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Épîtres de Clément Marot (résume et analyse complète)

Publié le 24/10/2018

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marot

Épîtres. Recueil poétique de Clément Marot (1496-1544), publié dans les Œuvres de Clément Marot à Lyon chez Étienne Dolet en 1538.

 

Selon les arts poétiques de l'époque, l'épître est une missive amoureuse versifiée. Marot, dans ces Épîtres, ensemble de pièces poétiques adressées à de multiples destinataires et réunies sous ce titre par É. Dolet, a considérablement élargi l'acception du genre, jusqu'à en faire un instrument souple, Indéfiniment modulable selon les interlocuteurs et les circonstances. Si les premières épîtres se ressentent encore de l'influence des Rhétoriqueurs - érudition conventionnelle, allégories longuement développées, prouesses rythmiques -, l'épître maro-tique trouve rapidement son régime spécifique, qui reproduit dans une apparente facilité les conditions du discours oral.

 

Pièces à rimes plates en vers décasyllabiques, les Épîtres s'adressent généralement au roi ou à de nobles personnages (Marguerite de Navarre, la duchesse de Ferrare, le cardinal de Tournon). Le plus souvent elles formulent facétieusement une demande d'assistance ou de rétribution (\"A son amy Lyon”. IX : \"Au roy, pour succéder en l'estât de son pere”, X : “Au roy. pour le deslivrer de prison”, XIII). Cette règle souffre néanmoins plusieurs exceptions : ainsi la \"Petite épistre au Roy\", pur exercice stylistique dans le goût des Rhétoriqueurs, les quatre « coq a l’asne » adressés  Lyon Jamet (XXX, XLII. XLIX, L). discours absurdes proches des fatrasies médiévales, ou les épigrammes en vers de 3 ou 4 syllabes (LV«, LX).

 

Si l'on a répété à l'envi, depuis quatre siècles, que le meilleur du talent marotique se déployait dans les Épîtres, on ne s'est pas toujours interrogé surles raisons de cette réussite. Curieusement, Marot l'épistolier semble jouir d'un crédit aussi large que rétif à l'explication. Alléguer sa « commune manière de parler » (Du Bellay) ou son « élégant badinage » (Boileau) ne fait pas beaucoup progresser notre compréhension.

 

Il est évident, à la lecture des épîtres les plus célèbres (\"Au Roy, pour avoir esté dérobé\", XXIII ; \"A la royne de Navarre\", LII ; \"Contre Sagon\", LVI) que la verve de Marot ne rassemble et condense ses moyens que sous l'urgence et la pression des circonstances. Emprisonnement, fuite sous le coup d'une accusation religieuse, vol, maladie, les occasions n'ont guère manqué au poète, lui imposant la forme de la requête ou de l'imploration. Aussi la permanence d'une structure se lit-elle par-delà la diversité des épîtres : humilié ou offensé, le poète en appelle à un puissant protecteur, dont l'intervention pourra seule conjurer l'adversité présente. Entre le poète et son interlocuteur, une relation de confiante allégeance se noue, fondée sur la considération des bienfaits passés : « A qui diray ma douleur ordinaire, / Synon à toy, Princesse débonnaire, / Qui m'as nourri et souvent secouru / Avant qu'avoir devers toy recouru ? » (\"A la royne de Navarre\", LU). Ce lien privilégié, que le poète entend préserver des malentendus et de l'aigreur des « langues serpentines », impose de fréquents mouvements d'autojustification : témoin l'épître XXXVII où Marot se disculpe de l'accusation de luthéranisme, en un cri d'innocence qui n'est pas sans annoncer sa traduction des Psaumes ; il est significatif, dans ce texte étonnant, qu'à l'interlocuteur royal se substitue momentanément Dieu lui-même : tout se passe comme si le poète transformait l'épître en confession pour mieux faire acte de pureté et de transparence.

marot

« les raisons de èette réussite.

