FICHE DE LECTURE: LE PROCÈS DE FRANZ KAFKA
Publié le 05/06/2011
Extrait du document
Le matin de ses trente ans, le fondé de pouvoir Joseph K. est informé de son arrestation, mais laissé en liberté. Pendant une année entière, il continuera de se rendre à la banque, répondant de son plein gré aux convocations du Tribunal. Cependant, découragé par la corruption et l'incompétence de la Justice, il confiera sa défense à un avocat (malade), puis à un peintre (qui a des relations). De nouveau abandonné à lui-même, il se laissera distraire par son pauvre cas ; il négligera son travail et, surtout, ne comprendra plus rien à la Loi. C'est alors — il va avoir trente et un ans — que son « Procès « prendra fin : il suivra, « comme un chien «, dans une carrière déserte deux messieurs pâles et gras, semblables à des acteurs...
«
bout un sujet lucide et raisonneur qui assume l'étonnement et les doutes du lecteur.C'est ainsi que Le Procès rejoint la tradition du fantastique mise en écriture entre autre dans les contes d'Hoffmann: le personnage principal, loin d'être victime d'un traumatisme soudain, assiste à la modification insidieuse et de plusen plus complète des conditions de son existence jusqu'à se laisser entraîner par cette logique de l'insolite, sesoumettant à ses règles, qui en l'occurrence le conduiront à la mort.
La voix du narrateurCette intrusion parfaitement «naturelle» de l'insolite dans le quotidien est renforcée par la voix du narrateur quis'attache à décrire les moindres mots et gestes de Joseph K dans le style dépouillé
d'un procès-verbal.
C'est ainsi que, sous le regard impartial et pointilleux du narrateur, l'histoire du petit employégagne en crédibilité.
Par le dépouillement de ses descriptions, par la rareté des adjectifs et des images, l'ensembledu récit trouve une unité de style qui permet un passage du naturel à l'insolite sans rupture de ton.
Impuissance et fascinationDès ses premiers contacts avec la mystérieuse et gigantesque machine administrative, Joseph K est fasciné parcette organisation occulte gérée par des gardiens de la Loi qui interrogent et instruisent sans révéler leurs motifs.
Al'origine de cette fascination se trouve l'obsession de la hiérarchie, obsession à laquelle K était prédisposé puisqu'iln'était lui-même rien d'autre qu'un des rouages d'un appareil fort semblable : la banque.
C'est ainsi que K croit nepas pouvoir échapper à ces règles compliquées et fixées dans un rituel immuable.
Il va se préoccuper de manièrequasiment obsessionnelle de son procès et, ce faisant, s'enfermer lui-même dans le système de la justice, tout ententant vainement d'en dénoncer les vices.Autobiographie ?Pourvu d'un prénom et d'une initiale, le héros du Procès se distingue par son anonymat : sans visage, le personnagede K est une silhouette sans épaisseur qui évolue dans une ville elle aussi anonyme.Malgré cette impersonnalité qui favorise la dimension universelle, il est tentant cependant de mettre un nom derrièrece visage aux contours imprécis : celui de Kafka lui-même.
En effet, le Journal que tient l'auteur de 1910 à 1923trahit quelques concordances entre le roman et l'existence tourmentée de Kafka.
On sait en effet qu'il se sentaitécartelé entre sa tâche quotidienne et ses aspirations personnelles, et que par ailleurs son célibat mal vécuengendrait une solitude malheureuse.Mais ce pouvoir arbitraire, absolu, que détiennent les magistrats dans Le Procès, n'est pas sans évoquer la figure dupère tyrannique de Kafka, ce père auquel il s'adressait en ces termes : «Tu as pris à mes yeux le caractèreénigmatique qu'ont les tyrans dont le droit ne se fonde pas sur la réflexion, mais sur leur propre personne.
»
L'auteurNé à Prague le 3 juillet 1883 dans une famille aisée de commerçants israélites, Franz Kafka se laisse très tôtemporter par le flot des cultures — slave, allemande et juive — qui viennent baigner le vieil Empire d'Autriche.Sioniste ardent, Kafka partage avec les autres écrivains de l'Ecole de Prague cette aptitude particulière à lamétaphysique qui apparaît déjà dans sa première nouvelle, parue en partie dans la revue Hyperion en 1919.
Cettepublication tardive passa d'ailleurs inaperçue, tout comme les autres livres de Kafka qui, en dehors d'un cerclerestreint d'admirateurs et même de fanatiques, n'eurent guère de succès du vivant de leur auteur.En 1914, des fiançailles malheureuses, rompues, renouées, puis une nouvelle et dernière fois rompues, plongèrent lejeune homme dans le désespoir, tandis que les premiers symptômes de sa tuberculose ajoutaient encore à sonmalheur.Ebranlé profondément par la guerre mondiale et tourmenté par les incertitudes de sa vie professionnelle (il étaitemployé dans une compagnie d'assurances), Kafka trouva néanmoins la force d'écrire, fébrilement et presque coupsur coup, quelques-uns de ses meilleurs romans dont Le Procès, La Colonie pénitentiaire et La Métamorphose.En 1920, Kafka quitte son emploi et cherche la guérison dans un sanatorium.
Après un bref séjour chez sa soeur, ilfait la connaissance du grand amour de sa vie, Dora Dymant, avec laquelle il vit la dernière et sans doute la seuleannée presque heureuse de sa vie.
Il s'éteint en juin 1924 dans un sanatorium de Kierling, près de Vienne..
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