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Émaux et Camées de Théophile Gautier

Publié le 17/01/2019

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gautier

Émaux et Camées, recueil poétique de Théophile Gautier. L'ouvrage connut 6 éditions du vivant de l'auteur qui chaque fois l'enrichit de nouvelles pièces, faisant passer l'ensemble de 18 poèmes en 1852 à 47, chiffre atteint lors de l'« édition définitive » de 1872. Ces pièces de longueur inégale (de 3 à 58 strophes), de sujets variés (oiseaux ; fleurs ; souvenirs de voyage ou d'amours ; saisons ; objets ; rêveries ou visions), de genres très divers (sonnets, odes, madrigaux, évocations, récits, descriptions) n'en constituent pas moins un ensemble d'une extrême unité, de ton, d'atmos

 

phère et surtout de forme (43 poèmes sont composés de quatrains d'octosyllabes à rimes croisées, féminine puis masculine) : l'unité d'une esthétique qui veut trouver en elle-même sa raison d'être et en la perfection technique son salut (« l'Art pour F Art »), à l'abri de la vie et de ses tourmentes, extérieures, sociales ou intimes (refus de tout engagement comme du lyrisme). Voulant porter à la perfection l'art qui lui permet de peindre et ciseler sur les thèmes auxquels il est le plus attaché (la beauté, la mort), Gautier les a vidés méthodiquement de leur substance au profit d'une forme étincelante et glacée. La mort rôde au fil des pages (« Tristesse en mer », « Bûchers et Tombeaux »), mais elle ne touche pas : elle est prétexte à mise en scène et tableaux. La femme est presque partout présente, mais elle est « réi-fiée » à l'extrême (« Le Poème de la Femme, marbre de Paros »), statue de chair parée, pour le plaisir de l'artiste. De la beauté, on n'a qu'une suite d'instantanés, de l'amour, que la trace d'une nostalgie ; quant au désir, si artistement mis en forme, on a peine à le reconnaître. Si ces poèmes ouvrent des voies nouvelles par le recours à l'analogie et à la correspondance (« Affinités secrètes »), celles-ci restent des procédés formels, il y manque l'épaisseur du sens ; s'ils témoignent d'un art parfait, on se prend à regretter que Gautier ait été le « poète impeccable » que célébra Baudelaire et ait réussi à ne pas éprouver — ni surtout transmettre — plus de peccamineuse émotion. Étrange paradoxe : cette œuvre qui est la plus autobiographique est aussi la plus impassible, épure et réalisation narcissique de son idéal esthétique.

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