EXPOSÉ - Aldous Huxley : L'Ile
Publié le 05/08/2012
Extrait du document
Comment ne pas réagir à un tel scandale ? Il semble avoir perdu son humanité, comme la plupart des gens qui viennent comme lui du « reste du monde « si corrompu. Cependant, il ne doute pas que cette destruction de l’utopie, est bien ce qui va arriver, et que Pala est vouée à retourner à la misère. Elle ne peut qu’être supprimée par ce monde inhumain qui l’entoure. Dans les faits, c’est Murugan, le futur Rajah, et fils de la Rani, qui va transformer Pala, car « il vogue sur les flots de l’avenir «, c’est à dire qu’il a tout pour réussir. Contrairement à Pala qui est dans l’erreur, et qui ne peut durer car elle est trop décalée, trop déphasée du monde qui l’entoure, lui est en parfait accord avec ce système implacable. Effectivement, il est soutenu par son ami le dictateur de Rendang, et par sa mère, qui tous deux veulent exploiter le pétrole palanais. Or Will conclut par « les flots de l’avenir sont des flots de pétrole brut. «, ce qui est véridique dans les années 60, et qui l’est moins de nos jours. En 1960, tout allait reposer sur le pétrole, à notre époque, tout repose encore sur le pétrole (transport, plastiques, puissances militaires). Finalement, dans les dernières pages du roman, cette prédiction se réalise bel et bien, et le sort de Pala est scellé car c’est en effet Murugan qui attaque Pala, avec le soutien du Colonel Dipa, dictateur de Rendang, pour l’annexer à Rendang, l’industrialiser, exploiter son pétrole, et la rendre plus misérable : « brutalement, au milieu des chants de coqs et des coassements, au milieu des bruissements des insectes , le bruit d’une fusillade s’éleva dans le lointain. « puis au dernier moment de l’histoire la conclusion : « le travail de cent années anéanti en une seule nuit. «.
«
Tout d'abord donc quelle est la situation actuelle de Pala, au sein du monde qui l'entoure ? M.
Bahu explique tout simplement que la politique palanaise se trompetotalement, ne se rend pas compte qu'elle est entièrement dans l'erreur vis à vis du monde dans lequel elle existe.
Il explique petit à petit ce constat au fil d'uneargumentation parfaitement logique.
Première étape de cette argumentation : cette utopie est dans l'erreur parce qu'elle est parfaite.
Effectivement, « parfaitementexacte » signifie que tout y est vrai, complet, précis, juste.
En quoi est-elle si exacte ? Parce que tout y est « parfaitement agencé » ce qui signifie que tout dans cetteutopie est réglé, ordonné, que rien n'y est laissé au hasard, et toute cette organisation minutieuse de la société est tournée vers un seul but.
Ce but étant simplement laliberté et le bonheur de tout un chacun (sans aucune distinction de sexe ou d'âge).
Cet idéal est donc représenté premièrement par la liberté, c'est à dire le fait que toutpalanais n'est soumis à aucune autorité arbitraire ou tyrannique, et jouit de l'indépendance la plus totale, de libertés reconnues et garanties.
Et deuxièmement parl'idée de bonheur, d' « île enchantée », c'est à dire que tout habitant de Pala est satisfait au plus haut point de son existence, totalement ravi.
Avec cette phrase donc,M.
Bahu s'attaque directement au paradoxe de l'utopie : une société qui prétend assurée une totale liberté à chacun de ses individus, mais qui pour ça installe unsystème totalement réglé et ordonné, duquel personne ne peut échapper.
C'est à dire que, l'utopie étant une île réellement parfaite, cette perfection englobe en véritédeux idées distinctes : le côté idéal de cette société mais aussi le côté total, absolu de cette société.
Donc M.
Bahu soulève dès le début le problème fondamental den'importe quelle utopie, mais il va plus loin en expliquant que c'est ce caractéristique de l'utopie (idéale et totale) qui est la première explication au fait que Pala estdans l'erreur.Après cela, le conseiller est interrompu par sa reine, qui ne peut entendre le fait que les palanais soient heureux.
Elle s'indigne à ce moment là et à plusieurs reprisespar la suite car de son point de vue, une société sans religion ne peut être heureuse.
La religion amenant le bonheur du moi supérieur, de l'âme, après la mort.
Elleexplique que le bonheur de Pala est celui du moi Inférieur, notion religieuse rattachée au corps, aux pulsions, etc.
Nous avons ici donc une différence entre lediscours rationnelle du conseiller et le discours aveuglé par la spiritualité de la reine.
Mais M.
