ÉMILE ou De l'éducation de J.-J. Rousseau
Publié le 17/01/2019
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ÉMILE ou De l'éducation, traité de pédagogie de J.-J. Rousseau (1762). Dès sa parution, l'Émile fut condamné et lacéré à Paris, à Genève et en Hollande ; les persécutions dont fut victime Rousseau prirent alors une ampleur sans précédent, le contraignant à fuir d'État en État. Traité d'éducation, YÉmile est aussi un roman, un traité de théologie et une œuvre politique. Dans cet ouvrage d'aspect touffu, il n'y a en vérité aucune digression. Dans un monde où la société civile, les institutions politiques, la religion et la culture ont éloigné l'homme de la nature, de sa nature, le projet pédagogique (qui « double » sur le plan individuel le projet collectif du Contrat social, paru la même année) offre l'issue indispensable : comme le Contrat, c'est une synthèse. Témoin, « inventeur » et théoricien de l’enfance dans sa spécificité, Rousseau dénonce ceux qui « cherchent toujours l'homme dans l’enfant sans penser à ce qu’il est avant d'être homme ». Le plan du livre est donc calqué, non sur une didactique des disciplines enseignées, mais sur les âges « réels » du développement de l'enfant : l'âge de nature (le nourrisson et l'enfant, livres I et II), l'âge de force (III), l'âge de raison et des passions (IV), l'âge de sagesse et du mariage (V). Le projet éducatif est tout entier tourné vers une fin : former un homme social « sain, bon et heureux ». Pour cela, il faut que le pédagogue traite l'enfant en homme libre et le respecte.
Les méthodes pédagogiques préconi
sées par Rousseau sont toutes liées à la fois à ce dessein profond et à l'influence des sensualistes (de Locke surtout) : éducation sensorielle, sensible avant d'être intellectuelle, morale et religieuse ; rôle essentiel de l'observation dans l'acquisition des connaissances. Émile n'a pas de livre avant l'âge de douze ans, où on lui donne Robinson Crusoé ; il apprend en revanche un métier manuel, celui de menuisier, qui lui permettra non seulement d'affronter les contraintes imposées par la matière (ou le réel) mais aussi d'assurer son existence en toutes circonstances, dans une société sujette aux bouleversements politiques et économiques. Le seuil de la puberté est déterminant : commence alors l'éducation d'un être qui s'éveille à la conscience morale (éducation sexuelle, philosophique, esthétique, etc.) ; l'éducation religieuse n'intervient qu'en fin de parcours : « À quinze ans il ne savait s'il avait une âme, et peut-être à dix-huit n'est-il pas encore temps qu'il l'apprenne ; car s'il l'apprend plus tôt qu'il ne faut, il court le risque de ne le savoir jamais. » La Profession de foi du vicaire savoyard est, au cœur de l'Émile, un exposé des idées religieuses de Rousseau : croyance en une religion naturelle fondée sur la conscience et le sentiment, teintée de socinianisme (refus de certains dogmes, dont celui de la Trinité). À la fin de l'œuvre, avec l'éducation sentimentale d'Émile et de sa jeune fiancée Sophie s’affirme plus nettement l'aspect romanesque d'Émile. Les leçons essentielles de Rousseau n'ont cessé d'inspirer les pédagogues et les éducateurs modernes (Pestalozzi, Frôbel, Makarenko, Lapassade, Rogers). Au-delà de ses aspects utopiques ou trop directement liés à une société et à une époque, YÉmile pose à tout pédagogue les vraies questions : quelle est ta fin et ta méthode est-elle digne de cette fin ?
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