EDOUARD Faux-Monnayeurs, roman d’André Gide
Publié le 10/01/2018
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EDOUARD est, dans les Faux-Monnayeurs (1925), roman d’André Gide, le truchement et le bouc émissaire de son auteur, le fictif alter ego à travers qui Gide se livre d’autant plus volontiers qu’il peut à tout moment s’en désolidariser en le rappelant à sa condition de personnage. Edouard est tout spécialement chargé de prévenir le jugement du lecteur. Il lui incombe d’instituer, au cœur même de l’ouvrage, sa critique, et de faire de la tentative romanesque (de son échec éventuel) le sujet même du roman. Mais comment peut-il acquérir l’opacité d’un personnage s’il est d’abord donné comme aussi complexe, aussi indéfinissable, aussi «disponible» que son auteur — s’il est un anti-personnage et, tel le héros de Musil, un « homme sans qualités » ? Le mythe de la personnalité requiert de tout individu qu’il assume sans distraction son identité. A peine s’est-il manifesté qu’il est tenu de ne plus bouger. Au principe d’identité, Edouard oppose non sans véhémence le principe de la pleine participation. Son faible est de tout comprendre. C’est à un poulpe qu’il fait penser, se développant en toutes directions sans se diviser, la multiplicité de ses prises repoussant à l’infini, sans jamais le supprimer, le point de convergence qui lui permet de dire «je ». Il n’est contre lui de pire agression qu’un appel à ,sa sincérité.
Mais Edouard est autre chose qu’un fantôme abstrait. Son indétermination trouve un équivalent dans l’ordre physique : l’homosexualité. Car s’il est vrai que celle-ci est généralement subie comme une «déviation de l’instinct», comme une fatalité, il reste que certains esprits, qui l’assument et la dominent, y puisent une sensation d’extraordinaire liberté à l’égard du génie de l’espèce. Edouard donne à penser qu’il fait de la pédérastie une véritable catégorie spirituelle: l’aventure d’Edouard et de son neveu, Olivier Molinier, a le ton de
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