ESSAIS (Les) de Montaigne. (résumé)
Publié le 19/04/2016
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• Jouir de soi en ce sens n’est pas seulement épicurien : ce n’est pas seulement savourer les plaisirs que la vie réserve à l’être humain, c’est aussi cultiver sa vie intérieure et protéger Jalousement l’intégrité du moi profond. Lorsque Montaigne déclare qu’il « se faut prêter à autrui et ne ee donner qu’à soi-même » ou « se donner à autrui sans s’ôter à soi », il entend que. si l’on ne reste pas soi-même, on n’a plus grand’ chose à donner à autrui. Le premier de tous nos devoirs est l'amitié qui nous lie à nouB-même, parce que, bien comprise, elle exclut l'égoïeme au même titre que les autres passions et entraîne l'accomplissement de nos devoirs envers autrui. Il ne s'agit pas d’une • amitié fausse, qui nous fait embrasser la science, la richesse et telles choses d’une affection principale et immodérée , ni d’une « amitié molle et Indiscrète, en laquelle il advient ce qui se voit au lierre, qu’il corrompt et ruine la paroi qu’il accole •, mais d’une
• amitié salutaire et réglée, également utile et plaisante. Qui en sait les devoirs et les exerce, il est vraiment du cabinet des Muses, il a atteint le sommet de la sagesse humaine et de notre bonheur : cettui-ci, sachant exactement ce qu’il se doit, trouve dans son rôle qu’il doit appliquer à soi l’usage des autres hommes et du monde, et, pour se faire, contribuer à la société publique les devoirs et offices qui le touchent. Qui ne vit aucunement à autrui ne vit guère à soi • (III, 10). Cette amitié exige avant tout la connaissance de soi. et, à force de « s’épier de près * et d’avoir » les yeux Incessamment tendus vers soi « (II, 12). on finit par se façonner, comme l’auteur des Essais a pu en faire l’expérience :
* Moulant sur moi cette figure, il m’a fallu si souvent me composer pour m’extraire que le patron s’en est fermé et aucunement formé soi-même : je ne suis peint en moi de couleurs plus nettes que n’étaient les miennes premières. Je n’ai pas plus fait mon livre que mon livre m’a fait * (II, 18). Celui qui rentre en soi-même parvient en effet à dégager l’essentiel et à le distinguer du factice, de cette croûte superficielle formée par des passions désordonnées que, en toute luc idité, nous désavouerions, et par des habitudes qui ne sont, pour notre personnalité, que purs accidents. C’est là la tâche maîtresse, de beaucoup la plus difficile (car la vanité et la paresse lui font de terribles obstacles) : » Avez-vous su méditer et manier votre vie ? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes (III, 13). En revanche. « le pire état de l’homme, c’est oi» il perd la connaissance et le gouvernement de soi * (II, 2). Se connaître et se gouverner, c’est, en mettant au Jour ce qu’il y a d’authentique en nous, retrouver la Nature, mais une nature qui est en fait un idéal plutôt qu'une spontanéité. C’est en même temps reconquérir l’usage du plus précieux de nos biens, «la liberté de notre âme » (III. 10). dont la manifestation essentielle est l’indépendance du jugement, de cette faculté maîtresse « qui dispose tout, qui agit, qui domine et qui règne - (I. 26). Ce culte de la liberté de jugement est ce que Montaigne a conservé du stoïcisme et. sans doute, ce qui permet de comprendre finalement le rôle du scepticisme, destiné surtout à libérer l’entendement de tous les préjugés et de toutes les superstitions.
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