HISTOIRE DE L’œIL de Georges Bataille (résumé et analyse de l'oeuvre)

HISTOIRE DE L’ŒIL

Georges Bataille. Récit, 1928.

Découpé en quinze courts chapitres dont l’intensité va croissant, l'Histoire de l’œil se donne à lire comme le récit d’une initiation érotique que l’excès et la folie rendent tragique. Mais plus que l’histoire hallucinante du narrateur, de Simone et de Marcelle que la même exigence absolue et exclusive jette dans une quête effarante de jouissance, c’est avant tout l’histoire d’une obsession, née dans l’enfance, qui est essentielle ici. Œil, œuf, testicule, telle est l’étrange triade qui organise le sens et le déroulement du récit en tissant entre chaque épisode un lien associatif: les jeux avec l’œuf, l’énucléation, à Grenade puis à Séville, d’un torero et d’un prêtre, la castration d’un taureau enfin: autant de moments qui coïncident à chaque fois avec la jouissance de Simone et participent de la même génitalité. Parallèlement, cet univers s’englue dans une sorte de liquidité troublante au sens propre : les larmes, le sperme et l’urine, mais aussi le rayon de lune dans lequel brille le drap humide de Marcelle, mais aussi le ciel liquoreux de Séville, où les deux amants tuent le prêtre. Inter faeces et urinam nascimur» (saint Augustin): c’est de cette conscience aiguë de l’ignominie originelle que naît ce récit qui, avant de se clore sur la mort atroce de Simone, se livre dans l’avant-der-nier chapitre à une sorte de retour autobiographique sur la petite enfance et sur l’horreur d’un père tabétique et obscène. Essentiel, ce chapitre qui est comme une pause après la frénésie, et le lieu où se dévoile l’« expérience intérieure», révèle, outre le sens et l’origine du récit, le propre du travail poétique que trament les liens secrets reliant les fantasmes (imaginaires) aux événements de la vie (réels).