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Fiche de lecture d’histoire culturelle, La France «virile», des femmes tondues à la Libération (2000) de Fabrice Virgili

Publié le 10/04/2011

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   S’inscrivant plus largement dans l’histoire de l’Occupation, de la Résistance et de la Libération, l’ouvrage de Fabrice Virgili (historien chargé de recherche à l’Institut d’Histoire du Temps Présent) se propose d’étudier un phénomène particulier de cette période de l’histoire française, celui de la « tonte «, que l’auteur analyse en tant qu’acte symbolique d’une «virilité« retrouvée à la Libération, après une période d’Occupation vue par les contemporains des évènements comme un asservissement au féminin. Acte politique puisqu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une épuration officielle, les «tontes« sont aussi un acte social qui répond à un certain nombre de représentations, de symboles mais aussi de stéréotypes propres à une communauté française qui cherche à fonder une nouvelle France en 1944-1945. L’historien se propose d’expliquer l’évènement d’un point de vue culturel, c’est-à-dire à partir de la «manière dont les hommes représentent et se représentent le monde qui les entoure« (J.F. Sirinelli, Histoire des droites en France, volume 2, Cultures, 1992) ; il s’agit ici de l’évènement de la « tonte « vu comme une véritable « cérémonie épuratoire «dont l’auteur tente d’interpréter la portée afin de dégager un sens à un évènement se déclinant en des réalités et perceptions multiples.

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« sources de l'époque comme les rapports des préfets, des témoignages et des textes clandestins datant del'Occupation, par exmple celui de Jean Texcier (« conseils à l'occupé », 1940) dans lequel il réclame l'usage de laviolence pour les femmes qui fréquentent des Allemands.

Si la représentation courante à l'époque de la « tondue »reste la femme « condamnée-pour-avoir-couché-avec-un-Allemand » et si la mémoire de l'évènement de la « tonte» retiendra essentiellement cette image de la femme « tondue », l'historien montre que la réalité est plus contrastéepuisque des femmes ont pu être tondues à la Libération pour collaboration politique et/ou économique avecl'occupant.

Un certain nombre de lieux-communs circulent durant les années de guerre et surtout après, lieux-communs qui posent à l'historien le problème de la mémoire d'un tel évènement et la restitution de celui-ci dans sapleine et entière complexité.

Ainsi, l'accusation « celle-qui-a-couché-avec-les-Allemands » circule au sein de lapopulation française, véhiculée par un certain nombre de médias (cinéma, littérature, chansons…) d'où l'importancequ'accorde Fabrice Virgili à la place des médias dans un évènement, ceux-ci étant des acteurs à part entière de la «tonte », châtiment sexué puisqu'il concerne presque exclusivement les femmes (quelques hommes, en quantiténégligeable, l'ont également été).

Avant et après la Libération, les femmes ont donc été accusées pour différentesfautes commises qu'elles partagent parfois avec les hommes.

En effet, selon Olivier Wieviorka, la « répressionprésuppose une définition claire des culpabilités », donc une délimitation des différentes formes de collaborations.

Lechoix de la collaboration dans le cas des femmes est volontaire ou involontaire, l'épouse d'un homme suspecté decollaboration se voyant immédiatement accusée de complicité et condamnée.

Ce choix pose un problème d'ordremoral (franchissement du « Rubicon de l'indignité ») correspondant à un certain nombre de normes et de valeurspropres à cette époque troublée de l'histoire française.

L'auteur délimite grâce aux sources quatre catégories defemmes suspectées de collaboration (selon des motifs politiques, financiers, personnels et de dénonciation), lesmotifs étant parfois très personnels (peur, adultère, vengeance), renvoyant à l'histoire de la vie privée telle quel'envisage Philippe Ariès.

Si 57% des femmes ont été tondues pour avoir eu des relations intimes avec les Allemands,cette forme de collaboration n'est pas la plus visible.

Elle pose le problème des représentations mentales de l'époqueet d'une stigmatisation de la femme accusée de « collaboration horizontale » avec l'ennemi.

Cette forme decollaboration renvoie à un certain nombre de fantasmes d'une population française qui a connu des temps depénurie, alors que certaines femmes s' « affichaient avec les Allemands ».

La circulation d'un certain nombred'insultes (« coucher avec les Boches », « ta fille fait la putain avec les Boches ») s'inscrit dans la mémoire de lacommunauté (nationale, locale), d'où le problème de la définition de ce type de collaboration par le politique quitente à la Libération de délimiter le cadre dans lequel l'épuration va être réalisée.

