Histoire comique de Francion
Publié le 10/04/2013
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La Vraye Histoire comique de Francion date de 1623. Sorel (1602-1674) avait auparavant écrit des romans héroïques et pastoraux dans le style de L 'Astrée, avant de se tourner vers l' « antiroman « comique et réaliste et de devenir ainsi l'un des pères du roman moderne. L' Histoire comique devait constituer, selon son auteur, une anti-Franciade s'opposant à l'épopée nationale tentée par Ronsard un siècle plus tôt, et prenant en compte les petites gens et les aspirations jugées basses dans les genres littéraires élevés.
«
EXTRAITS
« Ne viens-je pas
de vous montrer des
œuvres admirables
composées
par des
auteurs encore
vivants?»
Début burlesque du roman :
bain aphrodisiaque de Valentin
Les voiles de la nuit avaient couvert tout
l 'horizan,
lorsqu'un certain vieillard qui
s'appelait Valentin sortit
d'un château de Bourgogne
avec une robe de chambre,
un bonnet rouge en tête et un
gros
paquet sous son bras,
encore ne sais-je pourquoi il
n'avait point ses lunettes, car
c'était sa coutume de les
porter toujours à son nez ou
à sa ceinture.
( ...
)Dès qu'il
en fut proche il se dépouilla
de tous ses habits,
hormis
de son pourpoint, et ayant
retroussé sa chemise se mit
dedans l'eaujusqu'au nom
bril : il en ressortit inconti
nent et ayant battu un fusil
alluma une petite bougie
avec laquelle il alla trois fois
autour de
la cuve, puis il la jeta dedans où
elle s'éteignit.
Il y
jeta encore quantité de
certaine poudre qu'il tira d'un papier, ayant
en la bouche beaucoup de mots barbares et
étranges qu'il ne
prononçait pas entière
ment,
parce qu 'il marmottait comme un
vieux singe
fâché , étant déjà tout transi de
froid, encore que
l'été fût prêt à venir.
En
suite de ce mystère, il recommença de se
baigner et
fut soigneux de laver principale
ment son pauvre zest qui était plus ridé
qu'un sifflet à caille.
Un rêve de Fran ci on révèle
des
peurs inconscientes
Comme j'étais en cette occupation le
sommeil me surprit sans que j'en sentisse
rien,
et tout du commencement parce que
mon esprit était rempli de la mémoire des
choses qui m'arrivèrent
hier, il me semble que
j'étais encore
dans une cuve , mais sans
être lié
et sans être aucunement vêtu.
Je
flottais là-dedans
sur un grand lac, et fus
tout étonné d'y voir encore plusieurs
hommes tous nus comme moi et portés dans
de pareils vaisseaux.
Ils venaient tous de
je
ne sais où par un petit canal, et à la fin ils
furent en si grande quantité que j'avais
grande peur que leurs cuves n'entourassent
de telle sorte
la mienne qu'elle n'eût plus
d'espace
pour voguer.
Mais ce n'était pas
là encore ce qui me donnait le plus de
mart yre, ca r j'avais bien autre chose à
penser.
Il y avait un trou à ma
nef où il fallait
que
je tinsse toujours les mains, craignant
que l'eau entrant
par là ne me fit noyer.
La
misérable consolation que
j'avais était que
tous les
au tres étaient en une semblable
peine.
Débauche lors de la fête
libertine
dans le château
de Raymond
Tout ce qui était dans la
salle
soupirait après les
charmes de la volupté, les
flambeaux même agités à
cette heure-là
par je ne sais
quel
vent semblaient hale
ter comme les hommes, et
être possédés de quelque
passionné désir.
Une douce
furie s'étant emparée des
âmes,
l'on fit jouer des
sarabandes , que la
plupart
dansèrent, en s'entremêlant confusément
avec des postures toutes gentilles et toutes
paillardes.
Quelques dames qui avaient
encore gardé leur pudeur la laissèrent
échapper, se conformant aux autres qu'elles
se donnaient
pour exemple : si bien qu'elles
ne
s'en retournèrent pas aussi chastes
qu'elles étaient venues.
« Ce brave chevalier,
dont nous suivons les
aventures à la trace,
arriva enfin [chez] l'avare ...
»
NOTES DE L'ÉDITEUR comique romanesque au xvne siècle : On peut percevoir dans le roman de Sorel
les prémices du « grand renfermement
classique
» dont parle Michel Foucault, à
travers le personnage du fou Collinet qu'on
veut faire enfermer et la crainte générale de
la déviance : « Le rêve lui permet de mieux éclairer
certaines zones cachées que la peur de
violer des normes imposées par la société
lui interdisait d'exposer ouvertement.
»
Wolfgang Leiner, « Le rêve de Francion :
considérations sur la cohérence
intérieure »,
in La Cohérence intérieure, Paris,
Jean-Michel Place
éditeur, 1977.
Mikhaïl Bakhtine met l'accent sur la
différence existant entre le rire libérateur
de la Renaissance et le caractère figé du
« La littérature de " réalisme bourgeois " du
XVIIe siècle
(Sorel, Scarron, Furetière), à
côté d'éléments purement carnavalesques,
est déjà emplie d'images de grotesque
immobilisé , c'est-à-dire presque soustrait au
cours du temps,
au courant du devenir, donc
soit figé dans sa double nature, soit partagé
en
deux.
» Mikhaïl Bakhtine, L'Œuv re de
François Rabelais et la culture populaire
au
Mo y en Age et sous la Renaissance,
Gallimard, 1970.
1 B.N.
2, 3 , 4 poi ntes sèches de Sch em , Impri me ries Unio n, P aris, 1955 / B.N.
« Le classicisme a inventé l'internement, un
peu comme le Moyen Age la ségrégation
des lépreux; la place laissée vide par
ceux-ci a été occupée par des personnages
nouveaux dans
le monde européen : ce sont
les" internés".
»Michel Foucault, Histoire
de Lafolie à l'âge classique, Gallimard,
1972.
SOREL 02.
»
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