Guillaume Schlegel, Comparaison entre la « Phèdre » de Racine et celle d'Euripide (1807)
Publié le 28/11/2018
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Guillaume Schlegel, Comparaison entre la « Phèdre » de Racine et celle d'Euripide (1807)
Dans cette brochure, publiée en français à Paris, Guillaume Schlegel (1767-1845) — contre l’opinion soutenue par Chateaubriand dans le Génie — tente de montrer les infériorités morales, poétiques, techniques de la tragédie par rapport au drame antique; elles prouvent la vanité de l'imitation; les poètes contemporains doivent donc suivre la voie ouverte par Calderon et Shakespeare. Un tel réquisitoire suscite la réponse de nombreux critiques français classiques : polémique qui préfigure les grands débats de la Restauration.
«
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ARAISON ENTR E LA
(< PHÈDRE )) DE RACINE ET CELLE
·n'EURIPIDE.
Essai critique de l'Allemand
August Wilhelm Schlegel {1764-1845), publié à
Paris en 1807.
Si dans cet écrit qui prélude au
Co'ltrs de littérature dramatiqtte (*), le porte-parole
du romantisme allemand ne ni.e pas la beauté
des vers de Racine, de certains « morceaux n,
i1 considère néanmoins que, da11s le dessin des
caractères et dans la composition, la tragédie
grecque lui est bien supérieure.
Tout d'abord
l'héroïne d� dran1e grec est plus netten1ent
dessinée et beaucoup plus profondément « tra
gique >> que celle de Raci11e ; elle ne parle qu'à
sa nourrice et au chœur ; elle n'adresse pas la
parole à Hippolyte et elle meurt avant le ret011r
de Thésée.
Sa dénonciation calon1nieuse est
terrible, parce qu,avec elle, Phèdre ruine Utl
innocent, mais les motifs qui la font agir sont
élevés ; elle veut sauver son honneur et celui
de ses enfants, en se vengeant du mépri"
·d'Hippolyte.
La Phèdre francaise parle, discute.
complote, dénonce Hippolyte, ou, pis encore,
le fait dénoncer par sa ser·v·ante, pttis essaie
de le disculper ; sa jalottSie pour Aricie, .
to11t
e11 expliquant ses colères, trouble la ligne de
la tragédie classique.
Thésée est, dans l'œuvre d'Euripide, tlile
personnalité vénérable : le pren1ier législatettr
d'Athènes est un mari affectueux, un père plein
de pitié ; il arrive.
le chef Ct!int d•une couronne
de feuilles.
comme s'il avait accompli u11 pèle
rinage.
Chez Racine, il est représenté comme un
roi vagabond courant le monde, à la recherche
d'on ne sait quelles aventures.
Il est compré
herlsible Qtle, chez Euripide, il exerce sur son
fils une autorité in·exorable, en le condamnant;
mais cela est inadmissible chez Racine, où Phèdre,
vivante, devrait être confrontée avec l'accusé.
Le personnage le plus maltraité est Hippoly·te,
qui ne di,tfère en rien des autres princes galants
et sentin1entaux de Racine ; au contraire, chez
Euripide, il est vraiment doué d'une nature
divine, et dans sa beauté vierge et héroïque,
dans sa fière chasteté, nous retrouvons l'image
de sa n1ère, l'Amazone.
Schlegel conteste également à Racine le mérite,
que .
ce dernier avait affirmé dans sa préface,
d'avoir fait triompher la morale, en montrant
que la vertu est récompensée et le vice puni.
II ne s'agit pas, dit-il, de moralité, mais d'un
utilitarisme pratique, tandis que, dans le jeu
mystérieux des événements humains, où trop
souvent le bon souffre et le méchant se réjouit,
le seul élément moral ne peut être que le spec
tacle de l'�tre noble en lutte violente contre
l 'adversité.
Schlegel termine sa comparaison en traduisant
l'épisode de la mort d'Hippotrte, d'après Euri
pide, qui dans le drame grec se passe sur la
scène, tandis que chez Racine, il est raconté
par un ami, ce qui produit un effet beaucoup
n1oins grand.
Original français 'Veidmann,
Leipzig, 1846..
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