Fiche de lecture : Voyage au bout de la nuit (Céline)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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pousser ce passager à quitter l'Europe? Peu à cheval sur l'amour-propre dont il n'a pas l'usage, Ferdinand se tire dumauvais pas in extremis en invoquant l'esprit patriotique et la grandeur de la France.
Débarqué précipitamment àBombola-Fort-Gono, il est embauché par une compagnie coloniale qui l'envoie en brousse via Topo.
C'est larencontre du lieutenant Grappa et de sa justice à coups de triques; du sergent Alcide et du petit commerce detabac qu'il entretient avec les douze miliciens nudistes, avant la remontée du fleuve à la recherche du comptoiravancé.
En fait d'installations, il n'y a qu'une vieille case délabrée et son prédécesseur, en qui Bardamu reconnaîtraplus tard Robinson, s'enfuit après-avoir tout volé.
Atteint de malaria, rongé par les fièvres, Ferdinand est vendu parles indigènes à une galère espagnole en partance pour New York.
Embauché au port pour l'incroyable capacité qu'ildéveloppe à dénombrer les puces, il retrouve Lola et, après lui avoir soutiré quelque argent, il gagne Detroit et lesusines Ford.
Il se lie avec Molly, une prostituée proche de la sainteté tant son désintérêt est grand et charitable.
Unsoir, Ferdinand croise Robinson à présent nettoyeur de nuit.
Il repart pour l'Europe et après avoir achevé ses étudesde médecine, s'établit en banlieue à Garenne-Rancy.
Trop compatissant, gêné d'avoir à réclamer des honoraires, ilvivote.
De Bébert, le neveu de la concierge, à la fille du cinquième qui mourra des suites d'un avortement, Ferdinandse traîne au milieu de ses malades qu'il décrit sans complaisance.
Chez les Henrouille, on lui propose de l'acheterpour autant qu'il fasse enfermer la vieille mère qui empêche de faire des économies.
Il refuse mais les visiterégulièrement.
Robinson reparaît, accepte d'assassiner la vieille Henrouille mais prend la dose de chevrotines qu'il luidestinait en pleine figure.
Drame sans précédent, la famille se retrouve avec la mère et son assassin, devenuaveugle, sur les bras.
L'abbé Protiste moyennant finance trouve le moyen d'envoyer Robinson et la vieille àToulouse.
Une fois cette épine hors du pied, Bardamu attrape un rhume tenace qui précipite sa décisiond'abandonner Rancy.
Il gagne l'hôtel, est figurant au théâtre Tarapout jusqu'au jour où, une fois de plus, il part.
Ilrejoint Robinson à Toulouse.
Ce dernier va se marier avec Madelon, la fille de la vendeuse de cierges.
Au moment oùFerdinand va prendre le train pour Paris, il apprend que la mère Henrouille « s'est tuée » dans un escalier.
Re-fuiteen avant, rencontre de Para-fine qui a perdu son emploi de chercheur et travaille à présent dans l'hôpitalpsychiatrique du docteur Baryton.
La vie à l'asile s'écoule tranquillement jusqu'au soir où le professeur se targued'apprendre l'anglais.
Ferdinand joue au professeur, les progrès de l'élève sont tels qu'après trois mois, le docteurBaryton se décide à tout plaquer pour courir l'aventure au nord! Nommé directeur de l'asile par interim, Ferdinands'accommode de la situation jusqu'au retour de Robinson qui ne veut plus épouser sa Madelon.
Celle-ci arrive et lepoursuit de ses assiduités.
Robinson lui avoue sa lassitude des hommes et des sentiments, la vie le dégoûte...
EtMadelon le tue de trois balles de revolver.
La police emporte le corps, Bardamu finit dans un bistrot, près d'uneécluse; un remorqueur passe, emportant les péniches, le fleuve, la ville entière et tous les personnages du voyage.
Pistes de lecture Un style privilégié : la vie et le langage parlé Louis-Ferdinand-Auguste Destouches est né à Courbevoie le 27 mai 1894.
