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GlL BLAS DE SANTILLAME (Histoire de) d'Alain René Lesage (résume et analyse complète)

Publié le 24/10/2018

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histoire

GlL BLAS DE SANTILLAME (Histoire de). Roman d'Alain René Lesage (1668-1747), publié à Paris chez Pierre Ribou de 1715 à 1735 ; réédition corrigée en 1747.

Fils d’un écuyer et d’une femme de chambre de petite bourgeoisie, Gîl Blas est éduqué par un oncle chanoine assez ignorant Gil Ferez, puis par le docteur Goderaz, qui lui enseigne les humanités. À dix-sept ans, il quitte Oviedo pour aller étudier à l’université de Salamanque (livre I, chap. I). Il est d’abord dupé par un parasite, puis pris par une bande de voleurs (I, 2) ; il les sert et en vient à « travailler avec eux » (I, 3-8). Il décide de s’enfuir avec dona Marcia, qui est leur prisonnière (I, 13). On l’arrête, il est emprisonné, puis libéré. Il la retrouve à Burgos et elle lui donne de l’argent. À Valladolid, il se fait escroquer et il retrouve Fabrice, un camarade d’enfance, qui, après bien des expériences, n’a pas trouvé de meilleur métier que celui de laquais. Gil Blas l’imite et devient donc serviteur. D’abord du chanoine Sedillo, que les médecins « assassinent » (II, 1 -2), puis du docteur Sangrado, qui lui apprend à soigner, ou plutôt à «tuer», les malades (II, 34). Menacé par un bravache, il repart sur la route et voyage avec un garçon barbier ; il rencontre des comédiens; il sert un petit-maître, don Mathias, qui est la proie des usuriers (III, 3) avant d’être tué en duel. Gil Blas devient alors le laquais de l’actrice Arsénié, est promu économe de la troupe ; il chérit cette vie, puis s'en dégoûte (III, 9-12). Il se retrouve au service de la mondaine marquise de Chaves, qui reçoit les beaux esprits de Madrid (IV, 8-9). Après s’être mêlé à une expédition fort peu recommandable (V, I), il devient l’intendant de don Alphonse (VI, 2-3), puis le favori de l’archevêque de Grenade (VII, 3), qui finit par le chasser (VII, 5). Secrétaire du marquis de Mariabua, il paraît à la cour (VII, 13), y retrouve Fabrice, qui le place comme intendant auprès du comte Gabana, seigneur sicilien (VII, 14-15). Quand il tombe malade, son maître l’abandonne (VII, 16). Il se relève et se retrouve même secrétaire du tout-puissant ministre, le duc de Lerme (VIII, 2). Il jouit d'un certain pouvoir, mais est fort mal payé (VIII, 5). Il comprend qu’il peut faire fortune en se laissant acheter par tous ceux qui demandent des grâces (VIII, 9), et il devient parfaitement cynique (VIII, 10). Cette cupidité le rend invivable, et il se brouille avec Fabrice. Il songe à se marier avec une riche héritière ; arrêté sur une dénonciation du puissant Calderone, il est jeté dans les caves de Ségovie. On le libère, mais il est interdit à la cour (IX, 9). À Oviedo, il retrouve sa famille et voir mourir son père (X, 2). Alphonse de Leyne, à qui il a jadis rendu service, lui donne la terre et le château de Lirias (X, 3). Il épouse la belle Antonia, fille de son fermier Basile (X, 9), mais elle rend l'âme après avoir accouché d’un fils, qui ne vit que quelques jours (XI, I ). Le roi Philippe III est mort, Lerme disgracié : le comte d’Olivarès devient Premier ministre, et Gil Blas reparaît à la cour (X, 1-4). Olivarès s’attache ses services et lui fait écrire un mémoire contre Lerme (XI, 5). Il retrouve son ami Fabrice dans un hôpital (XII, 7). Il est anobli. Quand Olivarès est disgracié, Gil Blas quitte la cour et se retire à Lirias ; assagi, il s’y éprend d'une fille de la noblesse, Dorothée de Jutella (XII, 13). Il l’épouse et espère enfin trouver la paix et le bonheur avec son beau-frère, sa femme et les enfants qu’elle lui a donnés (XII, 14).

