Finley, Démocratie antique et démocratie moderne
Publié le 17/01/2012
Extrait du document
I. Dirigeants et dirigés
Actuellement : indifférence et ignorance de la majorité des électeurs dans les démocraties occidentales ; les électeurs dans leur majorité ne se soucient même pas d’exercer leur très précieux droit de vote.
Cela pose une question descriptive : comment la démocratie fonctionne-t-elle, et une prescriptive ou normative : comment doit-on, si possible, faire quelque chose à ce sujet ?
Platon et Aristote désapprouvaient tous deux la démocratie en son principe ; de plus, tandis que tous les théoriciens politiques de l’Antiquité examinaient les diverses formes de gouvernement de façon normative, càd en fonction de leur capacité à aider l’homme à atteindre un but moral dans la société, les écrivains modernes sont moins ambitieux : ils évitent les buts idéaux pour mettre l’accent sur les moyens, l’efficacité du système politique, son pouvoir de paix et d’ouverture.
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Même Périclès n’eut pas un tel pouvoir (au sujet des élites), il pouvait espérer une approbation continue
de sa politique, exprimée par le vote du peuple, mais ses propositions étaient soumises à l’Assemblée,
semaine après semaine, qui pouvait l’abandonner lui et sa politique.
La décision appartenait à l’Assemblée,
pas à Périclès ni à un autre dirigeant.
Le peuple possédait non seulement l’éligibilité nécessaire pour occuper les charges et le droit d’élire des
magistrats, mais aussi l e droit de décider en tous les domaines de la politique de l’Etat et le droit de juger,
constitué en tribunal, de toutes les causes importantes.
Pour Protagoras, tous les hommes possèdent (sans avoir tous nécessairement la même habileté) la politiké
techné , l’art du jugement politique sans lequel il ne peut y avoir de société civilisée.
Pour Aristote, l’homme était par nature, non seulement un être destiné à vivre dans une cité -Etat, mais
aussi un être de famille et un être de communauté.
A mon avis, ce sen s de la communauté fortifié par la
religion d’Etat, les mythes et les traditions, fut le ressort essentiel des succès de la démocratie athénienne
sur le plan des faits.
De profonds changements institutionnels sont intervenus depuis que Tocqueville et Mill ont écrit, voilà un
siècle et plus.
Le premier est la transformation radicale de l’économie, dominée par des sociétés
multinationales à un degré que nos ancêtres ne pouvaient pas même imaginer.
Il existe de plus de
nouveaux facteurs importants dans le doma ine politique lui-même, avant tout la transformation de la
politique en un métier, au sens étroit du mot - homme politique au sens strict.
Une conséquence de la situation actuelle est le lien étroit entre métier politique et argent gagné, avec ou
sans corr uption, mais je considère cela comme une conséquence mineure par rapport à la création d’un
groupe d’intérêt nouveau et puissant : les hommes politiques.
Les dirigeants laissent percer un désir
presque irrésistible d’éviter une mise à l’écart même temporaire.
On en vient à négliger les intérêts à long
terme dans la mesure ou l’avenir ne pré sente pas d’électorat déjà constitué.
Dans de telles conditions il serait absurde d’établir une comparaison directe avec une petite société
homogène et en face à face tel le qu’Athènes dans l’Antiquité.
L’apathie publique et l’ignorance politique sont un fait fondamental aujourd’hui ; les décisions sont prises
pas des dirigeants politiques, et non par un vote populaire qui n’a au mieux qu’un pouvoir occasionnel de
veto, une fois le fait accompli.
De nouvelles forme de participation populaire dans l’esprit de l’expérience
athénienne ont- elles besoin d’être découvertes ?
La théorie élitiste avec sa conception du politicien de profession comme héro, avec son appel à la fin de
l ’idéologie, avec la transformation qu’elle fait subir à une définition opérationnelle, pour en faire un
jugement de valeur, répond de façon négative à cette question.
La démocratie devient un système à
préserver, non une fin à rechercher.
II.
La Démocratie, le consensus et l’intérêt national
On peut avancer de façon plausible qu’étant donné le système économique dans lequel nous vivons, la
puissance et les profits croissants des grandes sociétés font progresser l’intérêt national.
Si la General
Motors devait s’écrouler, les conséquences immédiates sur le plan du chômage, de la baisse du niveau de.
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