ÈVE. Poème de Charles Péguy (analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
Extrait du document
«
aujourd'hui.
Une démarche initiale
désigne le locuteur : ''Jésus parle.
>>
Mais il ne raconte ni ne dialogue.
Rap
pelant à Ève son infortune puis le des
tin de son innombrable descendance,
le poète renvoie
une vision, médiatisée
par Jésus, des grands mythes de la chré
tienté - la Chute, l'Incarnation, la
Rédemption, le
Jugement dernier -
retenus ensemble, hors
du temps, dans
la mémoire de
notre génitrice.
De cette
consdence universelle émergent, avec
des retours
en arrière et des empiéte
ments, de nombreuses scènes de
l' Anden et du Nouveau Testament, des
évocations prophétiques de la résurrec
tion des morts, maintes condamna
tions du monde moderne, des prières,
des adjurations.
Mais la cadence des
alexandrins fusionne ces fragments
divers dans
l'unité de son flux psalmo
dique.
Le ton n'est jamais celui de la
narration historique mais celui, pres
que hypnotique, de l'incantation.
Le poète se garde de tout roman
tisme.
Loin d'apparaître sous les traits
conventionnels de la séductrice, Ève
est « l'aïeule au chef branlant », recrue
d'épreuves,
l'« inlassable intendante»
comptabilisant les pauvres mérites de
ses enfants
et le prix des souffrances du
Christ issu de son sein comme ses
autres fils.
Avec
leur« cœur de bazar»,
ses rejetons ne sont pas de grands cri
minels -ce qui serait encore
du roman
tisme -mais de petites gens avarideux,
de médiocres pécheurs
ou des « grelu
chons » abusés par les sirènes du
monde moderne.
La Chute elle-même,
malgré le rappel fréquent des souffran
ces
du Calvaire dont elle fut la cause,
est traitée dans
un climat de nostalgie
plus que de drame : la
« Mère univer
selle
» n'inspire à Jésus que tendresse,
respect
et pitié.
C'est que,
là encore évacuant tout
romantisme, le poème inscrit la Chute
dans la perspective biblique de la felix
culpa : un même alexandrin assode
«l'arbre de la science et l'arbre de la
croix».
Le bannissement est même la
source
d'où jaillit le poème organisé
autour de
«l'arbre au double destin».
Avant la Chute, tel un «beau trois
mâts», le monde appareillait pour un
calme voyage, « Et Dieu lui-même
jeune ensemble qu'éternel
1 Se reposait
penché sur sa création ».
La Faute et
l'exil marquent à la fois un échec(« le
naufrage
») et une avancée.
Dieu
invente un autre « climat » - notre
monde charnel, déchu certes, mais
infiniment valorisé
par la promesse de
l'Incarnation et de la Rédemption.
Mystère
d'un amour qui ouvre à laper
fection divine la perspective nouvelle
du sacrifice d'un fils unique pour le
salut des hommes.
Située à l'articulation de ces
deux
mondes, Ève, selon un vocable cher à
Péguy, en est le « gond ».
Mais si le
poème commence dans l'allégresse
du
«premier jardin », captée en des méta
phores exemptes de
la mièvrerie un
peu sirupeuse des analogies rénanien
nes
(Vie de Jésus, 1863), le paradis ne
retient l'attention de Péguy qu'au long
d'une centaine de strophes.
Encore cel
les-ci se partagent-elles entre les visions
contrastées des deux
« séjours » de
l'aïeule, faisant place égale au regret
du
premier («Vous n'avez plus connu»)
et au délabrement du second : « Ce qui
depuis ce jour est devenu la fange 1
N'était encore qu'un lourd et plastique
limon.
» Les quelque 7 200 alexandrins
suivants développent les destinées
du
nouvel homme dont la nature conju
gue désormais le spirituel
et le charnel.
D'où cette écriture poétique abolissant
la séparation entre l'abstrait
et le
concret : le sacré se greffe sur le pro
fane, le mystique sur le réaliste
à l'ins
tar du mixte de notre condition parta
gée
par le Christ.
Ainsi l'évocation de
l'Enfant Jésus encadré
par le bœuf et
l'âne de la crèche ( « Et ces deux gros.
»
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