Il semble d'abord que le propos de Lesage fut simplement de brosser une fresque de l'Espagne du xvne siècle. C'est en 1621 que mourut Philippe III, en 1643 qu'Olivarès fut disgracié. L'action de Gil Blas commence donc

histoire

« vers 1615 et se termine vers 1645 ...

Cette durée est d'ailleurs traitée avec beaucoup de désinvolture : à peine deux livres (sur douze) pour couvrir vingt-sept années.

Accélération qui n'est cependant pas trop choquante et se retrouve dans maints romans de ce type.

Voltaire, puis des critiques espa­ gnols, ont prétendu que l'auteur du Diable boiteux (1707) avait copié un roman de Vincente Espinel, ou un manuscrit qui aurait disparu.

Ces hypothèses sont hasardeuses : tout au plus peut-on retrouver dans quelques pages de Gil Bias des traces du roman d'Espinel.

Au demeurant, la peinture sociale, pour diverse qu'elle soit (les voleurs, les comédiens, les médecins, les prélats, le monde de la cour), n'est pas tellement originale.

La sottise et la fourberie prédominent dans toute la société : les médecins tuent les mala­ des ; les acteurs ont une vie dissolue ; la corruption règne près des ministres et des rois ; le héros, comme tous les hommes, est ballotté par la fortune, et, des grandeurs de la cour, se retrouve sur la paille humide des cachots de Ségovie.

Simples banalités du roman picaresque.

Banalités aussi -ou plutôt conventions -que les longs titres nar­ ratifs de chaque chapitre ( « Comment Gil Bias ...

>> ; « De ce que fit Gil Blas ...

>> ), dont se souviendra l'auteur de *Candide.

Cette peinture sociale est ambiguë et présente des éléments hété­ rogènes, mal fondus : le monde de la Régence, le salon de Mme de Lambert (ici, Mme de Chaves) se retrouvent parmi des traits typiquement espa­ gnols.

Étrange univers, qui est, d'un chapitre à l'autre, celui de Cervantès et celui de Marivaux.

Faut-il chercher dans Gil Bias un roman d'éducation? Il est vrai que le jeune homme, qui sait le grec, le latin et la logique, est par tous trompé, avant de se faire trompeur, ce qui l'enrichit, et trouve enfin, dans une médiocrité dorée, l'amitié et la réussite conjugale, un équilibre « délicieux>>.

Mais Gil Bias n'a pas toujours un caractère bien défini ; il paraît plus souvent entraîné par les événements que capable de les approfondir et d'en tirer une leçon.

En fait, par-delà les ambiguïtés du réalisme et l'apparente simplicité du didactisme, Gil Bias est un roman phi­ losophique.

Il est beau que l'ami du héros soit un poète, comme si l'action et la littérature devaient paraître sœurs, et le poète finit à l'hôpital, tandis que Gil Bias accumule les échecs et les suc­ cès.

Il est beau qu'il trouve un autre double en Scipion, le valet jadis picaro.

Il est bien que le premier des voyageurs que rencontre le jeune homme soit un parasite, qu'il doive passer par le bri­ gandage, la servilité, le théâtre et la politique.

Le plus beau demeure ce ton, qui n'est jamais sec ni cynique, où l'humour et l'indulgence fleurissent toujours.

Lesage s'élève bien au-delà de la farce du monde, si commune aux auteurs picaresques et à leurs émules, et de l'apprentissage de l'amour et du travail, que répètent tous les romans d'éducation.

Gil Blas est le livre du sou­ venir, de la sagesse et de la clair­ voyance.

On y apprend nos certitudes et nos limites.

On y apprend qu'il ne faut condamner personne et ne blâmer que les simulateurs (faux prêtres et faux médecins), qu'il faut bien des malheurs pour se trouver, qu'il est bien d'autres façons de voir les choses que la dérision cruelle ou l'optimisme hypocrite, que rien n'est si bon ni si mauvais qu'on le croit, qu'une lucidité sans douceur et sans pitié ne serait que rudesse affectée, qu'un fragile idéal doit pouvoir se trouver dans une indul­ gence éclairée.. »

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