L'historien actuel est comme lesautorités du Gouvernement provisoire de la Libération : il se trouve face au problème de définition d'un délit parfoisdifficilement visible et qui fait l'objet d'un certain nombre de passions sociales et politiques.

La typologie s'effectueau final selon le degré de fraternisation avec l'ennemi, la prostituée constituant un cas particulier très peucondamné à l'époque en raison d'une différenciation entre la « prostitution de l'âme » et «du corps ».

« Aimerl'ennemi » constitue un autre problème pour celui qui cherche le motif de l'inculpation : la femme accusée et «tondue » cherchait-elle l'Allemand ou l'Homme ? Fabrice Virgili révèle toute la complexité de la définition de la «femme collaboratrice » à la Libération en raison d'un certain nombre de passions attachées à la figure féminine,passions qui sont à l'origine d'un certain nombre de stéréotypes sur la femme qui permettent d'expliquer l'évènementde la « tonte ».Ces stéréotypes sont variés et constituent les « marqueurs des contradictions qui traversent une société françaiseen plein bouleversement ».

La « tonte » est un châtiment sexué qui se caractérise par un important marquage aucorps, même si celui-ci est temporaire ; il renvoie à la symbolique de la chevelure abondante, un des principauxattributs féminin.

Le phénomène de la « tonte » appartient à ce qu'Alain Corbin nomme les « objets obscènes » etnotamment le corps (lié au plaisir et à la souffrance).

Si la « tonte » est à mettre en lien avec l'histoire du corps (etnotamment du corps féminin), elle correspond aussi à tout un système de représentations misogynes, parfoispluriséculaire, parfois très récent.

L'évènement symboliserait le rôle d' « éternelle mineure » attribué à la femme parla société, malgré des avancées au cours du premier XXème siècle, avancées qui restent parfois marginales commel'image de la femme aux cheveux longs battue en brèche pour certaines d'entre elles dans les années 20 (« coupe àla garçonne », influence du roman La Garçonne de Victor Margueritte).

La « tonte » serait selon Virgili une violenceperpétrée contre les femmes (et non pas des femmes), elle apparaît comme le symptôme d'une crise profonde entrehommes et femmes, puisque les représentations et stéréotypes ont évolué depuis le début du siècle.

La chevelure,au centre de l'acte de la « tonte » acquiert ainsi une dimension symbolique.

En effet, un fonds culturel communaccorde une place importante au cheveu dans la langage du corps : l'auteur cite certaines sources anciennes quirenvoient à la différenciation sexuelle par la chevelure (Epître aux Corinthiens de Paul; La Germanie de Tacite), descomportements hérités du Moyen Age comme la « tonte » de la femme accusée d'adultère, par exemple l'épouse deLouis X le Hutin, Marguerite de Bourgogne (on notera que Sartre lui-même dénonce en 1945 dans la revue Combat la« tonte » comme une « pratique sadique » héritée du Moyen Age).

L'évènement semble dès lors s'inscrire à reboursdes timides avancées en matière d'image du corps féminin (« coupe à la garçonne ») puisque la chevelure apparaîtaux yeux des épurateurs comme l'arme du crime, l'instrument avec lequel la femme a séduit l'Allemand, l'ennemi, le «Boche ».

Cependant, la chevelure coupée n'est pas le seul marqueur de la mutilation du corps féminin : elle estsouvent accompagnée de dessins de croix gammées, de goudron enduit sur le corps de la femme que l'on promèneparfois nue dans les rues de la ville, dans une sorte de procession durant laquelle la communauté cherche à conjurerle mauvais sort d'une Occupation vécue comme un châtiment.

La « tonte » correspond donc à une image dégradéedu corps féminin qui apparaît comme une sorte de « miroir d'une laideur morale » ; ce qui a fait la beauté de lafemme est retourné contre elle (usage du rouge à lèvres pour dessiner des croix gammées sur le corps).

Le corpsservira en outre à certaines femmes à se justifier face à la population et aux nouvelles autorités grâce à leurvirginité.

Celle-ci renvoie à la représentation de la femme pure, de la casta mulier, voire à l'image de la Pucelled'Orléans, sans qu'il soit vraiment possible de savoir quelle image a le plus joué pour les contemporains del'évènement de la « tonte ».

Reconquête par la mutilation du corps, la « tonte » n'est pas exclusivement française :l'auteur esquisse un essai de comparaison entre différents pays européens concernés par le phénomène (Belgique,. »

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