Fiche de Lecture - Pourquoi croit-on en Dieu ? de Jean-François Dortier
Publié le 25/07/2012
Extrait du document
Une morale est un ensemble de règles auxquelles on doit conformer sa conduite. La religion donne tout le monde un code de conduite et un système de pensé. Ces règles distinguent un mal et un bien, un permis et un interdit. Dieu joue en quelque sorte le rôle du père qui fixe les règles et qui punit. Le croyant est comme un enfant. C’est au croyant de choisir l'éternité au paradis, ou l'éternité au enfer. Le clergé joue le rôle de l'entremetteur. Si le poids du péché est trop dur, une confession, quelques prières et l'absolution permettent au croyant de dormir la conscience tranquille.
«
Deux grands profils typiques sont à distinguer.
D'abord une mystique que l'on peut qualifier de « spirituelle et métaphysique », celle des soufis en islam, des moinesbouddhistes, des pratiquants des mystiques chrétiennes*, ou encore des yogis.
Ces mystiques sont en quête d'une forme d'extase marquée par le sentiment d'abolitiondu moi, de participation au cosmos.
Ce moment d'intense bonheur est souvent identifié à un type de connaissance nouveau, une « intelligence supérieure », nonexprimable en mots.
Cet état correspond à ce que Romain Rolland nommait le « sentiment océanique » (voir l'encadré ci-dessus).
L'écrivain pensait que le sentiment océaniquecaractéristique de l'extase spiritualiste correspond à un éveil de la conscience.
Pour Sigmund Freud, sceptique et athée, il s'agit d'une régression archaïque narcissique(stade où l'enfant est en fusion avec sa mère).
Des psychologues ont tenté de cerner précisément le phénomène psychique.
Ralph W.
Hood, en 1975, a ainsi établi uneéchelle du mysticisme (en huit niveaux) à partir de témoignages recueillis, et des recherches neurologiques se sont efforcées de saisir les modifications cérébralesinduites par l'état d'extase.
On retrouve cette expérience assez courante dans les pratiques de méditation et relaxation.
Selon Herbert Benson, psychologue à Harvard,25 % des sujets participant aux séances de relaxation (fondées sur des exercices de respiration profonde et de vide de la pensée obtenu par la concentration sur unmot ? « paix » ? ou une image ? un cercle) qu'il organise déclarent éprouver des expériences « spirituelles » (Timeless Healing.
The power and biology of belief,Scribner, 1996).Les mystiques visionnaires
L'autre grand profil du mystique est le « visionnaire ».
Son contact avec l'esprit est nettement moins abstrait et désincarné que dans le modèle précédent.
Levisionnaire entretient avec Dieu ou les esprits un rapport très personnel : Dieu, Jésus, Marie, les anges ou n'importe quelle autre divinité lui parlent ? il entend leurvoix ? ou lui apparaissent sous forme humaine.
C'est le cas de sainte Thérèse d'Avila (1515-1582) et de ses visions, particulièrement celle de 1560 où elle rencontreun ange qui lui transperce le cœur avec un dard en or (immortalisée par la statue de Bernin).
Hildegarde de Bingen (1098-1179), autre grande mystique visionnaire,est depuis l'enfance sujette à des visions cosmologiques : elle voyage dans les sphères célestes et assiste au concert des anges.
Alors que dans le sentiment océanique, le moi se dissout dans un grand tout cosmique, le moi du mystique visionnaire est au contraire surdimensionné.
Il se sent unélu, un messie, Dieu l'a choisi et vient lui parler.
Le mysticisme visionnaire a lui aussi donné lieu à de nombreuses interprétations, surtout de nature psychiatrique.
Lorsque l'on prétend avoir des visions, entendre desvoix, que Dieu vous ordonne d'exécuter prières, sacrifices et rites de mortification, comment ne pas songer aux délires des psychotiques ? Les psychiatres savent bienque la schizophrénie se manifeste parfois par des « délires mystiques ».
Ainsi le cas de ce jeune homme de 20 ans retrouvé nu sur l'autoroute au mois de janvier, quidéclare aux pompiers venus le récupérer : « Dieu m'a confié la vie de tous les automobilistes qui circulent sur cette autoroute ; si vous ne me laissez pas finir mamission, il y aura des morts (2).
» Dans la littérature psychiatrique, le cas le plus célèbre de délire religieux, qui depuis S.
Freud a fait l'objet d'une avalanche d'études,est celui de Daniel Paul Schreber.
Ce magistrat, président de la cour d'appel de Dresde, souffrait d'une forme de paranoïa délirante, Dans Mémoires d'un névropathe,il raconte l'évolution de son trouble.
Dans une première phase, il pense qu'on veut l'émasculer pour le transformer en femme.
Puis son délire deviendra religieux :Dieu Lui-même intervient dans sa vie par l'intermédiaire de ses « nerfs ».
Il l'a élu, désire le posséder et veut s'accoupler avec lui.
Certaines expériences mystiques pourraient aussi s'expliquer chez des sujets bien portants par des « états de conscience altérée ».
Les exercices spirituels ques'imposent les mystiques sont fondés sur des privations, mortifications, jeûnes, isolements susceptibles de provoquer des hallucinations et des visions comparables àcelles obtenues sous hallucinogènes.
Depuis les années 1960, une abondante littérature existe sur les liens entre transe, hallucinogènes et état de conscience modifiée.Les religions de guérison
Dans la plupart des religions, les cultes comportent des composantes thérapeutiques.
Dans les sociétés traditionnelles, on va voir le chaman, ou « medecine man »,pour soigner toute sorte de troubles (3).
Dans les religions antiques, on faisait des sacrifices aux dieux dans l'espoir d'une guérison.
Dans la plupart des grandesreligions actuelles, on attend des prières, pèlerinages ou sacrifices qu'ils aident à la guérison.
Certains cultes, comme l'antoinisme, implanté en Belgique et en France depuis le début du XXe siècle, sont spécialisés dans la guérison (6).
Aujourd'hui, on assiste àun renouveau de ces cultes, notamment avec le pentecôtisme qui se répand aux Etats-Unis, en Amérique latine ou en Afrique (5).
Aux Etats-Unis, les thérapiesalternatives et les médecines douces comporte une forte composante religieuse et mystique (6).
La religion soigne-t-elle vraiment ? Les études sur son efficacité donnent des résultats controversés (voir l'encadré p.
56).
Lorsque cela marche, les croyants pensentque le miracle a opéré, les sceptiques invoquent des coïncidences, l'effet placebo ou l'efficacité symbolique.
Les études sur les cultes de guérison montrent que lesmédecines spirituelles ne visent pas forcément à obtenir un bénéfice réel sur la santé.
Leur succès tient surtout au soutien moral et social non négligeable qu'ellesapportent au malade.
Dans les pays où les structures de soin sont défaillantes, on comprend que les pauvres se tournent vers les prêtres-médecins qu'offrent lesreligions traditionnelles.
Enfin, les liens entre la psychologie et les religions montrent, eux aussi, que la religion sert à vivre et non à mourir..
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