Bahu semble comprendre toute cette situation et rassure la Rani pourcontinuer son argumentation.Il rappelle alors que quelque soit le point de vue que l'on adopte, Bonheur et liberté sont réellement les plus grands idéaux de l'homme.
Et il affirme ensuite que lesfondateurs et politiciens de Pala ont mis en pratique ces deux projets de bonheur et de liberté, de façon admirable, et donc que la société en elle même fonctionne.L'utopie de Pala semble donc avoir rempli ses objectifs : tout organiser pour que chacun soit libre et heureux.
Donc ce qui fait que la société idéale palanaise a toutfaux, c'est qu'elle est une utopie qui fonctionne.
Il semble bien donc à partir de là que l'on peut considérer que Pala n'est qu'un exemple et que la question du sort decette île, à laquelle se propose de répondre ce M.
Bahu, est bien en fait la question du sort de n'importe quelle utopie.
Mais alors si cette société si parfaitement rodéefonctionne bien, d'où vient le fait qu'elle se trompe pourtant totalement ? Cela ne peut venir que de l'extérieur.
Et on est amené à cette deuxième partie del'argumentation du conseiller par l'affirmation suivante : « tout le monde les désire.
Mais ils sont hélas hors du contexte ».
Ce qui signifie qu'en effet tout le mondesouhaite être libre et heureux (même ce M.
Bahu, puisqu'il utilise « hélas ») mais le problème vient bien de l'extérieur, et plus précisément, du « contexte », c'est àdire des circonstances, de l'environnement qui entoure cette utopie.
Il renchérit directement en affirmant que les deux objectifs de l'utopie, bonheur et liberté sont,dans la situation actuelle du monde, « inapplicables », ou plus du tout susceptibles d'être mis en pratique, particulièrement à Pala.
Ces idéaux sont devenusimpossibles, troisième partie de l'argumentation du conseiller.
Et s'ils sont devenus impossibles, même à Pala, alors qu'ils étaient effectifs dans cette même île, cela estdonc bien du à l'évolution du monde extérieur.
L'explication de ce phénomène est très clairement la mondialisation et la transformation de la société en un mondeindustriel et commercial.
Effectivement toute l'argumentation de M.
Bahu est alors résumée par sa formule : « aussi longtemps qu'elle reste hors de portée du reste dumonde, une société idéale est viable.
».
Lorsqu'elle était en dehors du monde, inaccessible : « retranchée de la carte », l'utopie fonctionnait parfaitement puisqu'elletendait à devenir une « oasis de liberté et de bonheur ».
C'est à dire un lieu encore une fois à l'écart, protégé par la nature, et faisant figure d'exception, dans un milieuhostile.
Avec ces deux idées de retranchement et d'oasis, on redéfinit bien l'utopie qui peut exister : elle est une parfaite exception de bonheur et de liberté au milieude l'asservissement et de la misère, mais surtout elle est retirée du monde, protégée par la nature qui la défend.
Tant qu'elle est aussi difficile à atteindre, elle estdurable.
D'une part on ne peut établir aucun contact, notamment vocal, donc aucune communication avec quelque chose qui se trouve « hors de portée », et d'autrepart il y a l'idée que l'on ne peut pas attaquer une société « hors de portée », et « retranchée ».
Et tant qu'une utopie est ainsi en sécurité vis à vis du monde extérieur,les conditions sont réunies pour que cette société idéale prospère et se développe.
Pala a été dans ces conditions jusqu'en 1905, mais d'après M.
Bahu, en moins de 20ans, le monde a tellement évolué que ces conditions ont totalement changées.
Pour illustrer ce changement il cite « le cinéma, les voitures, les avions, la radio », c'està dire des exemples typiques de produits issus de la nouvelle société de consommation et de la deuxième révolution industrielle, celle qui achève la mise en placed'une société commerciale et industrielle, de plus en plus mondialisée.
La production de biens devient le but principal de tout le système, entrainant un importantexode rural, et un énorme creusement des inégalités.
Effectivement, la production en masse entraine la création du prolétariat d'une part, et de la bourgeoisiecapitaliste d'autre part.
Il aboutit donc à la conclusion qu'avec ce changement radical, c'est une énorme partie de la population humaine qui se retrouve démunie, dansune situation très difficile.
En 1930, la misère frappe la plupart des pays et des populations sortant de la Grande Guerre, puis touchés par les crises économiques.Dans une telle situation mondiale, pour plus de la majorité de la population, bonheur et liberté deviennent clairement inenvisageable, et hors d'atteinte.
