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Fiche de lecture : PETITS POÈMES EN PROSE (LE SPLEEN DE PARIS) Charles Baudelaire

Publié le 18/11/2018

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PETITS POÈMES EN PROSE (LE SPLEEN DE PARIS)

Charles Baudelaire. Poèmes en prose, 1869.

 

L’œuvre que Baudelaire définit, dans sa dédicace à Arsène Houssaye, comme une «tortueuse fantaisie», comprend une cinquantaine de pièces, «tronçons» d’un ouvrage «dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu’il n’a ni queue ni tête». Nul souci de composition, nul regroupement de thèmes ne rappelle ici l’architecture savamment combinée des Fleurs du mal-, tout au contraire, y règne un savant désordre, réunissant «toutes les suggestions de la rue, de la circonstance et du ciel parisiens, tous les soubresauts de la conscience, toutes les langueurs de la rêverie, la philosophie, le songe et même l’anecdote». Seule unité, seul lien entre ces rêveries d’un promeneur à la recherche d’impressions fugitives, à l’affût de toutes les particularités du spectacle de la vie moderne: la forme; celle, radicalement nouvelle, malgré les antécédents auxquels le poète lui-même rend hommage, du poème en prose.

 

♦ Baudelaire (1821-1867) a longtemps travaillé à cette recherche d’une « prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux

 

soubresauts de la conscience », dont Gaspard de la nuit, d’Aloysius Bertrand, lui fournissait le modèle. Quelques-unes de ces pièces parurent d'abord en revues, sous le titre de Poèmes nocturnes ou de Petits Poèmes en prose.

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« Petits poèmes en prose (Spleen de Paris) de Charles Baudelaire Présentation des Caractéristiques de l'œuvre, des Critiques, des Etudes Universitaires (Mémoires de Master et Thèses de Doctorat), avec l'Etude du poème« Anywhere out of The World »D'après Auguste Angles à la première moitié du XXe siècle Baudelaire est encore le seul poète, la seule figure qui fut à l'origine de toutes sources artistiques etcréatives dans le domaine de la poésie, le maître sans contestation, un précurseur, un messie, un frère.

Trois générations de poètes, celle de Verlaine, de Valéry et deBreton, sans avoir pratiquement aucun point commun à part le poète lui-même, ont voué leur admiration à son culte auquel ils se sont attachés en le renouvelant àchaque occasion sans avoir pu l'épuiser.Charles Baudelaire, né en 1821 à Paris et mort en 1867 dans la même ville dans des conditions atroces, n'a laissé qu'un œuvre poétique d'une minceur incomparableen volume aux autres grandes poètes d'expression française.

Sa résolution pour devenir homme de lettres ne plut aucunement à sa famille qui lui réserva une viedestinée au commerce.

Pour le détourner de son ambition, on l'envoya à un voyage à l'Est lors duquel il est allé à l'île Maurice, à la Réunion, au Madagascar, à Ceylanet à la péninsule du Gange.

Après une absence de dix mois, il retourna en France et le projet de sa famille pour l'intéresser au commerce n'a pas eu de retour.

D'aprèsGautier, « de ce voyage au long cours, il ne rapporta qu'un éblouissement splendide qu'il garda toute sa vie ».

Son génie qui s'est imposé à la postérité est du à soncaractère et à son œuvre qui représente « toute l'intensité des contradictions auxquelles, historiquement, était alors soumise la vocation poétique.

»Ces contradictions, on le sait, se trouvent mêmes au cœur de la société de France de l'époque, où le monde se transforme, où règne le progrès industriel voué au cultede la raison et de la science.

C'est le « mal du siècle » que ressent le poète, l'écrivain déchiré entre la tradition et la modernité.

A part un Hugo qui continue son œuvremonumentale, le romantisme épris par la nostalgie se voit tombé dans l'oublie.

A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, les poètes se tournent soit vers uneesthétique, une conception de l'art pur tel que le désigne Gautier, « l'art pour l'art », soit à une poésie représentée par les parnassiens, impersonnel à la manière deLeconte de Lisle.

Pourtant Baudelaire, qui lui-même fait parti aussi de la génération sur laquelle pèse l'échec de 1848, reste bien prudent pour s'adhérer à tel ou telmouvement littéraire.

Marioni dans son article qui date du début du XXe siècle décrit le poète comme suit :Par tout point de vue, soit artistique, éthique, psychologique, Baudelaire est un personnage d'un intérêt irréfutable.

