ESSAIS. Ouvrage de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne (analyse détaillée)
Publié le 21/10/2018
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ESSAIS. Ouvrage de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne (1533-1592), publié à Bordeaux chez Simon Millan-ges en 1580 (livres I et II), à Paris chez Abel l'Angelier en 1588 (livres I et II augmentés, et livre III) ; réédition dans une version définitive chez le même éditeur en 1595.
Après avoir cédé sa charge de conseiller au parlement de Bordeaux, en 1570, Montaigne se retira sur ses terres : il fit inscrire dans sa bibliothèque un texte latin qui témoignait du désir de consacrer « ces douces retraites paternelles » à sa « liberté, à sa tranquillité et à ses loisirs ». Le fruit de cette retraite fut l'édition des deux premiers livres des Essais. Après un long voyage en Europe de juin 1580 à novembre 1581, dont il rapporte un Journal de voyage en Italie, quelques missions diplomatiques et deux élections à la mairie de Bordeaux (1581 et 1584), Montaigne publia une seconde édition revue et augmentée : elle contenait un troisième livre et de nombreuses additions aux deux premiers. À sa mort, l'auteur laissait un exemplaire des Essais couvert d'additions marginales : c'est l'exemplaire dit « de Bordeaux ». En 1595, cet ultime état du texte fut publié grâce aux soins de Pierre de Brach et de Mlle de Gournay, «fille d'alliance » de Montaigne.
Si l'héritage antique déterminel'horizon Intellectuel des Essais, la recherche des sources est délicate et doit s'entourer de précautions méthodologiques. Montaigne entretient en effet un rapport ambivalent avec l'immense culture littéraire et philosophique qui lui fournit exemples et citations : plaçant son entreprise sous l'éclairage et le regard de la tradition -la « librairie » et les sentences inscrites sur ses travées constituent à cet égard un espace symbolique -, il fraie cependant une voie personnelle qui n'exclut ni la refonte des sources ni leur utilisation cavalière. Montaigne ne divinise pas le texte antique : il ignore le zèle philologique ou les scrupules herméneutiques qui caractérisaient la génération d'un Erasme ou d'un Guillaume Budé. Quelle que soit la part d'affectation contenue dans certaines déclarations (« Nous autres qui avons peu de pratique avec les livres », livre III, chap. 8), son attitude s'ordonne autour d'un principe catégorique : « Qui suit un autre, il ne suit rien » (I, 26). Cette indépendance intellectuelle complique naturellement la recherche des sources et en relativise la validité : lecteur « à pièces décousues », Montaigne emprunte aussi bien aux florilèges qu'aux textes originaux, redistribue ou défigure les références, pratique les contaminations les plus éclectiques, au point de décourager plus d'une fois l’identification de ses dettes effectives.
Des trois grands courants philosophiques qui irriguent l'œuvre - stoïcisme, épicurisme et scepticisme pyr-rhonien - Montaigne retient la dimension éthique et anthropologique plus que la spéculation métaphysique, qu'il réduit à une « confusion infinie d'avis et de sentences ». Chacune de ces trois « influences » pose des problèmes qui engagent le sens global du texte. Si les Essais portent la marque d'une lecture approfondie de Sénèque,
rien ne corrobore la légende tenace d'une « période stoïcienne » de Montaigne : l'idéalisme ascétique du philosophe romain - impassibilité, fermeté de l’âme devant la mort - l'intéresse moins que la subtilité psychologique et la prise en compte des problèmes de morale pratique qu'il trouve dans les Lettres à Lucilius. L'utilisation de références épicuriennes provient vraisemblablement de la lecture de Diogène Laërce, Lucrèce et Cicéron; l'affinité évidente de Montaigne avec les « dous fruits des jardins poltronesques d'Epicurus » ne ressortit que superficiellement à ses penchants hédonistes ; de la morale épicurienne, les Essais retiendront surtout la culture de l'intégrité individuelle, dans les limites sereinement assumées d'une conscience agnostique. Quant au fameux scepticisme de Montaigne, il est alimenté au premier chef par la lecture des Hypotyposes de Sextus Empiricus, traduites depuis 1562, et par des ouvrages contemporains comme l'Examen vanitatis de François Pic de La Mirandole ou le De incertitudine et vanitate scientiarum d'Agrippa von Nettesheim. À Sextus Empiricus est empruntée la revue contradictoire des doctrines philosophiques, ainsi que le contenu et la terminologie de nombreux arguments opposés au dogmatisme de la raison.
De toute la tradition antique, c'est néanmoins Plutarque qui fait office de modèle et d'aiguillon permanents : « Je ne le puis si peu racointer que je n'en tire cuisse ou aile » (III, 5). Plus encore que les Vies parallèles, les Œuvres morales dans la traduction d'Amyot ont contrebalancé l'influence de Sénèque : Montaigne admire tout particulièrement leur plasticité rhétorique et l'allure rapsodique qui fait s'entremêler réflexions, images, citations et anecdotes ; il n'a pu qu'être sensible, en outre, à l'éclectisme d'une œuvre qui brasse
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Montaigne ne divini se
pas le texte antique : il igno re le zèle
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Des trois grands courants philoso
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Quant au fameux scepti
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Vies parallèles, les Œuvr es mora
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Montaigne admire
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à l'éclectism e d'une œuvre qui brasse.
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