Et depuis1930 le problème n'a fait que s'aggraver avec la seconde Guerre Mondiale qui touche deux fois plus de pays, et une mondialisation accrue qui ne favorise qu'uneminorité, enfin avec les débuts de la guerre froide et l'atmosphère d'angoisse mondiale qui l'accompagne.
Donc au moment où se situe l'action, pour le conseiller, cesidéaux de bonheur et de liberté sont devenus littéralement obsolètes pour la quasi-totalité de l'espèce humaine.
Sauf à Pala.
Et alors inévitablement, le monde étrangerà Pala, qui était autrefois si loin d'elle, maintenant la cerne.
L'accroissement extraordinaire des échanges internationaux (commerciaux et autres), l'amélioration etl'accélération de la communication et des déplacements, l'exploration totale de toutes les régions du globe, sont tous des facteurs de rapprochement entre Pala et sonenvironnement direct.
De ce fait, tout ce système l'encercle, de façon de plus en plus menaçante.
La société se rapproche de l'oasis libre et heureuse, de façon résolue,sans aucune hésitation, presque fatalement.
Ce qui était auparavant inaccessible est maintenant convoité par le monde entier.
L'utopie palanaise n'est plus hors deportée mais bien la cible du reste du monde.
Elle n'est donc plus viable, ne peut plus durer.
Si elle ne veut pas être détruite, cette société idéale doit, par la force deschoses et fatalement, changer.
Et c'est là la conclusion que M.
Bahu tire de la première partie de son raisonnement logique.
Lorsqu'il précise « radicalement », cela veut dire complètement mais aussi fondamentalement.
Or comment modifier les fondements d'une utopie, sans lui ôter soncaractère utopique, on arrive ici à l'idée que toute société parfaite a été durable jusqu'à notre époque, mais que maintenant que le monde est mondialisé, et connecté,elle ne peut plus être parfaite.
La Rani en rajoute en prédisant de manière quasi certaine, cette transformation de Pala, et en prenant du plaisir à voir cette sociétéidéale souffrir de ce changement nécessaire.
Par la suite, le conseiller de la reine donne d'après lui les deux causes primordiales à la nécessité de cette transformation.Donc pour lui Pala va changer car : premièrement si elle ne change pas d'elle même, elle va y être forcée par le cours des évènements, et deuxièmement, car elle n'apas le droit d'être l'opposé du monde qui l'entoure, d'être aussi parfaite au milieu d'un monde si imparfait.
Pourquoi n'a-t-elle pas le droit d'être libre et heureuse dansun monde asservi et malheureux ? Parce que c'est de l' « hubris ».
L'hubris, ou hybris, est une notion grecque qui peut être traduite par démesure.
C'est un sentimentviolent inspiré par la passion d'orgueil, qui fut considéré pendant l'Antiquité, comme une faute à lui seul.
Donc montrer son Bonheur parfait, sa satisfaction, aux yeuxd'un monde plein de douleur, de peine, de pauvreté, c'est une espèce d'offense, de provocation, d'outrage public, c'est intentionnellement méprisant.
Et offensé de cettefaçon la quasi totalité de la race humaine, c'est aussi outragé son créateur.
Surtout qu'une utopie peut facilement être comparée à un paradis terrestre, et discréditedonc toute la parole divine.
On arrive alors au fait important que Pala ne croit pas en Dieu.
Comme on l'a vu, la philosophie palanaise limite l'influence du religieux.Effectivement, elle affirme l'unité du corps et de l'esprit, et donc le pouvoir de guérison de l'Hypnotisme qui assainit l'esprit.
Elle considère que la divinité réside danstout ce qui nous entoure, et elle divinise la nature, c'est le Panthéisme.
Enfin les mœurs palanaises sont vraiment libres, notamment les mœurs sexuelles puisque lasodomie y est la normalité (Remarque, contrairement à la majorité des autres utopies).
On comprend donc l'horreur scandalisée qu'éprouve la Rani à l'égard de Pala.Son plus grand souhait est donc, soit disant de rendre la foi aux palanais, et pour cela on apprend qu'elle se propose de changer radicalement Pala en transformantcette société idéale en une société de misère.
On peut alors se demander pourquoi la religion n'a pas vraiment sa place en utopie, et il semblerait que, selon cediscours, la religion n'existe que là où sévit la misère, le malheur, la fracture sociale.
On a besoin de cette lumière réconfortante lorsque l'on vit seul dans la difficulté.Donc si tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, plus besoin d'une telle religion.
C'est donc bien un moyen de les convertir que de briser cet idéal.
Commele souligne Will, on arrive finalement à l'expression : « la fin justifie les moyens » (expression qui je crois vient du milieu religieux).
La fin louable est alors la foi en.
»
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