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DU BELLAY: Défense et illustration de la langue française

Publié le 18/11/2010

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«Qu'on ne m'allègue point aussi que les poètes naissent, car cela s'entend de cette ardeur et allégresse d'esprit qui naturellement excite les poètes, et sans laquelle toute doctrine leur serait manque [stérile] et inutile. Certainement ce serait chose trop facile, et pourtant contemptible [et pour cette raison méprisable] se faire éternel par renommée, si la félicité de nature donnée même aux plus indoctes était suffisante pour faire chose digne de l'immortalité. Qui veut voler par les mains et bouches des hommes, doit longuement demeurer en sa chambre. Et qui désire vivre en la mémoire de la postérité, doit comme mort en soi-même suer et trembler maintes fois, et autant que nos poètes courtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, endurer de faim, de soif et de longues vigiles [veilles].«

(II, 3)

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« (I, 1) La langue latine elle-même ne s'est pas faite en un jour.

Elle a commencé par s'inspirer d'une langue jugée alorscomme la plus noble, le grec, et l'a bientôt concurrencée comme langue littéraire grâce à des orateurs commeCicéron et des poètes comme Virgile. IMITER LES ANCIENS Sur le modèle des Romains transposant des tournures de langue et des formes littéraires grecques en latin, lajeune génération des écrivains français doit se plonger dans la littérature latine. Mais elle ne doit pas se contenter de traduire les Anciens.

Au modèle de la traduction, Du Bellay oppose lemodèle de l'innutrition, c'est-à-dire d'une lecture qui assimile les meilleurs auteurs latins et qui adapte librement leurs vers : «Si les Romains, dira quelqu'un, n'ont vaqué à ce labeur de traduction, par quels moyens donc ont-ils pu ainsienrichir leur langue, voire jusques à l'égaler quasi à la grecque ? Imitant les meilleurs auteurs grecs, setransformant en eux, les dévorant, et après les avoir digérés, les convertissant en sang et nourriture [...].» (I, 7) 2. ENRICHIR LA LANGUE 3. Sur l'exemple des Italiens qui ont depuis longtemps enrichi leur langue vulgaire grâce à des auteurs commeDante et Pétrarque, Du Bellay se propose de faire du français une langue littéraire de tout premier plan.

Lafierté nationale n'est donc pas indifférente à cette entreprise. La langue poétique se bâtit à partir de la langue courante.

C'est donc d'abord le vocabulaire de celle-ci qui demandeà être amplifié, rendu plus «copieux» comme l'on disait à l'époque.

Dans la seconde partie de l'ouvrage, Du Bellaypropose quelques recettes comme l'emprunt de termes spécifiques aux langages techniques (l'agriculture, la chasse, la marine...), la création de néologismes à partir de dérivations grammaticales (lesubstantif «seigneur» peut donner le verbe «seigneu-riser» par exemple) et la renaissance de vocablesmédiévaux tombés en désuétude (comme «anuiter» pour «faire nuit», ou «asséner» pour «frapper»). Du Bellay entre ensuite dans les détails de la fabrique poétique, avec les règles régissant les rimes, l'usage desfigures de rhétorique (comparaison, métaphore, hyperbole...) et les genres poétiques (parmi lesquels le poèmeépique tient le premier rang).

Du Bellay rejette en particulier les genres poétiques médiévaux, dans lesquels s'étaitillustré Marot par exemple (les rondeaux, les ballades, les chansons...), et préconise l'adaptation des genres latins(l'épigramme, l'élégie, l'ode, l'épître, la satire, l'églogue).

Mais les modèles sont aussi italiens avec Pétrarque pour cegenre nouveau qu'est le sonnet : «Sonne-moi ces beaux sonnets, non moins docte que plaisante invention italienne [...]» (II, 4)Pour la Pléiade, la poésie était donc moins une affaire de sincérité qu'une élaboration issue d'un long travail,une fabrication éminemment artificielle.

Du Bellay s'en explique, et répond par avance aux objections des partisans du naturel (il vise ici les admirateurs de Marot) : «Qu'on ne m'allègue point aussi que les poètes naissent, car cela s'entend de cette ardeur et allégressed'esprit qui naturellement excite les poètes, et sans laquelle toute doctrine leur serait manque [stérile] etinutile.

Certainement ce serait chose trop facile, et pourtant contemptible [et pour cette raison méprisable] sefaire éternel par renommée, si la félicité de nature donnée même aux plus indoctes était suffisante pour fairechose digne de l'immortalité.

Qui veut voler par les mains et bouches des hommes, doit longuement demeureren sa chambre.

Et qui désire vivre en la mémoire de la postérité, doit comme mort en soi-même suer ettrembler maintes fois, et autant que nos poètes courtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, endurerde faim, de soif et de longues vigiles [veilles].» (II, 3). »

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