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FLAUBERT: Madame Bovary (Analyse littéraire)

Publié le 18/11/2010

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flaubert

On connaît le mot fameux de Flaubert: «Madame Bovary, c'est moi!« Sans doute, pareil propos était-il tout d'abord destiné à décourager la curiosité de ceux qui cherchaient coûte que coûte un modèle bien réel à l'héroïne du roman Mais, au-delà de la boutade, cette phrase révèle la volonté de l'auteur de donner à son personnage une portée universelle. La biographie d'Emma serait celle de chacun de nous, dans la mesure où toute vie humaine s'éprouve comme le réservoir d'une multiplicité de possibles condamnés à rester insatisfaits. En ce sens, il semble légitime d'écrire: «Madame Bovary, c'est nous«. Cela est si vrai que son nom est passé dans le langage courant pour désigner la maladie d'un individu porté à se faire des illusions sur lui-même et à s'imaginer victime de la platitude de la vie:

le bovarysme.

flaubert

« piano, et se met à dépenser sans mesure.

Elle s'endette auprès de l'usurier d'Yonville qui finit par menacer lesBovary d'une saisie.

Après avoir fait appel, en vain, à la générosité de Rodolphe, Emma se suicide en absorbant del'arsenic dérobé chez le pharmacien Homais.

Charles, inconsolable, meurt peu après. 2.

LE ROMAN DE LA MÉDIOCRITÉ UNE APPARENTE OBJECTIVITÉ l* À sa parution Madame Bovary avait comme sous-titre : «Moeurs de province», ce qui indiquait que Flaubert voulait inscrire son oeuvre dans la tradition balzacienne des études sociales.

Et il est vrai que son roman brosse letableau sans complaisance de la vie étriquée de la province.

Le décor de Yonville est longuement détaillé au débutde la seconde partie.

Sous l'économie des moyens employés, tout est là.

Le destin d'Emma Bovary est déjà scellédans «cette contrée bâtarde où le langage est sans accentuation et le paysage sans caractère.» Un peu plus loin, il suffit de montrer «une maison blanche au-delà d'un rond de gazon que décore un Amour» poursignaler la mesquine prétention de la bourgeoisie de l'endroit : «C'est la maison du notaire, et la plus belle du pays.» L'ART DU DÉTAIL VRAI Dans les portraits qu'il trace de ses personnages, Flaubert fait preuve d'une même sobriété.

Seuls quelques détails,à peine soulignés, indiquent l'au-delà des apparences et font affleurer la vérité profonde des êtres.

Ainsi, le portraitdu pharmacien Homais, incarnation de la bêtise satisfaite et pédante, qui sera le bourreau d'Emma : «Un homme [...] se chauffait le dos contre la cheminée.

Sa figure n'exprimait rien que la satisfaction de soi-même, et il avait l'air aussi calme dans la vie que le chardonneret suspendu au-dessus de sa tête, dans unecage d'osier: c'était le pharmacien.» Le portrait selon Flaubert ne ressemble en rien aux minutieuses études de Balzac, où l'accumulation des détailsrévélateurs sert de point de départ à l'élaboration d'un type humain.

Ici, tout est réduit à l'essentiel.

Du costumed'Homais nous ne voyons que des «pantoufles de peau verte» et un «bonnet de velours à gland d'or».

Aucuncommentaire ne conduit le lecteur à juger ce luxe incongru, cette originalité déplacée dans le décor de l'auberge oùapparaît l'apothicaire.

Ces deux petites touches peignent pourtant le personnage tout entier, aussi sûrement que lesamples descriptions balzaciennes.

Elles montrent toute la suffisance de «l'esprit fort» qui se veut le censeur de labêtise d'autrui, sans se rendre compte que la sienne s'étale sur son visage.

Ses audaces vestimentaires, destinées àle signaler comme un être différent des vulgaires paysans du lieu sont pareilles aux fioritures dont il ampoule sesdiscours et aux succédanés d'idées scientifiques dont il fait profession. 3.

UN RÉALISME VISIONNAIRE UN NOUVEAU RÉPERTOIRE D'IMAGES Flaubert qui passe pour le plus réaliste de nos écrivains, révèle, au coeur même de sa peinture de la réalité, untempérament de visionnaire Il faut évidemment se souvenir qu' à côté de Madame Bovary, et presque simultanément, il a écrit La Tentation de saint Antoine, déluge d'images flamboyantes.

Avec Madame Bovary, Flaubert veut tenter de fixer ce vertige : au lieu de se livrer à une dilapidation frénétique, il va pratiquer une ascèsestylistique qui aboutira à des cristallisations du concret et de l'abstrait, en des formules apparemment anodines etpourtant d'une fulgurante vérité.

L'exemple le plus célèbre est presque passé en proverbe : «La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaientdans leur costume ordinaire.» Ou bien, pour exprimer le dégoût d'Emma devant la fadeur de sa vie : «Toute l'amertume de l'existence lui semblait servie sur son assiette, et, à la fumée du bouilli, il montait dufond de son âme comme d'autres bouffées d'affadissement.» Le coeur d'Emma, grisé par la fête à La Vaubyessard est comparé aux souliers de satin qu'elle a portés pour le bal,«dont la semelle s'était jaunie à la cire glissante du parquet» : «Son coeur était comme eux : au frottement de la richesse, il s'était placé dessus quelque chose qui nes'effacerait pas.» Cette façon de faire d'un petit rien l'image des sentiments les plus graves éprouvés par l'héroïne, de son ennui, desa sourde insatisfaction, est l'une des caractéristiques du style de Flaubert.

Son réalisme est fruit d'une longueméditation, d'un patient travail d'assemblage de choses apparemment sans lien entre elles.

La volonté d'une femmeest «comme le voile de son chapeau retenu par un cordon» qui «palpite à tous les vents, il y a toujours quelquedésir qui entraîne, quelque convenance qui retient».

Les objets les plus insignifiants deviennent en quelque sortedes emblèmes.

Mais ils sont dépouillés de la «noblesse» habituellement accordée à tout ce qui est signe ou symbole. LE RENVERSEMENT DU POINT DE VUE Dans Madame Bovary, Flaubert le visionnaire ne fait pas exploser le cadre trop étroit de la réalité: il s'y moule, et, mieux, il l'utilise.., sans résister parfois à la tentation de faire disparaître ses personnages derrière les objets qui les. »

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