ESQUISSE D’UN TABLEAU HISTORIQUE DES PROGRÈS DE L’ESPRIT HUMAIN, 1795. Condorcet

Cette œuvre fut écrite dans la clandestinité , sans aucun document, dans les derniers mois de l’existence de Condorcet, alors traqué par le gouvernement de la Terreur. Comme Rousseau, Condorcet est persuadé que l’homme est un être perfectible. Mais contrairement au Genevois, il croit voir dans l’histoire réelle de l’humanité le cheminement d’un progrès effectif, sur les plans matériel et moral. Fondamentalement optimiste, la philosophie de l’histoire de Condorcet extrapole l’avenir à partir d’un mouvement continu, qu’elle lit dans le passé et le présent.

L’histoire humaine est divisée en dix périodes. Les trois premières, jusqu’à l’invention de l’écriture, ne peuvent être reconstituées que fragmentairement, et Condorcet reconnaît qu’il ne peut proposer que des conjectures. Mais il voit assurément dans les

premiers pas de l’humanité les prémisses d’une libération (passage progressif et partiel du règne de la nécessité au règne de la liberté). Dans cette histoire humaine, dont on peut reconstituer la marche à partir de l’apparition de l’écriture, l’invention de l’imprimerie occupe une place tout à fait spéciale: cette technique nouvelle permet en effet aux connaissances de se diffuser si massivement qu’une vérité découverte ne risque plus d’être oubliée, ne peut plus être dissimulée, quel que soit l’intérêt que des forces oppressives peuvent avoir à l’occultation de la vérité (Septième période). Cette révolution technique va déterminer l’instauration définitive de la culture scientifique, au xvie siècle. Ce nouvel esprit, secouant le joug de l’autorité (Huitième période), va devenir celui des Lumières et engendrer une époque de révolutions.