Gérard de NERVAL : Les Filles du feu

« Photo Goldner 1 Sipa-lcono Nerval, qui fut sept fois interné, sombra à la fin de sa vie dans une folie inter­ mitt ent e qu 'il appe­ lait " l' épa nch eme nt du songe dans la vie réelle".

M elle La-La au cirq1~e Ferando (détail), E.

Degas Photo Nationa l Gallery, Londres Le livre La traversée des souvenirs L es Fill es du feu se composent d'une série de nouvelles , Angélique , Sylvie, Jenny, Octavi e, Émilie, et d'une comé­ die, Corilla.

Deux études complètent le volume, l'une portant sur les Chansons et légen des du Valois , dont le souvenir se perd, au grand regret de l'auteur, malgré la fraîcheur naïve de leur poésie , et l'autre, intitulée /sis, évoquant les mystères des religions antiques.

Enfin, le recueil se clôt sur douze sonnets, rêves de la poé sie la plus pure ou immobiles énigmes, L es Chimères.

Dans Angélique, composée de douze lettres, on voit l'auteur au travail , se documentant sur de hautes figures du temp s pas sé, dépouillant des archives dans les bibliothèques , avant d 'en faire ja illir , entre tant d 'autres, la tragique his­ toire d'Angélique , fille d'un grand seigneur sous Louis XIII, qui s'est enfuie par amour avec son valet.

Mais surtout, dans Sylvie, le héros , fasciné chaque soir au théâtre par une actrice scintillante, Aurélie, se décide brusquement à retourner dans le Valois de son enfance, en pleine nuit.

Il veut y revoir Sylvie, la tendre compagne des jeux d'autrefois qu'il aima en même temp s qu'Adrienne, apparition idéale et troublante, à peine entrevue dans l 'ombre de châteaux en ruine, et dont la figur e se superpose à présent à celle d'Aurélie.

Ainsi la nuit du retour devient-elle traver sée de s so uvenirs.

Une mémoire brûlante; qui transforme le réel en mythe T outes les nouvelles du recueil ont pour titre un prénom féminin, car toutes sont les filles du feu incandescent qui a consumé l'esprit de Nerval jusqu 'à la folie.

Ce feu est celui de la mémoire , qui , en faisant de Nerval un illuminé, lui permet aussi de créer ses récits nocturnes et baignés de rêve.

A la "gé ographie magique" du Valois correspond une mythologie féminine élaborée à partir d'amours vécues : pour une actrice, Jenny Colon (Aurélie ) ou, autrefois, pour 1 "'amazone blonde", Sophie Dawes (A dri e nne).

A partir du matériau de la "vie réel­ le " filtrée par la mémoire , la création littéraire transforme tout en symbole s (les femmes sont assoc iées à l'étoile, à la fleur, par exemple) et ouvre ainsi ces deux portes sur l' invisible que sont le souvenir et le rêve, non loin de la folie .. »