Curieuse­ ment, Marot l'épistolier semble jouir d'un crédit aussi large que rétif à l'explication.

Alléguer sa «commune manière de parler » (Du Bellay) ou son « élégant badinage '' (Boileau) ne fait pas beaucoup progresser notre compré­ hension.

Il est évident, à la lecture des épîtres les plus célèbres ("Au Roy, pour avoir esté dérobé", XXIII ; "A la royne de Navarre", LII; "Contre Sagan", LVI) que la verve de Marot ne rassemble et condense ses moyens que sous l'urgence et la pression des circonstan­ ces.

Emprisonnement, fuite sous le coup d'une accusation religieuse, vol, maladie, les occasions n'ont guère manqué au poète, lui imposant la forme de la requête ou de l'implora­ tion.

Aussi la permanence d'une struc­ ture se lit-elle par-delà la diversité des épîtres : humilié ou offensé, le poète en appelle à un puissant protecteur, dont l'intervention pourra seule conjurer l'adversité présente.

Entre le poète et son interlocuteur, une relation de confiante allégeance se noue, fondée sur la considération des bienfaits pas­ sés : « A qui diray ma douleur ordi­ naire, 1 Synon à toy, Princesse debon­ naire, 1 Qui m'as nourri et souvent secouru 1 Avant qu'avoir devers toy recouru ? » ("A la royne de Navarre", LII).

Ce lien privilégié, que le poète entend préserver des malentendus et de l'aigreur des« langues serpentines», impose de fréquents mouvements d'autojustification : témoin l'épître XXXVII où Marot se disculpe de l'accu­ sation de luthéranisme, en un cri d'innocence qui n'est pas sans annon­ cer sa traduction des Psaumes; il est significatif, dans ce texte étonnant, qu'à l'interlocuteur royal se substitue momentanément Dieu lui-même : tout se passe comme si le poète transfor­ mait l'épître en confession pour mieux faire acte de pureté et de transparence.

Au protecteur paré de toutes les ver­ tus s'oppose la figure d'une adversité multiforme.

Liée aux inévitables contingences de la vie et aux revers de fortune, elle se concentre dans l'exer­ cice d'une parole venimeuse acharnée à perdre le poète : « Juges corrumpa­ bles », « sorboniqueurs >>, ennemis de cour -le ballet des fausses allégations s'organise autour de sa victime, et la met sans cesse en demeure de prouver sa soumission à la légalité sociale.

Il arrive pourtant que l'inimitié prenne des formes moins dramatiques : c'est le cas de la controverse avec le poète Sagan, médiocre versificateur qui vou­ lut profiter de l'exil de Marot pour prendre sa place auprès du roi.

En une épître hilarante et vengeresse (LVI) dont il attribue la rédaction à son pro­ pre valet Frippelippes, Marot déverse sur le rimailleur une kyrielle d'épithè­ tes bestiales, et lui inflige un traite­ ment qui dénie non seulement son titre de poète mais son humanité même : « Zon dessus l'œil, zon sur le groin, 1 Zon sur le dos du Sagouyn, 1 Zan sur l'asne de Balaan! » D'une épître à l'autre s'enrichit le portrait du poète, même si le « je >> pudique et fuyant de l'épistolier échappe à toute caractérisation psycho­ logique.

Soumis au harcèlement des circonstances contraires, Marot n'est nullement capable de la distance stoï­ cienne qui les rendrait dérisoires : il s'y enferme plutôt, avec un acharnement presque obsessionnel, énumérant le détail des désagréments et ne dissimu­ lant rien de leur prosaïsme.

C'est para­ doxalement de cette soumission aux circonstances matérielles que procède la véritable liberté du poète : s'atta­ chant méticuleusement aux aléas de l'existence, Marot finit par les entraîner dans une stylisation mi-plaintive mi­ humoristique où l'écriture trouve son régime le plus souple et le plus in­ ventif.

L'adversité humiliante lui est. »

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