ENCYCLOPÉDIE (l') (Histoire de la littérature)
Publié le 05/12/2018
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ENCYCLOPÉDIE (l') « Voltaire écrit, dans le Siècle de Louis XIV : « Le siècle passé a mis celui où nous sommes en état de rassembler en un corps et de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences et de tous les arts, tous poussés aussi loin que l’industrie humaine a pu aller; et c’est à quoi a travaillé une société de savants remplis d’esprit et de lumières. Cet ouvrage immense et immortel semble accuser la brièveté de la vie des hommes. Il a été commencé par MM. Diderot et d’Alembert, traversé et persécuté par l’envie et l’ignorance, ce qui est le destin de toutes les grandes entreprises ». Ces lignes sont à rapprocher d’un passage du Tableau de Paris, de Louis Sébastien Mercier, publié quelques années avant la Révolution : « Tout se fait aujourd'hui par entrepreneurs... On a vu le sieur Panckoucke se nommer publiquement “entrepreneur” de l’Encyclopédie méthodique; et, de fait, il a payé les matériaux et les manœuvres à tant la feuille, à peu près comme un entrepreneur de bâtiments soudoie à la toise maçons et hommes de peine... Ainsi le produit des œuvres du génie et du résultat des connaissances humaines va encore à celui qui a de l’argent pour payer les auteurs et les ouvriers à la casse. Venez au monde, Socrate, Aristote, Platon, Hippocrate; auriez-vous jamais imaginé qu’il existerait un jour un aussi gros livre, et que son matériel exigerait une forte somme pécuniaire avant qu’on pût lire la science! » Mercier vise ici l’Encyclopédie méthodique, de Panckoucke, lancée en 1782, mais sa remarque pourrait aussi bien s’appliquer au Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, de Diderot et d’Alembert. « Monument des progrès de l’esprit humain », comme dit encore Voltaire, c’est aussi, il ne faut pas l’oublier, une entreprise collective de longue haleine, un travail d’édition destiné à être imprimé, vendu, soutenu, et qui dès l’origine mettait en cause des intérêts économiques et politiques de première importance. C’est le jeu de ces intérêts, subtilement mêlés aux enjeux philosophiques, religieux et scientifiques, qui a favorisé ou contrarié l’élaboration de l’Encyclopédie et qui permet de comprendre l’histoire longue et tourmentée de sa publication.
La « manufacture encyclopédique » et son histoire
Au départ de toute l’entreprise, il y a l’idée, somme toute modeste, mais commercialement bonne, de traduire en français les deux volumes de la Cyclopaedia or Universal Dictionary of the Arts and Sciences, d’Ephraïm Chambers, parue en Angleterre en 1728. Godefroy Sel-lius, un traducteur d’origine allemande, intéresse à son projet l’important libraire-juré et imprimeur Le Breton, qui se fait accorder un privilège en février 1745 et passe un contrat avec Sellius et un Anglais nommé John Mills pour une version française, corrigée et développée, du Chambers. Très vite, des dissentiments éclatent entre les deux traducteurs et Le Breton, qui obtient l’annulation des actes et reprend le projet en s’associant, en octobre 1745, à trois autres libraires parisiens, Briasson, Durand et David. Un nouveau privilège est accordé, et c’est
Le projet initial a été élargi, et il prévoit, à côté des articles du Chambers remaniés et mis à jour, de nombreux articles originaux et une Description des arts bien plus développée. Diderot est la cheville ouvrière du projet. Il recrute les collaborateurs, distribue le travail, recueille les textes et a la responsabilité particulière de la Description des arts et des planches qui doivent l’illustrer. Aussi son arrestation, en juillet 1749, à la suite de la publication de la Lettre sur les aveugles, risque-t-elle de porter un coup fatal au Dictionnaire en préparation. Les libraires multiplient les démarches auprès des autorités, et Diderot lui-même écrit au chancelier d’Aguesseau pour plaider la cause d’un ouvrage entrepris « à la gloire de la France et à la honte de l'Angleterre ». Ces arguments politiques et commerciaux sont assez forts pour que Diderot, au bout de trois mois, soit relâché de Vincennes. Il rédige un Prospectus (novembre 1750), véritable programme raisonné qui montre l’unité de l’œuvre à travers la diversité des articles. Dix volumes in-folio sont annoncés, dont deux de planches. Les souscriptions commencent d’affluer (1 002 en avril 1751; 2 619 à la fin de la même année).
C’est le 28 juin 1751 que paraît le premier volume de V Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, publié « avec approbation et privilège du roi ». En tête figure un long Discours préliminaire, rédigé par d’Alembert. Dès sa parution, le livre suscite un intérêt passionné. Les esprits éclairés applaudissent, mais une partie du public est étonnée, puis scandalisée par ce singulier dictionnaire. Les jésuites, qui craignent une concurrence pour leur Dictionnaire de Trévoux, commencent à dénoncer les erreurs et les audaces religieuses ou politiques qu’ils découvrent dans l’Encyclopédie.
