Fiche de lecture : PRÉFACE DE CROMWELL de Victor Hugo
Publié le 18/11/2018
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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Cromwell [Victor Hugo] - fiche de lecture.
1 PRÉSENTATION
Cromwell [Victor Hugo] , drame en cinq actes et en vers de Victor Hugo, publié en 1827, adapté pour la première fois à la scène en 1956, et dont la préface est considérée comme le premier grand manifeste du romantisme.
En 1657, Cromwell parvenu au sommet du pouvoir après le régicide de Charles I er et l'instauration de la République, est tenté par la Couronne, que le Parlement et la cité de Londres s'apprêtent à lui offrir.
Mais il se ravise, car il découvre, une nuit,
qu’il est la cible d'un complot qui coalise contre lui les républicains puritains et les royalistes catholiques, à l'affût de son premier faux pas.
Il attend le sacre pour refuser la couronne.
Ses adversaires stupéfaits reconnaissent sa grandeur, le peuple
admire sa modestie.
Ce dénouement heureux ne l'empêche pourtant pas de rester frustré dans ses ambitions monarchiques.
2 LE THÉÂTRE HISTORIQUE : ALLUSIONS ET RÉFLEXIONS
Hugo s'inspire du théâtre de Shakespeare et du roman historique de Scott ; s'il prend des libertés avec la réalité historique, il restitue avec précision son contexte, par le décor londonien et par la multiplicité des personnages (quatre-vingt-neuf, plus
les figurants), qui vont de l'homme du peuple au puissant.
L'Histoire, telle qu’elle est montrée, n'est pas seulement faite par les grands, mais aussi par les masses.
Le drame romantique dont Cromwell donne le modèle a la double visée de représenter
le passé et le présent, par analogie des situations : ainsi, le grand homme issu de la révolution républicaine et qui ambitionne de reformer une monarchie, contre les tenants de la dynastie déchue, évoque pour les contemporains à la fois les ambitions
impériales de Bonaparte et la Restauration de 1815.
3 UNE ESTHÉTIQUE CRITIQUE
La composition est très libre : scènes de foule, théâtre dans le théâtre, jeux de mots, chansons, répliques discontinues qui rompent la régularité de l'alexandrin.
Le sublime des situations est miné par le grotesque, qui touche aussi le grand homme,
prenant la valeur critique d'une interrogation sur la légitimité des puissants.
4 LA PRÉFACE DE CROMWELL, MANIFESTE DU ROMANTISME
Hugo monte dans sa préface une machine de guerre contre l'idéalisme du Beau, en dressant un panorama historique de l'évolution des conceptions esthétiques ; puis il élabore une théorie du Beau comme « harmonie des contraires », le grotesque et
le sublime, de l'union desquels « naît le génie moderne ».
5 « HOMO DUPLEX »
Hugo distingue trois âges de la poésie : les temps primitifs (lyriques), antiques (épiques) et modernes (dramatiques) ; ces derniers correspondent à l'avènement du christianisme, qui révèle à l'homme sa double nature spirituelle et matérielle, le
plongeant dans la mélancolie.
Le drame naît de cette découverte : « Les hommes et les événements, mis en jeu par ce double agent, passent tour à tour bouffons et terribles, quelquefois terribles et bouffons tout ensemble.
» Hugo réhabilite donc, en
utilisant le dualisme chrétien, ce qu'il appelle le grotesque, qui s'oppose au sublime, tout en étant étroitement lié à lui.
Au beau qui « n'a qu'une forme », Hugo oppose le laid qui « en a mille » ; le drame, en les représentant ensemble, se rapprochera
de la vérité de la nature.
6 UNE DRAMATURGIE DE LA VÉRITÉ
Il combat ainsi la poétique classique qui se réclamait d'Aristote en séparant le genre noble (la tragédie et l'épopée, qui chantent en vers les passions des grands) du genre bas (la comédie en prose, qui dénonce les ridicules du peuple), et appelle de
ses vœux une nouvelle forme de théâtre, inspirée du modèle shakespearien, qui « ferait passer à chaque instant l'auditoire du sérieux au rire, des excitations bouffonnes aux émotions déchirantes, du grave au doux, du plaisant au sévère […] ».
Le grotesque a une fonction esthétique (faire ressortir le sublime par contraste), métaphysique (la proximité du rire et de la mort dévoile les vanités terrestres), critique enfin : il met tous les hommes à égalité, en montrant la grandeur et la
mesquinerie des puissants comme des humbles.
7 LE RÊVE D'UN THÉÂTRE EN LIBERTÉ
La révolution prônée par Hugo s'étend à l'alexandrin, qu'il veut plus naturel « sachant briser à propos et déplacer la césure […] plus ami de l'enjambement qui l'allonge que de l'inversion qui l'embrouille ».
Il ne s'agit pas d'y renoncer, car le drame ne
doit pas copier platement la nature, mais montrer le fonctionnement du monde à travers « un miroir de concentration ».
Pour cela, la plus grande liberté créatrice doit être laissée au poète.
Selon Hugo, les règles ont ligoté les auteurs classiques,
surtout les unités de temps et de lieu et la bienséance, qui entravent la vérité.
Mais il est conscient que cette nouvelle esthétique s'adapte mal à la scène de son temps.
Cromwell, il le sait, n'est pas jouable tel quel à son époque.
Plus tard, Hugo
adoptera, pour qu’il soit joué, une esthétique du compromis (longueur du texte et nombre de personnages réduits, unité de lieu respectée à l'échelle de l'acte) ; mais en 1827, il rêve d'un théâtre total, qui pourrait même s'associer « les fascinations
de l'opéra », anticipant sur les révolutions scéniques et dramaturgiques du XXe siècle..
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