Gravitations. Recueil poétique de Jules Supervielle (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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Gravitations. Recueil poétique de Jules Supervielle (1884-1960), publié
à Paris chez Gallimard en 1925 ; réédition corrigée et définitive en 1932.
Après les vers de jeunesse de Comme des voiliers, puis Débarcadères (1922), Gravitations, dont certains poèmes remontent à 1923, est le premier grand - et sans doute le plus important - recueil de Supervielle, qui le fit connaître de Valéry, de Gide, de Paulhan. À la différence des recueils ultérieurs, la plupart des poèmes de Gravitations n'ont pas été prépubliés en revue - à l'exception notable du poème liminaire \"le Portrait\", paru dans le Navire d'argent en 1925 et remarqué par Rainer Maria Rilke, et de quelques autres textes donnés à la Nouvelle Revue française et au Disque vert. Le recueil n'en a pas moins été travaillé et corrigé, sous l'influence « classicisante » d'Étiemble, entre l’édition de 1925 et celle, définitive, de 1932.
La composition, « sans intention réelle de classement » à l’origine, procède de regroupements thématiques en neuf parties : « les Colonnes étonnées », « Matins du monde », « le Cœur astrologue », « Suffit d’une bougie ». « le Miroir des morts », « le Large ». « Géologies ». « Équateur », « Poèmes de Guanamiru ». A l’exception d'« Équateur», qui ne compte qu'un seul poème, les sections sont de volume comparable. Supervielle utilise indifféremment le vers régulier rimé, regroupé en quatrains (\"l’Âme et l’Enfant\", \"Une étoile tire de l'arc\"), avec une nette prédilection pour les mètres courts (6/7/8 syllabes), le verset (\"le Portrait\", “Apparition”, \"le Survivant\"), le vers libre (\"la Table\"), associant le plus souvent les différents vers dans un même poème (“47, boulevard Lannes\", \"Loin de l’humaine saison\"). I! recourt même - fait exceptionnel dans l'ensemble de sa production poétique - au poème en prose, tels \"Vertige” et \"Âge des cavernes” dans « Géologies ».
Supervielle a été profondément marqué par la poésie de Jules Laforgue, né comme lui à Montevideo ; la thématique, résumée par le titre, procède assurément de la métaphysique cosmique du Sanglot de la terre, premier recueil,
«
inabouti, de Laforgue, imprégné du
pessimisme de Schopenhauer, et paro
dié dans
ses *Complaintes et l'Imitation
de Notre-Dame la Lune
(1886) :
Un jour la Terre ne sera Qu'un aveugle espace qui tourne Confondant la nuit et le jour.
("Prophétie")
Supervielle embrasse la totalité de
l'espace -aérien
et interstellaire dans
la section
«le Cœur astrologue >>, ter
restre dans
>, mais égale
ment marin dans ,, le Large>>.
Cepen
dant,
à la différence des grandes
épopées cosmogoniques de Saint-John
Perse- *Anabase est paru en 1924- ou
des *Cinq Grandes Odes de Claudel, qui
célèbrent la splendeur de la Création,
l'immensité de ces espaces suscite
un
, une angoisse agoraphobe :
> scrutant avec son télescope est
une allégorie du poète en quête d'une
place dans l'ordre cosmique - d'une
identité.
L'espace -l'abîme, la dis
tance
-, comme pour l'astronome
habitué à raisonner en années-lumiè
res, représente lui-même
du temps,
ainsi que le
montre "Au feu", où le
poète remonte le temps
en traversant
les couches géologiques.
Le thème cos
mique rejoint alors celui de la mémoire
créatrice, à laquelle la poésie est vouée.
Remonter le temps, c'est
tendre vers
l'origine -de la Terre, de l'humanité,
jusqu'aux temps
préhistoriques· de
"Loin de
l'humaine saison" ou de
l111Âge des cavernes", jusqu'au -, mais aussi de l'individu.
Bon
nombre des poèmes de Gravita
tions
supposent ainsi une composante
autobiographique -certes sublimée,
élevée
à la fiction-, et il n'est pas indif
férent que la naissance soit aussi rap
portée
à Montevideo, dans le poème
du même nom : «Je naissais, et par la
fenêtre
1 Passait une fraîche calèche.
,,
La dernière section « Poèmes de Gua
namiru
>>, qui fait référence au person
nage central du
> l'Homme de
la pampa (1923), transformé en volcan,
évoque clairement le paysage de l'Uru
guay natal, avec ses plaines immenses
parcourues
par des cavaliers, notam
ment dans le poème dédié "À Lautréa
mont", Montévidéen lui aussi.
Comme dans toutes les œuvres de
Supervielle, cette quête des origines se
heurte
à l'irreprésentable : la vision des
parents morts peu après sa naissance,
que l'enfant, élevé par
son oncle et sa.
»
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