Fiche de lecture Daniel Arasse Histoire de peinture
Publié le 09/11/2011
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FICHE DE LECTURE
*« Histoires de peintures «, Daniel Arasse
«
structure comme si l'auteur tentait de progresser dans la résolution d'une énigme, et nous renouons
ici avec l'étymologie grecque du mot historia signifiant enquête.
Cette façon de procéder à l'analyse
de l' œuvre devient véritablement ludique si l'on joue le jeu de suivre la description de l'auteur tout
en promenant notre regard sur les illustrations en couleur au milieu du livre.
Le texte est rendu
dynamique par les tournures de phrase qui nous incluent, nous lecteurs, dans le processus de
décryptage du tableau.
Par exemple dans la section sur la Chambre des époux, Daniel Arasse
émaille ses propos de formules telles que « Dans la partie droite enfin, vous avez la rencontre avec
le prince […] Vous remarquez alors qu'on voit […] Ce point m'a toujours intrigué [...] ».
L'historien
nous donne ainsi l'impression de participer activement à l'élaboration de ses théories et de raisonner
avec lui.
Nous avons même éprouvé une réelle satisfaction à la lecture des conclusions auxquelles
aboutissaient les raisonnements de l'auteur.
Celle-ci par exemple: « Le prince qui incarne le principe
signifie que c'est maintenant dans le corps et l'histoire de l'homme que se réalise la légitimation du
pouvoir », nous est apparue comme une sorte de récompense pour notre effort d'attention, comme si
nous méritions qu'il partage avec nous un peu de son érudition.
En nous donnant suffisamment de
clés, Daniel Arasse nous laisse la possibilité de nous réapproprier ses raisonnements : il part
d'observations simples enrichies par sa force d'analyse, acquise au fil d'années de recherches, de
comparaisons d' œuvres, de lecture d'ouvrages théoriques.
Ainsi la luminosité si caractéristique de
la peinture de Vermeer, cette véritable métaphysique de la lumière qui irradie la plus part de ses
tableaux, est envisagée selon l'historien comme l'expression de la foi intime de ce peintre catholique
ayant vécu dans la société hollandaise protestante du XVIIe siècle.
Nous ne pouvons qu'adhérer à
une analyse aussi séduisante et il faut avouer que les propos de Daniel Arasse subjuguent d'avantage
par leur audace intellectuelle que par la rigueur de ses démonstrations.
Cependant la comparaison
d'une dizaine d’Annonciations du 15ème siècle -dans lesquelles la perspective permet de
matérialiser, entre Gabriel et Marie, la présence du Christ sous la forme d'une colonne qui les
sépare- est développée de manière trop poussée, au point de desservir la force de son
argumentation.
La thèse du nombril- œil de Saint Sébastien semble un peu délirante mais l'idée
qu'avec ce procédé la toile d'Antonello de Messine parvienne à projeter le spectateur dans la
situation de l'archer visant sa cible, est encore une fois tout à fait stimulante.
Daniel Arasse ne fait pas que nous « raconter des histoires ».
Si dans ce cas la forme
plurielle « histoires » renvoie à une certaine dimension anecdotique, à un récit du passé qui serait à
l'Histoire ce que la scène de genre est à la peinture, la richesse des propos de Daniel Arasse tient
dans sa capacité à imbriquer différentes échelles d'histoire.
L'Histoire, la grande, est ainsi explorée à
travers le prisme des peintures, de même que l'histoire privée, celle des peintres, liés à leurs œuvres
et à leur commanditaire.
De l'histoire intime de Léonard de Vinci jusqu'à l'histoire des conceptions
du monde selon les différents âges de l'humanité, l'auteur nous prouve la capacité de la peinture à
rendre intelligible les choses du passé.
Les peintures peuvent donc à la fois constituer un
témoignage sur la personnalité et la vie de l'artiste, et permettre d'appréhender l'évolution des
sensibilités de l'humanité, comme l'illustre l'exemple du maniérisme « En fait, dans une large
mesure, le maniérisme met en scène le trouble, l'incertitude, pour en jouer, et peut-être aussi pour en
exorciser le caractère inquiétant.
» De la même manière qu'on l'aurait fait pour deux amants, on
pourrait dire de Daniel Arasse (aujourd'hui disparu) et de la peinture qu'ils ont eu « une histoire »
ensemble.
Tout comme les habitants de Sienne accompagnant en cortège la Maestà de Duccio,
l'historien est lié à la peinture par une véritable passion, un amour palpable dans tout le livre.
Cette
fascination de l'auteur pour la peinture -qui transparaît par exemple dans son émerveillement face
au travail de restauration des fresques- apporte à l'ouvrage une fraîcheur et un enthousiasme qui
inédit.
A l'inverse des ces expositions qui finissent par rendre invisibles les chefs d' œuvre à force de
les sacraliser, l'auteur réhabilite les toiles comme des objets de désir que l'on doit pouvoir se
réapproprier en tissant avec elles une relation presque charnelle.
Avouant sa passion obsessionnelle
pour la peinture, Daniel Arasse célèbre ainsi la culture de la manière la plus sincère qui soit..
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