Fils de petits commerçants, il est envoyé dès 1905 en Allemagne d'abord, en Angleterreensuite, afin d'apprendre les langues.
En 1912, devançant l'appel, il s'engage pour trois ans au 12e cuirassier.
1914:volontaire pour une mission périlleuse, le maréchal des logis Destouches est blessé au bras et après avoir reçu lamédaille militaire, il est réaffecté à Londres avant d'être définitivement réformé le 7 décembre 1915.
Il décide alorsde se faire embaucher comme agent d'une compagnie forestière en Afrique et gagne le Cameroun.
Une année nes'est pas écoulée qu'il regagne la France, reprend ses études secondaires et, en 1918, entame des études demédecine qu'il clôturera en 1924 avec une thèse sur «la vie et l'oeuvre de Philippe-Ignace Senmelweis ».
FerdinandDestouches part ensuite pour les Etats-Unis au service de la Société des Nations et rencontre la danseuse ElisabethCraig.
Deux ans plus tard, en 1928, il s'installe à Clichy où il ouvre un cabinet privé avant de travailler au sein d'undispensaire dès 1931.
C'est à cette époque qu'il rédige Le Voyage au bout de la nuit et, un an plus tard, les éditionsDenoël publient le premier roman de Louis-Ferdinand Céline.
Le succès est immédiat, l'ouvrage déchaîne lespassions; encensé ou détesté, il ne laisse pas indifférent.
Ecrit à la première personne, parsemé de points desuspension et noyé sous les constructions grammaticales populaires, Le Voyage au bout de la nuit est le premierroman à avoir introduit de manière systématique l'illusion du langage parlé.
Contrairement à ce que pourrait laissercroire le résumé, le roman n'est pas tant une suite d'événements qu'une suite de phrases, la pensée de Bardamu sedéroulant devant nos yeux de manière continuelle, sans retours en arrière ni bonds en avant, avec, comme résultat,toute l'émotion de la parole en gestation.
Le quotidien selon Céline et le rejet d'un espace donné Le monde mis enscène par Céline n'est pas la société française bien établie des années trente.
Robinson et Bardamu vivent en margedu monde qui jusqu'alors s'était reflété dans les oeuvres littéraires.
Le récit du Voyage est constitué d'une sorted'enfilade d'événements dont le seul lien est Bardamu.
Ces événements ne tendent pas dans une directiondéterminée, par un destin, par exemple, mais surviennent comme la vie s'écoule.
C'est pourquoi le roman évolue àl'intérieur d'un présent continuel.
L'espace dans lequel s'inscrivent les personnages est régulièrement remis encause, non pas tant par condamnation de l'immobilité mais parce que se fixer, c'est donner aux autres la possibilitéde vous connaître et donc, d'après Céline, de vous nuire.
Là réside le principal mobile de la fuite en avant duVoyage.
Le tragique résulte de ce raisonnement : il faut bien être quelque part et ce quelque part est forcémentsource d'ennuis.
L'univers petit-bourgeois que dépeint Céline respire la mesquinerie, la tristesse; et l'homme vu parl'écrivain est nu, tel qu'il est, sans fioritures avec sa maladie de peau, ses entrailles et ses économies.
Un personnage fort controversé Le second roman de Céline, Mort à crédit, paraît en 1936 et décrit un monde identique à celui du Voyage.
La même année, Mea Culpa désillusionne ceux qui l'avaient pris pour un écrivain degauche et en 1939, délaissant le roman, il rédige deux pamphlets violemment antisémites qui lui vaudront d'êtrecondamné après guerre à l'indignité nationale et à la confiscation de ses biens.
Curieusement, Céline s'est toujoursdéfendu de vouloir faire passer un message dans ses oeuvres, prétendant écrire non pour l'art mais pour gagner savie « parce que la médecine...
» Si l'on peut effectivement retrouver cette démarche dans la plupart de ses romans,même dans ceux qui furent écrits durant les années noires (Guignol's band), il n'en demeure pas moins vrai que sesopinions politiques et ses pamphlets en font un personnage fort controversé..
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