L’« affaire de l'abbé de Prades » va être l’occasion de la première des grandes crises qui menaceront l’existence du Dictionnaire de Diderot et d’Alembert. Prades, collaborateur de l’Encyclopédie, voit sa thèse sur la spiritualité de l’âme et la divinité de Jésus-Christ censurée par la Sorbonne en janvier 1752, et l’archevêque de Paris lance contre lui un mandement. Il est obligé de s’enfuir en Hollande. Les ennemis des encyclopédistes, jésuites, jansénistes, hiérarchie ecclésiastique, parlement, en profitent pour obtenir du Conseil d’État un arrêt d’interdiction contre les deux premiers volumes. Mais les « philosophes » ne manquent pas de défenseurs, au premier rang desquels Malesherbes, le « directeur de la librairie », c’est-à-dire le magistrat chargé du contrôle des publications. A la Cour même, Mme de Pompadour ne leur est pas défavorable. L’arrêt n’est pas rapporté, mais le travail reprend, Malesherbes recommandant à Diderot d’éviter les provocations inutiles.
Les années qui suivent sont relativement calmes, malgré les attaques incessantes de Fréron dans son Année littéraire. Les souscriptions continuent d’arriver, et, en février 1754, les libraires portent le tirage définitif à 4 225 exemplaires. Quand paraît le volume VII, en novembre 1757, il y a plus de quatre mille souscripteurs, et l’on décide d’augmenter le nombre de volumes de texte et de planches initialement prévu. Cependant, en cette même année, les menaces s’accumulent à nouveau. Le « parti dévot » profite de l’émotion créée par l’attentat de Damiens contre Louis XV pour mettre en cause
«
l'abbé
Gua de .Yfalves, membre de l'Académie des scien
ces, qui est chargé de diriger les travaux.
A ses côtés, on
trouve d'Alembert, lui aussi membre de l'Académie des
sciences, qui contrôlera les articles scientifiques, et
Diderot, engagé comme traducteur.
Mais très vite Gua
de Malves se révèle incapable de mener à bien sa tâche
et doit s'effacer.
Le 16 octobre 1747, un nouveau contrat
est signé, Diderot et d'Alembert deviennent responsables
de la publication.
Le projet initial a été élargi, et il prévoit, à côté des
articles du Chambers remaniés et mis à jour, de nom
breux articles originaux et une Description des arts bien
plus développée.
Diderot est la cheville ouvrière du pro
jet.
Il recrute les collaborateurs, distribue le travail,
recueille les textes et a la responsabilité particulière
de la Description des arts et des planches qui doivent
l'illustrer.
Aussi son arrestation, en juillet 1749, à la
suite de la publication de la Lettre sur les aveugles,
risque-t-elle de porter un coup fatal au Dictionnaire en
préparation.
Les libraires multiplient les démarches
auprès des autorités, et Diderot lui-même écrit au chan
celier d'Aguesseau pour plaider la cause d'un ouvrage
entrepris « à la gloire de la France et à la honte de 1' An
gleterre».
Ces arguments politiques et commerciaux
sont assez fort:> pour que Diderot, au bout de trois mois,
soit relâché de Vincennes.
Il rédige un Prospectus
(novembre 1750), véritable programme raisonné qui
montre l'unité de l'œuvre à travers la diversité des arti
cles.
Dix volumes in-folio sont annoncés, dont deux de
planches.
Les souscriptions commencent d'affluer (1 002
en avril 1751; 2 619 à la fin de la même année).
C'est le 28 juin 1751 que paraît le premier volume de
1' Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences,
des arts et dés métiers, publié « avec approbation et
privilège du roi >>.
En tête figure un long Discours préli
minaire, rédigé par d'Alembert.
Dès sa parution, le livre
suscite un intérêt passionné.
Les esprits éclairés applau
dissent, mais une partie du public est étonnée, puis scan
dalisée par ce singulier dictionnaire.
Les jésuites, qui
craignent une concurrence pour leur Dictionnaire de Tré
voux, commencent à dénoncer les erreurs et les audaces
religieuses ou politiques qu'ils découvrent dans l'Ency
clopédie.
L'« affaire de l'abbé de Prades >> va être J'occasion de
la première des grandes crises qui menaceront l'exis
tence du Dictionnaire de Diderot et d'Alembert.
Prades,
collaborateur de l'Encyclopédie, voit sa thèse sur la spi
ritualité de l'âme et la divinité de Jésus-Christ censurée
par la Sorbonne en janvier 1752, et l'archevêque de Paris
lance contre lui un mandement.
Il est obligé de s'enfuir
en Hollande.
Les ennemis des encyclopédistes, jésuites,
jansénistes, hiérarchie ecclésiastigue, parlement, en pro
fitent pour obtenir du Conseil d'Etat un arrêt d'interdic
tion contre les deux premiers volumes.
Mais les « philo
sophes » ne manquent pas de défenseurs, au premier rang
desquels Malesherbes, le « directeur de la librairie >>,
c'est-à-dire le magistrat chargé du contrôle des publica
tions.
A la Cour même, Mme de Pompadour ne leur est pas
défavorable.
