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Fiche de lecture : Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique. Chapitre VI : Du pouvoir judiciaire aux Etats-Unis et de son action sur la société politique

Publié le 13/09/2011

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François Furet disait que « Tocqueville [était] allé chercher aux Etats-Unis non pas un modèle, mais un principe à étudier, et une question à illustrer et à résoudre ; à quelles conditions la démocratie, si elle est un état de société, devient ce qu’elle doit être aussi, faute de conduire à une dictature : un état de gouvernement «.  Ainsi, étudiant le pouvoir judiciaire américain, Tocqueville relève d’abord trois caractères classiques du pouvoir (ou puissance) judiciaire : il est un arbitre qui ne peut se prononcer que lorsqu’il y a un litige ; il ne s’occupe que d’un cas particulier : ainsi, s’il attaquait un principe générale, il deviendrait « quelque chose de plus important, de plus utile peut-être qu’un magistrat « mais il cesserait « de représenter le pouvoir judiciaire «

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« l’adversaire d’un parti, il eût appelé toutes les passions qui divisent le pays à prendre part à la lutte ».

Tocquevilleaffirme donc qu’en perdant son impartialité, sa distance par rapport aux évènements, le juge serait alors conduit àprendre parti ; subséquemment, le pouvoir accordé aux juges deviendrait excessif.

Juger la loi reviendrait donc àlégiférer, c'est-à-dire être co-législateur, ce qui représenterait donc être un acteur essentiel de la vie politique.Tocqueville préfère donc un contrôle par voie d’exception, dont il cite les avantages.En effet, ce type de contrôle ne soulève pas d’enjeux partisans car le juge n’examine une loi que dans le cadre d’unlitige particulier, « dans un débat obscur et sur une application particulière », il n’y aura donc pas de publicité, oumédiatisation, excessive de l’affaire.

De plus, si la loi est censurée, elle ne l’est que pour un litige précis : « la loi nese trouve blessée que par hasard » puisque le jugement n’a de but qu’individuel.

Ainsi, bien qu’elle soit écartée dansun cas particulier, elle continue d’exister et ce n’est que si plusieurs arrêts l’écartent que l’on pourra conclure qu’elleest annulée.

Enfin, un autre intérêt de ce contrôle est d’attaquer une loi, cependant, seulement lorsqu’on en abesoin.

En effet, ce n’est que lorsqu’une personne se sentira attaquée et qu’elle ira devant le juge que la loi quis’applique sera susceptible d’être contestée.

Ainsi, on n’attaque pas la législation imprudemment et sans fondementjuridique solide, comme cela arrive souvent dans le contrôle par voie d’action.En conséquence, Tocqueville cherche à expliquer que le contrôle in concreto est le plus favorable à l’ordre publicpuisqu’il ne paralyse pas d’un seul coup et complètement une loi.

De plus, il est aussi le plus favorable à la liberté,parce qu’il permet au juge de contrôle la constitutionnalité d’une loi, sans attaquer le législateur : cela ne concernedonc que l’individu, durant le procès, et non pas l’Etat.Même si le juge exerce encore un pouvoir politique dans ce type de contrôle, on peut constater que lesinconvénients sont réduits, et cela parce que la législation ne peut être censurée que dans le cadre, assezrestreint, d’un procès d’un particulier.De ce contrôle de conformité de loi à la Constitution, l’auteur dégage une autre conséquence juridique, soit « dujour où le juge refuse d’appliquer une loi dans un procès, elle perd à l’instant une partie de sa force morale.

Ceuxqu’elle a lésés sont alors avertis qu’il existe un moyen de se soustraire à l’obligation de lui obéir : les procès semultiplient, et elle tombe dans l’impuissance.

Il arrive alors l’une de ces deux choses : le peuple change saConstitution ou la législature rapporte sa loi ».

Tocqueville montre ici la présence d’une alternative lorsquel’application d’une loi est écartée par plusieurs juges, comme le montre l’exemple américain : la loi dure dans l’ordrejuridique, mais le pouvoir judiciaire revendique implicitement, mais nécessairement, soit une procédure de révisionconstitutionnelle, afin d’accorder la loi et la Constitution ; soit une action de la part du législateur, qui va devoirretirer et réécrire la loi afin de la rendre constitutionnelle. De plus, l’auteur se questionne sur l’applicabilité de ce modèle de contrôle de constitutionnalité américain en France.Comme la France ne possède aucun article concernant la modification de sa Constitution, dans cette dernière, alorson considère qu’elle immuable ; puisque la Constitution française ne peut pas être modifiée, il n’est pas possibled’appliquer un contrôle de constitutionnalité de type américain en France.Dans l’hypothèse où les juges français pourraient écarter des lois qu’ils estiment inconstitutionnelles, c’est eux seulsqui disposeraient du pouvoir constituant « puisque seuls ils auraient le droit d’interpréter une constitution dont nulne pourrait changer les termes ».

Or, les juges ne représentant qu’eux-mêmes, il vaut mieux encore accorder cepouvoir à des parlementaires qui représentent les volontés du peuple, même imparfaitement.

Concluant sur ce point,Tocqueville précise que « en France, la Constitution est également la première des lois, et les juges ont un droitégal à la prendre pour base de leurs arrêts ; mais, en exerçant ce droit, ils ne pourraient manquer d’empiéter sur unautre plus sacré encore que le leur : celui de la société au nom de laquelle ils agissent.

Ici, la raison ordinaire doitcéder devant la raison d’Etat ».

Ainsi, la logique juridique de la hiérarchie des normes imposerait normalement que lejuge décide de faire prévaloir la Constitution sur la loi, céder devant la logique sociale ou plus précisément devant lavolonté de la nation, exprimée par ses représentants.Ainsi, non seulement la Constitution n’a pas, en France, la même portée juridique que celle des Etats-Unis, alorsmême qu’elle est pourtant la première des lois, mais, de plus, les légistes n’ont pas eu ce rôle modérateur, défendantla légalité et assurant un contrepoids efficace aux entraînements de la majorité.. »

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