ÉPITHALAME (L'). Roman de Jacques Chardonne (analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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ÉPITHALAME (L'). Roman de Jacques Chardonne, pseudonyme de Jacques Boutelleau (1884-1968), publié à Paris chez Delamain, Boutelleau et Cle en 1921.
Livre premier. Au début du siècle, pendant des vacances dans la maison familiale de Charente, Berthe, encore adolescente, fait la connaissance d’Albert un jeune homme qui la traite comme une adulte et la trouble. Après la mort de son père, elle vient s'installer à Paris avec sa mère, et revoit en secret Albert tantôt à Paris, tantôt à la campagne II est amoureux d’elle, mais hésite à se marier. Elle tombe malade reste séparée d'Albert pendant un an, au bout duquel elle le revoit et l'épouse. Livre second. Berthe a du mal à supporter son existence de femme mariée. Elle a l'impression qu'Albert ne l’aime plus, qu'elle l'ennuie. Ils se disputent fréquemment elle est jalouse, et cherche à se détacher de lui. C'est à ce moment-là qu'ils ont une fille. Partie se reposer à la campagne. Berthe éprouve la tentation de tromper son mari avec André, un ami d'enfance. Mais elle se ressaisit et apprécie enfin la douceur de son union avec Albert.
C'est apparemment dérision si le premier roman de Jacques Chardonne, qui allait consacrer la plus grande partie de son œuvre à explorer les méandres de la vie à deux, se veut « poème du mariage ». Tout le roman, aussi bien dans le livre premier, consacré à la très lente séduction de Berthe par Albert, que dans le second, qui décrit l'insidieuse dégradation de leurs rapports dans la monotonie de la vie conjugale, est en effet dominé par l'obsession du mariage, qui attire les personnages comme une « discipline », comme la seule véritable expérience de la vie, mais qui est en même temps l’objet de cruelles formules : de l'« ennui » à l'« abjection » d'une union qui « dénude » et « dépouille » l'autre de tout mystère, et l'éloigne encore davantage de soi au lieu d'aider à le mieux connaître. De ce point de vue, Berthe, qui porte le prénom de la fille de l'héroïne de Flaubert, et dont la sœur aînée s'appelle d'ailleurs Emma, apparaît parfois comme l'héritière de Madame Bovary : lorsque la jeune fille, grisée par sa jeunesse, croit qu'elle est vouée à « un sort plus riche, réservé en secret à celles qui savent sentir la promesse des choses », puis lorsqu'elle éprouve tout l’ennui de sa vie de femme, indifférente à son enfant, menacée par l'hystérie, lorsqu'elle découvre enfin l'amour discret d'André, le compagnon de sa jeunesse, et manque de lui céder. Mais Berthe est pourtant pourvue de tout ce qui fait défaut à Madame Bovary : c'est la vie parisienne qui lui semble ennuyeuse et vide, c'est à la campagne qu'elle retrouve enfin la paix. Le mari de Berthe n'est pas un homme balourd, mais un avocat brillant qui travaille trop. Ce que Jacques Chardonne cherche à mettre en valeur, c'est justement le caractère inéluctable de l'usure dans le mariage, le « drame de l'amour dans la vie à deux ». Non pour le déplorer, mais au contraire pour célébrer la mort de la passion et la douceur d'un amour
«
fait de « calme félicité ...
Lorsque Ber
the reproch e à son mari de ne plus la
regarder , de ne plus faire d'efforts pour
lui plaire, lorsq u'elle
se sent attirée vers
André, elle ne fait que regretter sa
jeu
nesse, une jeunesse constamment
vécue comme
une inquiétude , un
malaise , mais dont la fièvre est ensuite
so urce de nostalgie.
Elle le comprend
à la
fin du roman, lorsqu'elle découvre
l 'é goïsme du désir d'André, cependant
qu'elle se sent liée
à Albert par toute
la douceur d'une ineffable intimité.
Ce
retour vers son mari est-il
un retour
vers le
bonheur? Vaine question aux
yeux de Chardonne, pour qui
« il ne
faut jamais demander le
bonheur à
personne».
Premier roman d'un ho mm e déjà
mûr,
l'Épithalame s e veut à la fois une
réflexion de moraliste sur l'amour et
l'héritier
d'une tradition romanesque
française, comme
en témoignent les
lectures conseillées
par Albert à Berthe
et la préface de Chardonne à la réédi
tion de son livre, dans laquelle l'auteur
refu se de
se voir comparé à Tolstoï et
Geo rge Eliot
par Cha rles du Bos .
Pour
tant, celui-ci, en 1921, soulignait à
juste titre l'originalité de la présenta
tion des personnages, qui, selon sa
fo r
mule , " son t dans la chambre ...
Le
roma n est en effet organisé autour
d'une série de tableaux, dans lesquels
les personnages surgissent de l'ombre,
sans être expliqués, vieillissent insensi
blement , alors que les indications de
temps so
nt rare s.
Si C hardonne amène
son héroïne à rechercher le " lit du
fleuve
"• son écriture est marqu ée par
une retenu
e, une discrétion, qui confè
rent à maint épisode une sorte de
mys
tère.
Le rom an était cepe ndant pré
senté par l'auteur lui-même comme
empreint
d'une " liberté ,.
de cons
truction qu'il ne retrouverait plus :
sans doute réside-t-elle dans le
foison
nement de ce long récit, où le c hant
alterné de l'épo use et de l'époux se
mêle constamment aux volx des per
sonnages secondaires..
»
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