[…]Cet un homme bien évidemment qui détient une place à part dans la littérature française.

Profondément individuel, il ne pourrait être attaché à aucune école, à aucunmouvement littéraire.La place accordée à Baudelaire par Marinoni est reprise par Vallet un siècle plus tard.

Soulignant la poésie inclassable de Baudelaire, Vallet dans son ouvrage préciseque l'homme fut à la fois le dernier romantique et le premier moderne.

D'après Vallet il s'aligne au mouvement romantique par certains aspects de sa conceptionartistique et poétique.

Baudelaire prolongea d'une manière propre à lui ce dernier grand mouvement religieux en Europe en continuant « bien le grand élan lyrique dumoi romantique, de l'être individuel confronté à son destin métaphysique, à la mort, à l'amour, à l'infini, à Dieu – et au destin de l'humanité ».

C'est par sonindividualisme, son lyrisme, son impuissance face à l'infini, au destin humain, à la mort que Baudelaire s'attache au mouvement romantique.

Néanmoins il s'enéloigne dans le sens où« il abandonne résolument le goût passionné du romantisme pour la résurrection littéraire de mondes historiques disparus ou l'évocation de pittoresques exotisme(espagnol, italien, germanique, oriental, etc.) – passion qui fit édifier à V.

Hugo sa Légende des Siècles.

De même il se détourne presque complètement du face à facegrandiose (et parfois grandiloquent) du poète romantique avec la Nature (comme Création, manifestation du Créateur).

»Le créateur omniprésent, omnipotent et omniscient qui se manifeste dans la Nature laisse sa place chez le poète à la ville sombre et il ne s'agit plus d'une nostalgie dupassé cher aux romantiques, au contraire :« Son monde est obstinément et exclusivement le monde présent, tel qu'il le vit et l'affronte : la grande cité, la foule anonyme, les faubourgs ouvriers, laprédominance des rapports marchands, la déchristianisation, le règne du journalisme, l'art lui-même devenant marchandise.

Les mondes passés ou exotiquesn'apparaissent chez lui que sous forme de rêveries, symptomatiques du malaise de la condition de l'homme moderne.

»A cheval entre tradition et modernité, Baudelaire peut-on ainsi dire est le poète occupant une place charnière dans la littérature française.

Le passage du romantismeau symbolisme se fait avec lui.

Son génie qui lui vaut ainsi une place à part est salué même par le géant du siècle qu'est Victor Hugo.

Ce dernier reconnait lanouveauté de l'art chez son cadet en lui s'adressant "Vous créez un frisson nouveau".

Ce frisson nouveau sera une fois pour toute renouvelé avec son dernier ouvrageintitulé Petits poèmes en prose ou Spleen de Paris.

Pour Jean d'Ormesson, qui le qualifie comme un poète et « un prosateur halluciné », Baudelaire est « un des plusgrands poètes, et peut-être le plus grand, […] annonciateur des temps modernes ».

Le génie du poète dans le domaine de la prose fut déjà signalé par l'éditeur Hetzeldans sa lettre adressée à Arsène Houssaye en 1862 :« Mon cher Houssaye, lis pour de bon.

Je voudrais t'écrire ceci en lettre de Feu : tu as le commencement des Poèmes en prose de Baudelaire, et pour que je puisse lepublier, il faut que cela ait paru dans le journal.Baudelaire est notre vieil ami, ce qui n'est rien, car nous avons trop d'amis ; mais c'est certainement le prosateur le plus original, et le poète le plus personnel de cetemps ; il n'y a pas de journal qui puisse faire attendre cet étrange classique des choses qui ne sont pas classiques ; publie-le donc vite – mais vite – et mets-moi àmême de le lire.

»Ces temps modernes s'annoncent dans l'œuvre baudelairienne qui s'est, d'après Vallet, imposé rétrospectivement parlant en tant que l'origine de la poésie en prose.George Blin dirait à ce propos qu'« Autant que le permettent les lois de la création littéraire, les Petits Poèmes en prose marquent un commencement absolu.

» Cecommencement absolu ne fut néanmoins pas marqué par un heureux aboutissement.

L'ouvrage du poète qui lui a valu en partie sa renommé ne fut que publié dansson intégralité après sa mort.

On apprend par Henri Lemaître que le poète a eu le dessin de publier ce recueil dès 1857 sous le titre de Poèmes nocturnes.

Mais eneffet Baudelaire publia déjà deux de ces poèmes en prose « Le Crépuscule du Soir » et « La Solitude » en 1855.

