Devoir de Philosophie

Dom Juan de Molière (Résumé & Analyse)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Le personnage de dom Juan a été paradoxalement créé par un ecclésiastique, le moine espagnol Tirso de Molina, entre 1620 et 1630 (Le Trompeur de Séville). S'il existait déjà plusieurs versions du même thème lorsque Molière écrivit sa comédie, c'est lui néanmoins qui conféra au mythe sa dimension actuelle et son ambiguïté. Mozart s'inspira de cette version pour Don Giovanni. Le terme de « libertin » qui désigne dom Juan avait au XVIIe siècle un sens fort ; il désignait une attitude de refus de la religion plus qu'une conduite morale. Son synonyme est « esprit fort » Acte I, scène 2. Grand séducteur, dom Juan est conduit à la mort par ses nombreuses conquêtes.

« veut le sens du mot au xviie siècle : le héros est un agnostique qui ne croit qu'en « deux et deux sont quatre ».

Sonattitude, a priori rationaliste, est partagée entre l'indifférence affichée (« Laissons cela ») et le défi : violation dessacrements (le mariage), corruption d'un mendiant, homme de Dieu, provocation envers la statue du Commandeurqui incarne le sacré, sarcasmes devant les mises en garde humaines ou surnaturelles.

Son mutisme ambigu (« C'estune affaire entre le Ciel et moi ») et son refus de céder devant la transcendance lui donnent une dimension derévolte luciférienne, qui dépasse sans doute le projet de son auteur.

Le défi à la société Tout est permis à qui necroit en rien : on peut bien être odieux si l'on n'a pas de juge.

Le cynisme de Don Juan joue certes d'abord dans laséduction : il ne craint ni de trahir le mariage, ni de déshonorer des paysannes qu'il fascine ; mais il s'exerce surtoutdans la subversion des rapports sociaux : qu'il s'agisse de dette de reconnaissance envers son sauveteur, de detted'argent avec la bourgeoisie, de dette d'honneur avec l'aristocratie, de respect de la misère, de la mort ou de piétéfiliale, Don Juan ne répond jamais à l'attente d'autrui, il méprise toutes les valeurs.

Sa fin apparaît donc commel'élimination d'un danger social.

Une morale, ambiguë Il ne fait pas de doute que Molière condamne Don Juan, qu'ilprésente comme un être' nuisible et monomaniaque, aveuglé par l'obsession de séduire comme Harpagon est aveuglépar l'avarice ou M.

Jourdain par le snobisme, et qui comme eux échoue dans toutes ses entreprises.

Toutefois il luiconcède un fort pouvoir de séduction, fait d'éclat physique, de lyrisme et de maîtrise des êtres par le langage.

Il luiaccorde une dignité presque tragique dans l'acceptation hautaine de la mort.

Il confie surtout la défense de lamorale traditionnelle à un valet balourd et ridicule, incapable de raisonner et de résister à la fascination qu'il éprouvepour son maître.

C'est d'ailleurs le personnage de Sganarelle, joué par Molière lui-même, qui a le plus choqué lescontemporains, et l'auteur a censuré certaines de ses répliques (« Mes gages ! ») après la première représentation. • La fuite en avant Don Juan est un « coureur », « le plus grand que la terre ait porté ».

À peine a-t-il conquis lecoeur d'une femme que déjà il s'intéresse à une autre.

Il « n'aime guère demeurer en place.», dit de lui Sganarelle.De fait, nous le voyons sans cesse en mouvement, rebondissant d'aventure en aventure.

Bientôt pourtant, ce nesont plus les femmes que Don Juan séduit, mais les valeurs des hommes qu'il défie, même pendant la fuite de l'acteIII, même quand il cherche le repos à l'acte IV.

Comme s'il fallait aller toujours plus loin, jusqu'à l'ultime défi, l'ultimevoyage, où peut-être encore « trouver du nouveau ».

On comprend que Baudelaire ait imaginé une suite à la pièce(le poème Don Juan aux Enfers).

L'instabilité du héros procède de cette insatiabilité.

Elle fait par ailleurs ledynamisme de la pièce.

• La satire sociale On retrouve ici des leitmotive chers à Molière, en particulier son plaisir àdénoncer le faux : satire de la médecine vue comme un charlatanisme ; analyse des relations faussées entre leprestige de la noblesse et le pouvoir financier de la bourgeoisie ; caricature de la paysanne qui, telle Perrette dansLa Laitière et le Pot du lait, se voit « parvenue » ; dénonciation surtout d'un « vice privilégié », l'hypocrisie, et de saforme la plus actuelle au moment où l'auteur écrit et se débat dans la querelle du Tartuffe, la fausse dévotion.

4 •L'ÉCRITURE • Le mélange des, genres Il semble épouser lui aussi les métamorphoses de Don Juan : le comique estrésolument farcesque dans l'acte II, qui caricature joyeusement les paysans, burlesque avec les bouffonneries deSganarelle, subtil dans le contraste entre Don Juan et ses interlocuteurs.

Il s'efface dans le lyrisme, qui seul peuttraduire l'enthousiasme impressionnant du séducteur.

Il laisse place à un sublime digne du tragique dans les scènesoù des personnages nobles — son épouse, son père — sont bafoués dans leur amour pour le libertin.

La situation dupauvre, homme pieux qui se voit contraint à blasphémer s'il veut manger, relève du pathétique.

Le dénouement enfinfait appel au merveilleux chrétien et met en scène la mort.

• Le comique Il est essentiellement porté par Sganarelle,valet bouffon, pédant, goinfre, jargonnant, couard, superstitieux et...

moraliste, qui ne cesse à la fois de juger sonmaître et de l'imiter autant que sa lâcheté le lui permet.

Un acte savoureux met en scène le jargon et le% moeursde paysans Imaginaires dans un climat de farce qui n'est pas sans contaminer les exploits du séducteur.

Verbald'abord, le comique ne répugne pas non plus au gag, telle la chute du valet qui met en image la fragilité de sonraisonnement sur la grandeur humaine.

Le comique a ici une triple fonction qui fait la singularité de la pièce : ilvéhicule la satire ; il assure une détente, dans une pièce au sujet grave ; il introduit une ambiguïté passionnante surle fond : Sganarelle ridiculise les valeurs qu'il est censé défendre.

• Le dynamisme Si la pièce viole allègrement larègle classique des trois unités —lieu, temps, action —, son unité profonde naît de la situation du héros : elleépouse son dynamisme et son goût des métamorphoses, la gravité croissante de ses transgressions, l'effet decompte à rebours que suscitent les multiples avertissements qui scandent l'action.

Cette unité dans le mouvement,alliée au plaisir du jeu dans le jeu et à la dialectique complexe des relations entre maître et valet, rattache la pièceà l'esthétique baroque.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles