Histoires de Tacite

« « Quant à l'honne ur de l'État, on n'en faisa it aucun cas. ,.

~ ------ -EXTRAITS ------ -~ La conclusion sanglante et cy nique de la pri se du pouvoir par Othon Après cette journée passée dans le crime, le dernier des maux fut de la terminer dans la joie.

( ...

)Le forum était encore sanglant; Othon passa par-dessus les cadavres étendus, et porté au Capitole, puis de là au Palatium, il permit qu'on accordât aux corps la sépulture et qu'ils fussent brûlés.

Pison fut enseveli par Veronia, son épouse, et par Scribonianus, son frère ; Titus Vinius par sa fille Crispi­ na ; on chercha et l'on racheta leurs têtes, que les meur­ triers avaient con­ servés comme objets de vente.

Livre I, chap.

XLVII Apr ès avoir fustigé la per v ersi té d'Othon, Tacite définit la nature des sentiments politiques du peuple Les acclamations bruyantes de la foule, comme il arrive à l'adulation, furent aussi fausses qu' exagérées : on eût dit que ces gens accompagnaient le dictateur César ou l'empereur Auguste, tant ils rivalisaient d'enthousiasme et de souhaits ; or , ce n'était ni crainte ni amour , mais passion honteuse pour la servilité ; comme dans les troupes d'esclaves , chacun était stimulé par son propre intérêt ; quant à l'honneur de l'État, on n'en faisait aucun cas.

Livre I, chap.

XC La déliquescence de Rome atteint son comble avec l'incendie du Capitole Cependant, l'annonce de la mort de Vitel­ lius reçue dans les Gaules et les Germanies avait redoublé la guerre, car Civilis renon­ çant à la feinte se ruait contre le peuple romain, et les légions vitelliennes aimaient mieux être esclaves même de l'étranger que d 'avoir Vespasien comme empereur .

Les Gaulois s'étaient sentis ranimés à l'idée que nos armées subissaient partout le même sort , car le bruit s'était propagé que les Sarmates et les Daces bloquaient nos quartiers d'hiver en Mésie et en Pannonie ; des bruits également mensongers couraient sur la Bretagne .

Mais rien autant que l'incendie du Capitole ne les avait incités à croire que l'Empire était proche de sa fin.

Rome avait été prise jadis par les Gaulois, mais la demeure de Jupiter avait subsisté et avec elle l'Empire ; aujourd'hui, cet incendie fatal était un signe de la colère c éleste ; il présageait que la souveraineté du monde allait passer aux nations transal­ pines.

Telles étaient les prophéties que dans leur vaine superstition débitaient les druides.

Le bruits' était répandu que les chefs des Gaules envoyés par Othon contre Vitellius s'étaient engagés entre eux, avant de quitter Rome, à ne pas faire défaut à la liberté , si le peuple romain se laissait abattre par une suite continuelle de guerres civiles et de calamités intestines.

Livre IV, chap.

LIV Traduit du latin par Henri Goelzer, Gallimard, 1963 «Or, ce n'était ni c rainte ni a m our , m ais passion honteuse pour la servilité .

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Des quatorze livres des Histoires, il ne nous reste que les quatre premiers plus le début du cinquième.

Ils relatent les événements de 69 et d'une partie de l'année 70.

Tacite ne date pas les événements au jour le jour .

S'il écrit l ' Histoire, c'est à la manière d'un chroniqueur certes méticuleux, mais aussi soucieux de séduire son lecteur .

NOTES DE L'ÉDITEUR « Tacite nous encourage aussi à juger son œuvre du point de vue de la rhétorique.

Celle-ci lui fournissait les moyens de sa création.

Elle aide donc à comprendre ce qu'on a appelé chez lui" la prose d'art ".

Si l'on examine cette dernière, on observe trois aspects principaux : la recherche de l'effet, le goût des figures et des formules, le recours aux procédés de l'éthos et du pathos .

» Alain Michel, « Tacite », Encyclopœdia Universalis, 1989.

« Les historiens ont toujours distingué la Rome républicaine et la Rome impériale.( ...

) Suétone écrit l'histoire des douze Césars, d'autres font celle des Antonins, des Sévères.

Mais Tacite, lui, commence son histoire à l'avènement de Tibère.( ...

) Il omet César et Auguste.

C'est peut -être que son génie austère et sombre , qui triomphe dans le clair-obscur, était plus attiré vers les empereurs monstrueux que vers le sage Auguste.

» Emmanuel Berl, Histoires, préface, Gallimard, 1963.

1 co ll.

Viollet 2, 4 Thomas Couture, Les Romains de la décadence (détail), Paris , musée d'Orsay/ Giraudon 3 Edimédia T ACITE 02. »