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Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot d'Aloysius Bertrand (résume et analyse complète)

Publié le 24/10/2018

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Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. Recueil de poèmes en prose d'Aloysius Bertrand, pseudonyme de Jacques Louis Napoléon Bertrand (1807-1841), publié à Angers chez Victor Pavie et à Paris chez Lafitte en 1842, avec une Préface de Sainte-Beuve.

 

En dépit de l'estime que lui vouaient certains de ses contemporains, Sainte-Beuve notamment, et en dépit de l'hommage que lui rendit Baudelaire dans la Préface du Spleen de Paris - où ce dernier inscrit son œuvre dans la continuité de Gaspard de la nuit-, Aloysius Bertrand demeura longtemps ignoré de la critique et du public. Il le fut particulièrement de son vivant puisque, malgré ses efforts, il ne parvint pas à faire publier cet ouvrage qu'il composa entre sa vingtième et sa vingt-troisième année et qu'il avait d'abord songé à intituler « Bambo-chades ».

 

Le recueil comprend six « livres ». constitués chacun de six à onze poèmes. L'ensemble est précédé d’un bref poème de ton humoristique en pentasyllabes et d'un Prologue, intitulé « Gaspard de la nuit » et signé « Louis Bertrand », dans lequel le poète relate sa rencontre à Dijon avec Gaspard qui, après lui avoir conté sa quête de l'art, difficile et désespérée, lui remet un manuscrit Bien que Gaspard de la nuit soit « Eh ! oui... le diable ! », Louis Bertrand décide d'imprimer son livre. Celui-ci s’ouvre sur une Préface où I'auteur, c'est-à-dire Gaspard, dévoile ses convictions esthétiques et son projet poétique. Vient ensuite une dédicace « À M. Victor Hugo ». puis le recueil proprement dit commence. La forte cohésion de chacun des livres est fondée sur une unité thématique qui s'exprime dans les titres :

Avec Gaspard de la nuit, Aloysius Bertrand a « essayé de créer un nouveau genre de prose », ainsi qu'il l'écrit à son ami David d'Angers en septembre 1837. En effet, l'auteur invente ici une forme promise à un riche avenir, notamment chez Baudelaire, Rimbaud et les symbolistes. Certes, certains éléments sont propices à l'éclosion du poème en prose, genre qui ne surgit pas ex nihilo. Dès la fin du XVIIe siècle et au xviiie surtout, la « prose poétique » est à l'honneur et cette expression est symptomatique d'une volonté durable d'affranchissement à l'égard des règles traditionnelles, singulièrement celles de la versification dont la poésie était jusqu'alors considérée comme inséparable. En outre, en ce début du xixe siècle où écrit Bertrand, les textes populaires étrangers sont fort prisés et de multiples traductions en prose manifestent la capacité de cette dernière à fournir un équivalent des textes versifiés. Le recueil de Bertrand prend place dans ce contexte : ses poèmes épousent la forme de la ballade par leur division en couplets - six en général, parfois cinq ou sept - et en restituent l'atmosphère par leur tonalité souvent médiévale. La poésie de Bertrand est cependant largement novatrice dans la mesure où elle crée un genre autonome, sans aucune velléité ni pratique d’imitation, et participe d'une inspiration originale.

 

Le sous-titre inscrit le recueil dans une double tradition picturale : celle de Rembrandt et celle de Callot. L'écriture se dit volontiers en termes de peinture - « Combien de pinceaux j'ai usés sur la toile ! », s'exclame Gaspard dans le Prologue - et les notations visuelles occupent une grande place dans les

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« textes.

La poésie emprunte à Rem­ brandt son art de traiter la lumière : il s'agit de faire «naître la vague aurore du clair-obscur», Dans certains poè­ mes, des scènes se figent soudain, grâce à l'utilisation de l'imparfait ou du pré­ sent qui en étirent la durée, et s'offrent comme autant de tableaux dans les­ quels d'intenses et mystérieuses lueurs viennent trouer l'obscurité:« Des lam­ pes sont allumées dans les tentes au chevet des capitaines morts l'épée à la main» ("la Nuit d'après une bataille"); « Des torches s'allument dans les case­ mates, courent sur les bastions, illumi­ nent les tours et les eaux » ("la Cita­ delle de Wolgast").

Placé, par son titre et son auteur fic­ tif, sous les auspices de la nuit, le recueil privilégie les ambiances noctur­ nes.

Les « prestiges » de la nuit (voir le titre du troisième livre) sont avant tout ceux du rêve, de l'hallucination, de l'obscure magie des visions.

Fantasti­ que et onirique, la poésie de Bertrand est peuplée d'apparitions surgies de la nuit: «Écoute!- Écoute!- C'est moi, c'est Ondine qui frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune» ("Ondine").

Souvent venues du passé, ces figures étranges confèrent à Gaspard de la nuit une teneur singulière qui a fait dire à André Breton, dans son Manifeste du surréalisme (voir *Manifes­ tes du surréalisme) que « Bertrand est surréaliste dans le passé » : « Cepen­ dant la reine se pâmait de rire, à une fenêtre, dans sa haute guimpe de Mali­ nes » ("Messire Jean").

La fréquence des archaïsmes dans le vocabulaire ou les tournures employées nourrit égale­ ment ce fantastique médiéval.

La nuit, c'est aussi l'empire du dia­ ble, fréquemment évoqué dans les poè, mes, ainsi qu'en témoignent certains titres tels que "Départ pour le sabbat" ou "l'Heure du sabbat".

Certes, le poète, dans le Prologue, se pose comme un avatar du diable, figure de révolte et de liberté qui, à cet égard, caractérise l'inspiration créatrice d'une façon plutôt positive.

Mais le diable s'apparente aussi au néant et à la mort, et c'est pourquoi les visions qu'apporte la nuit sont souvent maléfiques et menaçantes : « Et moi, il me semblait­ tant la fièvre est incohérente ! -que la lune, grimant sa face, me tirait la lan­ gue comme un pendu ! » ("le Clair de lune"); «Les enchanteurs s'évanoui­ rent frappés à mort, et je vis de loin leurs livres brûler comme une torche dans le noir clocher » ("la Ronde sous la cloche").

Elles prennent la forme de violentes agressions : «Mais c'est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise» ("la Chambre gothique").

La mort hante le recueil, notamment à travers l'image récurrente de la pendai­ son et du gibet.

Finalement, la profu­ sion de cet univers poétique ne saurait masquer le désespoir qui en est le fon­ dement même : « Ainsi mon âme est une solitude où, sur le bord de l'abîme, une main à la vie et l'autre à la mort, je pousse un sanglot désolé » ("Sur les rochers de Chèvremorte").

Toutefois, ce genre de confidence directe est rare et l'humour, parfois macabre il est vrai, est, chez Bertrand, une force plus propice au désespoir qu'à l'épanchement.

Le patronage de Callot, revendiqué par le sous-titre, est visible dans la veine grotesque du recueil qui confère au fantastique une dimension singulière.

Ainsi, le poème intitulé "les Cinq Doigts de la main" dresse la liste burlesque et farfelue des membres d'une famille que le début de chaque strophe assimile à l'un des doigts de la main : « Le pouce est ce gras cabaretier flamand[ ...

].

L'index est sa femme, virago sèche comme une merluche [ ...

].

Le doigt du milieu est leur fils [ ...

].

Le doigt de l'anneau est. »

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