FEU FOLLET (le). Roman de Pierre Drieu la Rochelle (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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FEU FOLLET (le). Roman de Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945), publié à Paris chez Gallimard en 1931.
Dès 1923, la nouvelle « la Valise vide » (dans le recueil intitulé Plainte contre inconnu, 1924) avait dressé, sous le nom de Gonzague, le portrait de Jacques Rigaut (1898-1919) pris comme emblème d'une jeunesse malade parce que débordant de forces inexploitées au sein d'une société que Drieu jugeait « décadente » : sous le dandysme amer du séducteur apparaissait ainsi la morbidité d'une époque, et sa critique. Très atteint par le suicide de son ami, le
5 novembre 1929, Drieu se voit immédiatement contraint de renouer avec le personnage-clé qu'il avait construit, et à partir duquel s'est peu à peu constituée sa pensée politique. Mais sous l'« analyse de cas », le Feu follet, rédigé dans une période de crise - entre la rupture avec les anciens amis surréalistes et le refuge futur dans le militantisme fasciste -, portait surtout la marque du romantisme désespéré propre à Drieu lui-même, et visait d'abord, par un travail de deuil d'un réalisme cruel, à le libérer momentanément d'une mort qui le fascinait.
Après s'être réveillé dans un hôtel sordide, tandis que le jour glisse « sur la nuit comme un chiffon mouillé sur un carreau sale », Alain raccompagne Lydia, maîtresse intermittente qui repart le jour même pour New York en lui demandant de l'y rejoindre, et en lui laissant un chèque de 10 000 francs. Alain retourne alors à Saint-Germain, dans la maison de cure où il tente maussadement de se désintoxiquer de l'héroïne. Le déjeuner permet la description de toutes les tares d'une humanité déclinante : une héritière au « crâne exsangue », vieille fille obscène et desséchée, son chauffeur « pédéraste », un marquis croulant et sodomite, le docteur, Homais réincarné, deux financiers cocus et obèses, etc. De retour dans sa chambre, Alain confesse au médecin qu'il replongera, puis établit seul le bilan de sa vie désœuvrée, dans un monde « sans consistance ». Le lendemain, la confrontation avec un vieil ami l'oblige à assister à ce qu’il juge une installation dans le pire des renoncements. Peu séduit par la perspective de l’exiguïté pantouflarde qu'il lui vante, Alain quitte le sermon de son ami et recommence son habituelle dérive parisienne : achat de drogue, passage chez les opiomanes (parmi lesquels on reconnaît sans peine un portrait-charge de Cocteau sous le nom d'Urcel (voir aussi Gilles), dîner intolérable chez d'autres amis qu'Alain fuit pour se piquer dans un bar. Au réveil du lendemain, après une brève et vaine conversation téléphonique avec une femme qui lui rappelle une invitation à déjeuner, Alain se suicide d’une balle de revolver.
Construit sur un schéma d'étranglement et d'accélération, en douze
«
sections ( non séparées en chapitres)
pour
un peu moins de 160 pages, le Feu
follet s'apparente à une forme narrative
de la tragédie classique.
À mi-che min
entre r oman et nouvelle, où Drieu la
Rochelle excelle (Journal d'un homm e
trompé;
la Co médie de Charl eroi , 1934),
il comprime l'habituel excès de vio
lence stylistique dans un écrin qui en
ramasse alors l'intensité.
Certes, la
mis ogyn ie pathologique de Drieu , son
obsession -étrange, pour le moin s -de
l'h om osex ualité et son insu pportable
antisémitisme
trouvent encore à
s'exp rim er dans le détail abject
(«Le prurit qui travaillait sa matri ce.,., etc.),
m ais
la réussite de l'écriture déborde ici
l e
" message .,.
idéologique pour révél er
un fon dam ental rapport de dégoût.
Le film de Louis Malle (1963 ) et la déco u
verte dans les papiers posthumes d'un
«Adieu à Gonzague », désormais
publi é con joi
nte ment, ont renfor cé la
mythologie
autour du livre (la brève
orais on funèbre:
"Mourir, c'e st ce que
tu pouv ais faire de plus beau, de plu s
f ort, de plus
,.
adressée dan s l'" Ad ieu "
à Jacques Rigau t apparaissa nt bien vite
comme l'annonce du suicide de Drieu
lui -m êm
e), et pa radoxalement la jeu
nesse de.s années soixante s'est reco nnu e dans le personnage d'Alain
et dans la criti que mi-politique
mi
existentielle qu' il véhic ule .
Tout efois, qu'ell e soit fasciste ou
gauchisant e, la lecture sociologique
manque peut-être l'essentiel du
Feu fol
let : s'ouvrant et se refermant sur des
expenenc es «
ph énom énologiques »
du réveil vécu comme un retour à la
dé compos i
tion (• La sensa tion avait
glissé ,
une fois de plus insaisissab le,
comme une
couleuv re entre deux cail
loux »),
tr availlant avec minutie la
description jusqu'à devenir
un vérita
ble "labo r a toire du regard .,., le livre
aurait aus
si à être compris en tant
qu'exposé de la perception.
Il serait
alors une mode
rne fab le de « l'ê tre-au- monde»,
dont la
cond ition est de dis
paraître pour accéder au réel, comme en témoignent l es dernières phrases :
«Un revolver, c'est solide, c'est en
acier.
C'est un objet.
Se heurter enfin à l'objet.
».
»
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