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FICHE DE LECTURE : Gilles, (1939) Pierre Drieu La Rochelle

Publié le 10/11/2011

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L'œuvre d'un écrivain serait-elle avant tout le reflet de sa vie ? Si cette thèse de Sainte-Beuve a été largement critiquée, il reste cependant difficile de lire Gilles, le roman de Drieu La Rochelle, en se détachant de la biographie de son auteur. Son parcours politique agité et ambigu de l'auteur influence, presque malgré nous notre perception de son œuvre. Issu d'une famille normande, bourgeoise et nationaliste, il s'est toujours intéressé à l'Action Française sans jamais adhérer au mouvement. Suite aux événements du 6 février 1934, Pierre Drieu La Rochelle revendique expressément son ralliement au fascisme et devient l'éditorialiste de la publication du Parti Populaire français L'Emancipation nationale. Fidèle à sa tentation pour la mort ressentie dès son enfance, il se suicide le 15 mars 1945. 

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« scandaleux, et ce en dépit des jugements antisémites que l'auteur y exprime.

Selon moi, ce qui se dresse à travers Gilles, c'est avant tout le portrait d'un personnage en errance, aux prises avec la complexité de la société et victime de ses propres contradictions internes.

Le travail d'écriture autour de la figure ambiguë de ce protagoniste, patiemment développé et mis à nu, maintient l'ouvrage hors du dogmatisme d'un roman à thèse.

L'application dont Drieu La Rochelle fait preuve, pour présenter avec lucidité la psychologie de son personnage, ne l'empêche pas de sombrer dans certains écueils.

L'aspect morcelé et hétéroclite de ce roman, dont les intrigues foisonnent, déconcerte parfois par son manque d'unité.

Le fait que l'imbroglio autour de la relation de Gilles et Dora s'entremêle aux frasques et aux débats interminables du groupe Révolte, parasite par exemple la trame du récit.

De même certains passages m'ont semblé traîner inutilement en longueur, comme cet épisode qui retrace l'échec de la tentative de Clérences pour créer son propre parti.

L'intérêt très inégal du roman témoigne des limites du talent de l'auteur qui échoue à orchestrer harmonieusement la structure de ce long récit.

Le style extraordinairement fluide de Drieu La Rochelle compense toutefois ce défaut, et nous nous retrouvons à nouveau happés par l'audace de sa plume qui marie l'élégance d'une syntaxe classique, équilibrée, à l'efficacité suggestive de quelques phrases concises.

Loin de s'en tenir à cela, l'écrivain manie avec virtuosité une technique narrative très élaborée qui met en œuvre la multiplicité des points de vue au sein du récit.

Cette polyphonie des regards constitue une approche originale qui, dès la première partie, nous amène à appréhender le personnage de Gilles, successivement à travers le filtre des subjectivités de Myriam, de M. Falkenberg et de l'Autrichienne.

Tout au long du roman ma perception de Gilles n'a cessé d'osciller. Le romantisme de ce personnage, prompt à s'engager activement pour défendre les causes auxquelles il croit, ne le place en aucune manière au-dessus des faiblesses humaines.

On se souvient alors que celui-là même qui a fait l'éloge de la guerre et des combats, a aussi succombé aux facilités de la vie parisienne, se laissant entretenir par sa femme et ses maîtresses.

Ainsi Gilles abuse sciemment de l'amour que Myriam lui porte, mais il se retrouve ensuite lui même abandonné par Dora, avant de faire preuve d'un dévouement sincère auprès de sa femme Pauline.

Même lorsque ses conquêtes amoureuses se succèdent, on ne peut l'assimiler à la figure d'un Don Juan.

Constatant la répugnance qu'il éprouve souvent à confondre l'amour et la sexualité, il nous est difficile d'émettre un jugement péremptoire sur la frivolité de ce personnage.

C'est dans ces nuances apportées au portrait de Gilles que se cristallise la profondeur que j'ai trouvé au roman de Drieu La Rochelle.

Refusant de s'en tenir à des représentations stéréotypées, le récit nous conduit aux côtés d'un personnage faisant même parfois figure d'anti-héros lorsque, conscient de ses défauts et de ses faiblesses, il nous touche à travers le pathétique de son humanité.

C'est indéniablement ce Gilles-là qui m'a semblé le plus intéressant: celui qui se voit reprocher par Debrye « d'avoir trop peur d'avoir peur » et de « construire une philosophie de vie sur la résistance à la colique » p126 La rencontre avec ce roman constitue une expérience de lecture très particulière puisqu'elle nous confronte au talent d'un écrivain politiquement incorrecte.

On prend conscience alors de l'hypocrisie qu'il y aurait à dénigrer des ouvrages tels que celui-ci.

M'aventurer dans l'exploration de ce livre m'a permis de mettre à l'épreuve mes certitudes.

La fougue de Gilles, la foi sincère avec laquelle il porte ses convictions, insuffle un parfum entêtant: celui de l'activisme, de la révolte contre l'ordre établit.

Mais loin de nous égarer, cette fascination qui s'exerce malgré nous, nous apprend beaucoup sur nous-même.

A notre époque où le manque de relativisme effraye et où il n'est plus dans l'air du temps d'adhérer à une idéologie, laisser se souffle s'immiscer en nous renforce notre attachement à nos propres idéaux bien plus qu'il ne nous invite à les trahir.

Gilles incarne après tout une certaine indépendance d'esprit: il reste fidèle à sa pensée et finit par se détacher du groupe de Caël et des autres, retournant à la seule constance de sa vie: la solitude.. »

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