Ce n'est qu'à 1861 que pour la première fois neufpoèmes du poète sous le nom de Petits poèmes en prose apparaissent dans la Revue Fantaisiste.

Quelque mois suivant au cours de 1862, vingt poèmes furent publiésdans La Presse toujours sous le même titre.

Pourtant dans deux lettres successives que Baudelaire adressa à Arsène Houssaye, directeur de La Presse et de l'Artiste, àpart le titre Petits poèmes en prose, d'autres projets de titres sont aussi avancés par le poète, entre autres Le Promeneur solitaire, Le Rôdeur parisien, la Lueur et laFumée.Les vingt poèmes en prose de Baudelaire publiés en 1862 furent l'objet d'une réception prometteuse pour le poète et le Boulevard dans son numéro de 31 août 1862sous la signature de Théodore de Banville consacra un compte rendu des vingt poèmes en saluant l'originalité et la puissance poétique de Baudelaire.

Ce compterendu mérite d'être cité dans son intégralité :« Un véritable événement littéraire a eu lieu : je veux parler de la publication des poèmes en prose de Charles Baudelaire dans le feuilleton de la Presse.

Ces courtschefs-d'œuvre, artistement achevés, où, dégagée de toute intrigue, et, pour ainsi dire, de toute construction matérielle, la pensée libre, agile, apparaît dans sa nuditééclatante, n'ont eu qu'à se montrer pour faire tomber en poussière la foule des colosses prétentieux et vides.

Les faiseurs avouaient l'infirmité de leurs moyens, lamisère de leurs combinaisons, la vétusté de leurs ficelles ; mais, disaient-ils, le moyen d'intéresser sans cela ! « Le Vieux Saltimbanque » et « Le Mauvais Vitrier » ontrépondu à cette objection enfantine ; une fois encore, un homme est venu qui a prouvé le mouvement en marchant d'un pas victorieux.

Et, ne vous y trompez pas,dans le choix de la prose appliquée à ces compositions, il y a aussi une démonstration importante.

Voici trente ans, que dis-je ? voici mille ans qu'on nous répète avecpitié : « Que seriez-vous sans le vers, sans le rythme, sans la rime, sans ces enchantements tout matériels, qui, tout d'abord, vous assurent la complicité de nos sens,bercent l'âme dans une ivresse musicale, et dissimulent sous les richesses de leurs broderies mélodiques l'indigente simplicité de vos pensées ? » Eh bien ! les poèmesen prose de Charles Baudelaire répondent à cela encore ; ôtez au poète le vers et la lyre, mais laissez-lui une plume ; ôtez-lui cette plume et laissez-lui la voix ; ôtez-lui la voix et laissez-lui le geste ; ôtez-lui le geste, attachez ses bras, mais laissez-lui la faculté de s'exprimer par un clin d'œil, il sera toujours le poète, le créateur, ets'il ne lui est plus permis que de respirer, sa respiration créera quelque chose.

O fous bizarres de vous imaginer que c'est à un certain balancement de syllabes, à unesuspension de sens, au retour régulier de certains sons qu'a été donné le privilège inouï d'enfanter des êtres ! Quand les dieux emplissent l'éther de comètes, deconstellations, d'étoiles et secouent sur lui une poussière d'astres, ce n'est pas à l'aide de leurs mains qu'ils suspendent dans l'immensité bleue ces lumières chantantes,mais par un simple acte de leur pensée génératrice.

»Malgré ce début promettant, la suite se solda par un échec du en partie à la censure.

Les poèmes du poète se heurtèrent à des « corrections de bienséance ».

« lesTentations », « la Belle Dorothée » et « un Joueur généreux » publiés dans la Revue nationale furent l'objet d'une telle correction contre laquelle d'ailleurs Baudelaireprotesta « avec la dernière énergie » qui lui resta.

Cette intervention de la part des éditeurs continuera jusqu'à la fin de la vie du poète, qui fait que le recueil soit taxépar l'adjectif de « maudit ».

A ce sujet il conviendra de citer la lettre du directeur de la Revue libérale adressée à Hippolyte Taine en date du 19 janvier 1864 :« Baudelaire est un brave homme dont je fais grand cas ; mais il frappe comme un sourd.

J'ai cru qu'il m'étranglerait parce que je lui parlais de supprimer 20 lignessur 20 pages, sans rien changer au reste du texte.1.

« Je me mis à prier par un reste d'habitude IMBECILE » ne peut pas s'imprimer dans une revue qui débute et que le parquet surveille.. »

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