fin du roman.

: « Cet homme si affranchi était crucifié sur deux aiguilles.

>> Seuls l'amour et la rencontre avec Hedwige pourront semer le trouble dans cette vie tumultueuse et égoïste (l'ami Placide au nom évocateur est bien vite balayé) et entraîner Pierre à quelques réflexions amères : «Qu'est­ ce que la vitesse sinon une course gagnée dont la solitude est le prix [ ...

], un moyen de temporiser, d'éluder les vraies réponses.>> Il s'achemine ainsi vers un véritable doute : « Serais-je un monstre ? >> La remise en question radi­ cale, mais trop tardive, survient lors­ que Pierre prend pour la première fois un peu de recul par rapport à son exis­ tence.

Dans l'avion qui l'emmène aux États-Unis, il s'aperçoit d'en haut qu'« on ne va vite qu'au ras du sol».

Le commodore Swift, l'homme le plus rapide du monde, est ainsi condamné à l'immobilité en attendant les condi­ tions favorables pour améliorer son record.

La crise cardiaque terrifiante qui saisit Pierre dans l'avion ne laisse à Regenkrantz aucun espoir.

Soulignons au passage que même si Paul Morand n'échappe pas aux lieux communs racistes de l'époque (on croise dans le métro en Amérique « quelques nègres chauffeurs d'immeubles suspendus aux lanières du plafond par un bras pareils à des singes sans poils»), le seul vérita­ ble ami de Pierre est un paria comme lui, un médecin juif soumis aux lois raciales françaises.

L'homme pressé condamné à l'immobilité rejoint alors d'un coup le Raphaël de la *Peau de chagrin.

En rêve, il comprend qu'il a. »

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