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ÉCUME des JOURS (L'). Roman de Boris Vian (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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ÉCUME des JOURS (L'). Roman de Boris Vian (1920-1959), publié à Paris chez Gallimard en 1947. Quelques extraits avaient paru dans les Temps modernes en octobre 1946.

 

Chick. grand collectionneur de «Jean-Sol Partre», a les faveurs d’Alise, dont le parfum trouble Colin. Mais celui-ci rencontre Chloé : ils vont se marier. Cependant, sans revenus suffisants, Chick ne peut épouser Alise. Colin lui offre vingt-cinq mille « doublezons », le quart de sa fortune. Son mariage avec Chloé se déroule avec faste, dans les effluves de l’hiver finissant Mais, au cours du voyage de noces, Chloé prend froid et doit s'aliter. Le professeur Mangemanche diagnostique la présence d'un nénuphar dans le poumon droit L'influence mortifère de la plante ne peut être combattue que par une profusion de fleurs. On l'opère: mais le second poumon est rapidement atteint Ruiné, Colin finit par trou-ver un emploi : il fart pousser des canons de fusils en leur transférant son énergie ; mais des fleurs d'acier viennent au bout des tubes. Chick continue à préférer sa passion pour Partre à Alise : il dilapide ainsi les fonds donnés par Colin. Alise tue Partre et met le feu à toutes les librairies. Pour recouvrer les impayés, les inspecteurs des impôts saccagent l’appartement de Chick et le tuent. Colin, après avoir été gardien des réserves d'or du pays, occupe maintenant le poste grassement rétribué d'annonceur de mauvaises nouvelles. Mais il est trop tard : Chloé meurt

 

L'Écume des jours peut se lire comme un roman d'amour allégorique de la condition de l'homme moderne. En effet, la maladie de Chloé symbolise le mal de vivre envahissant, dévorateur du moi, dans une société capitaliste.

cruelle aux tendres. Rien ne fait obstacle à l'amour mutuel de Colin et de Chloé. Mais l'affection dont souffre la jeune femme est indissociable de la situation financière du couple : elle figure l'emblème de l'usure générale qui atteint l'homme, obligé de sacrifier au culte de l'argent. Chloé commence à tousser en sortant de l'église ; son mal s'aggrave alors que le couple, croisant des ouvriers, vient de prendre conscience de la loi du travail ; le voyage de noces apparaît comme un épisode initiatique qui révèle aux héros les dures nécessités économiques. Dès lors s'amorce le processus de la dégradation. Avant de se marier, Colin, pur consommateur, se délectait aux fabuleux repas que lui préparait son cuisinier. Mais sa fortune considérable est vite écornée et dilapidée par le mariage et par la maladie de Chloé. Est-ce à dire que Vian veuille donner une image négative de l'amour, responsable lui aussi de ce mécanisme de dégradation ? 11 semble que la responsabilité soit plus diffuse : Chloé n'est pas coupable, mais les personnages sont prisonniers d'un univers aliéné. Dans la poitrine de la jeune femme, le nénuphar accomplit une métamorphose semblable à celle dont se trouve affligé Gregor Samsa, le héros de la Métamorphose de Kafka. De même que le nénuphar ronge Chloé, Colin nourrit de sa propre substance des canons de fusil. Puis, aspiré par le système, il se transforme en gardien de l'or et, figure d'une Némésis moderne, en propagateur de mauvaises nouvelles. Les personnages deviennent les victimes d'un déterminisme aliénant engendré par l'organisation du travail. Pour Vian, la machine économique dévore l'homme, et le travail use les individus, les fait vieillir prématurément. Cette dénonciation se double d’une parodie de l'existentialisme : si Colin est déchiré par la nécessité de soigner

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« Chloé en travaillant, Chick, son dou­ ble antithétique , s'adonne à un culte fétichiste de «jean-Sol ·Partre "· Vian alimentait la revue sartrienne les Temps modernes de ses « Chroniques du men­ teur » et son livre remet en question non l'œuvre de Sartre, mais le méca­ nisme psychologique qui consiste à sacrifier la pensée à l'objet : Chick finit par être détruit par le système qu'il ali­ mente malgré son dégoût pour le tra­ vail.

Tous les personnages ont leur nénuphar.

Selon un de ses procédés romanes- · ques favoris, Vian transpose le malaise de son temps sur un mode incongru où se mêlent étroitement l'ironie, le mer­ veilleux et la science-fiction.

Ainsi, le cuisinier de Colin, Nicolas, apparaît comme un homme doté d'une très belle situation, qui fait honte de son état à son beau-frère, agrégé de mathé­ matiques, professeur au Collège de France et membre de l'Institut.

Colin invente lui-même un « pianocktail » qui fabrique des breuvages en fonction des notes et des rythmes de la musique.

L'univers tout entier participe d'un ani­ misme qui le fait évoluer en sympathie avec les personnages.

Aussi l'apparte­ ment de Colin devient-il plus sombre et plus exigu à mesure que la maladie et la pauvreté s'y installent.

Le langage est comme contaminé par cette trans­ cription singulière de la réalité : « Dans la chambre, il y avait des soucis qui s'amassaient, acharnés à s'étouffer les uns les autres» (chap.

33).

Cet engrf'" nage logique, entre tragédie et humour noir, inscrit le monde préservé où évo­ luent des héros adolescents dans le pro­ cessus de la dégradation.. »

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