L'arrêt n'est pas rapporté, mais le travail
reprend, Malesherbes recommandant à Diderot d'éviter
les provocations inutiles.
Les années qui suivent sont relativement calmes, mal
gré les attaques incessantes de Fréron dans son Année
littéraire.
Les souscriptions continuent d'arriver, et, en
février 1754, les libraires portent le tirage définitif à
4 225 exemplaires.
Quand paraît le volume VII, en
novembre 1757, il y a plus de quatre mille souscripteurs,
et l'on décide d'augmenter le nombre de volumes de
texte et de planches initialement prévu.
Cependant, en
cette même année, les menaces s'accumulent à nouveau.
Le « parti dévot>> profite de l'émotion créée par l'atten
tat de Damiens contre Louis XV pour mettre en cause les
« philosophes )>.
Coup sur coup, des pamphlets vio
lents sont publiés : J'Avis utile ou Premier Mémoire sur
les Cacouacs, de Vaux de Giry, le Nouveau Mémoire
pour servir à l'histoire des Cacouacs, de Jacob Nicolas
Moreau, les Petites Lettres sur de grands philosophes,
de Palissot.
D'Alembert, excédé par ces attaques, ulcéré
par les remous que son article Genève, paru dans le
volume VII, a créés, quitte la direction de l' Encyclopé
die.
Diderot, malgré ce qu'il appelle une« désertion », et
malgré les conseils de Voltaire, qui le pousse à continuer
l'ouvrage en Suisse, tient bon, mais il va devoir bientôt
affronter une nouvelle crise, la plus grave de toutes.
Le 23 janvier 1759, en effet, le Parlement de Paris
dénonce comme subversifs huit ouvrages, en tête des
quels figurent De l'esprit, d'Helvétius, et J'Encyclopé
die.
Abraham Chaumeix commence la publication de ses
Préjugés légitimes contre l'Encyclopédie, et le Conseil
du roi révoque le privilège de 1746, avec interdiction
de vendre les volumes déjà parus et d'en imprimer de
nouveaux.
Le 21 juillet 1759, nouvel arrêt du Conseil,
ordonnant aux libraires de rembourser les souscripteurs.
C'est la banqueroute inévitable.
Mais les mêmes appuis
efficaces continuent de se manifester.
Malesherbes
accepte la proposition des libraires : les volumes de plan
ches (qui n'ont pas encore été publiés) serviront à
dédommager les souscripteurs, et, en septembre, un nou
veau privilège est accordé pour un Recueil de mille plan
ches gravées en taille-douce sur les sciences, les arts
libéraux et mécaniques.
L'Encyclopédie est sauvée,
financièrement d'abord, et tout Je monde a compris que
les volumes de texte paraîtront un jour, quand la tempête
sera apaisée.
Diderot peut donc continuer à préparer les volumes
de planches et à rassembler les articles pour les volumes
de texte.
Ses ennemis ne désarment pas, cependant, et
Fréron, dans son Année littéraire, accuse les éditeurs de
l'Encyclopédie de s'être servis des planches comman
dées par Réaumur pour les Descriptions des arts et
métiers de l'Académie des sciences (voir plus loin, «les
Planches de J'Encyclopédie>>).
En 1760, la réception à
l'Académie française de Pompignan et la représentation
de la comédie de Palissot, les Philosophes, sont le pré
texte de furieuses disputes, dont Diderot, rendu prudent,
se tient à J'écart.
La condamnation de la Compagnie de
Jésus, en 1762, le débarrasse de ses ennemis les plus
acharnés, et il peut se permettre de décliner les proposi
tions de Catherine Il de Russie qui lui propose d'aller
terminer l'Encyclopédie à Riga.
A la fin de 1763, il
donne le bon à tirer pour les dix derniers volumes de
texte.
Ils seront distribués aux souscripteurs en 1766, la
livraison des onze volumes de planches s'étalant de 1762
à 1772.
Deux incidents troubleront encore la préparation de
l'œuvre.
En 1764, Diderot s'aperçoit que Le Breton a,
sans Je prévenir, pratiqué une censure préventive sur
l'ensemble des textes.
Si leur signification générale n'a
pas été altérée, les articles, et surtout ceux de Diderot
lui-même, ont été allégés des passages où se manifestait
Je plus 1' «esprit philosophique)).
Diderot réagit avec
violence à ce qu'il appelle « un coup de poignard », mais
il est trop tard pour revenir sur ce qui a été imprimé, et
Diderot, bien qu'ulcéré, accepte de taire le« massacre)).
En 1771, enfin, un souscripteur mécontent, Luneau de
Boisjennain, intente un procès aux libraires, qu'il accuse
de n'avoir pas tenu leurs engagements.
Il sera débouté
de son action.
L'approbation du censeur pour le dernier volume de
planches est donnée le 14 février 1772, et les libraires
envoient gratuitement aux souscripteurs un frontispice
gravé par B.
L.
Prévost, d'après un dessin de
Ch.
N.
Cochin le fils, représentant le triomphe de la
Vérité dévoilée par la Raison..
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