Dindon (le) de Georges Feydeau (analyse détaillée)
Publié le 23/10/2018
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Dindon (le). Pièce en trois actes et en prose de Georges Feydeau (18621921), créée à Paris au théâtre du Palais-Royal le 8 février 1896, et publiée dans le tome II du Théâtre complet à Paris aux Éditions du Bélier en 1949.
C'est au moment même du triomphe de l'Hôtel du Libre-échange (1894) que Feydeau, se séparant de son collaborateur habituel M. Desvallières, écrit seul le Dindon, ainsi qu'il l'avait fait pour Monsieur chasse ! (1892). Comme dans ces deux succès, l'argument principal tourne autour du flagrant délit d'adultère et décrit, avec plus d'intensité encore que dans les précédentes pièces, les ravages d'une fatalité comique qui, dans cette comédie des erreurs, piège tous les personnages au profond d’une même nasse, dans une atmosphère de bouffonnerie polissonne. La pièce
connut une extraordinaire faveur auprès du public de l'époque (275 représentations). Sa reprise en 1951 par la Comédie-Française dans une mise en scène de J. Meyer avec une éclatante distribution (J. Charon, R. Hirsch, F. Ledoux, R. Manuel) relança dans la presse la polémique sur la respectabilité littéraire du vaudeville, polémique qui s’éteignit d'elle-même devant le succès prolongé : 352 représentations de 1951 à 1971.
Pontagnac. séducteur impatient et sanguin, fonce la porte d'une inconnue qu’il a suivie dans la rue. Celle-ci. Lucienne Vatelin. femme d'un avoué, appelle à la rescousse son mari qui reconnaît en Pontagnac une vague relation. Bien que chambré par Lucienne qui, lors d'une courte sortie de son mari, déclare qu’elle ne se donnerait que dans le cas, improbable, où elle serait trompée, Pontagnac continue à la presser. Après l'arrivée de Rédillon, un autre soupirant de Lucienne, surgit, en parfaite santé, une Mme Pontagnac que son mari a dite percluse de rhumatismes et résidant à Pau. Cette dernière se doute que les visites que son mari dit rendre aux Vatelin ne sont que des alibis, ce que confirme Lucienne à Mme Pontagnac qui décide à son tour de se donner au premier venu, Rédillon par exemple, si jamais son mari la trompait Arrive enfin Maggy Soldignac, une Anglaise au tempérament volcanique ancienne maîtresse de Vatelin. qui le relance avec menace de scandale et de suicide. Elle est bientôt suivie de son mari, Soldignac, qui vient annoncer à l'avoué qu'il entend bien le soir même surprendre sa femme en flagrant délit d'adultère. Contraint de changer son lieu de rendez-vous avec Maggy. Vatelin demande à Pontagnac le nom d'un hôtel ; celui-ci propose l'Ulti-mus et avertit Lucienne pour qu'elle puisse, avec lui, surprendre son mari (Acte I).
A l’hôtel Ultimus, chambre 39. la cocotte Anmandine reçoit Rédillon qui l'emmène chez lui, la privant ainsi d'un rendez-vous avec Soldignac. Elle laisse la place à un vieux couple, les Pinchard, auquel on a attribué par erreur cette chambre. Arrivent alors Lucienne et Pontagnac ; ce dernier dispose sous le matelas des sonnettes qui leur donneront l'alerte dans la chambre voisine où ils guettent les coupables. Vatelin arrive à son tour avec une Maggy crampon dont il cherche en vain
«
à se débarTasser.
Alors que l'Anglaise est dans le cabinet de toilette, surviennent son mari puis Rédillon qui emporte par erreur le sac de Maggy, laquelle ne pourTa plus sortir du cabinet de toi
lette, enfin les Pinchard qui se couchent.
Les son
neries se déclenchent; Lucienne et Pontagnac surgissent; s'apercevant de leur méprise, ils dis
paraissent aussitôt.
L'hôtel est ameuté par les sonnettes.
Pinchard les découvre, puis descend
préparer un cataplasme pour son épouse
malade.
Pendant ce temps, Vatelin, croyant
retrouver Maggy, s'endort près de Mme Pinchard et c'est sur son estomac que Pinchard applique le cataplasme.
Tout le monde se réveille.
Lucienne,
croyant constater son infortune, est bien décidée à se venger avec Rédillon plutôt qu'avec Ponta gnac qui, arrivant mal à propos, est pris pour l'amant de Maggy par un premier commissaire
accompagné de Soldignac, puis par un deuxième
mandaté par Mme Pontagnac.
L'ade se termine
par un pugilat où l'Anglaise n'est pas la demière à faire le coup de poing (Acte Il).
Dans le fumoir de Rédillon arrive une Lucienne
furieuse qui veut se venger de son mari, mais Rédillon, épuisé par sa nuit avec Arrnandine, ne peut la contenter.
Immédiatement après survient
Mme Pontagnac qui réclame le même service :
Rédillon, qui n'en peut mais, se retrouve avec deux femmes sur les bras.
Surgit Pontagnac qui
poursuit toujours Lucienne de ses assiduités.
Celle-ci, feignant de lui céder, le fait se déshabil
ler, ôte son corsage, mais continue à lire le jour nal, attendant que son mari et le commissaire
veuillent bien constater le flagrant délit.
Mme Pontagnac, sortant alors de la pièce où elle s'est réfugiée, demande aussi que l'on constate le sien.
Pontagnac, furieux, cherche le coupable :
Gérôme, le vieux domestique de Rédillon, se dénonce à sa place.
Vatelin, atterré, confie sa peine à Rédillon ; Lucienne, qui a tout entendu,
pardonne à son mari.
Pontagnac restera le din
don de la farce (Ade Ill).
Feydeau est parvenu dans cette
pièce,
que d'aucuns considèrent
comme son chef-d'œuvre, à une par
faite maîtrise de l'art du grand>, type de comédie
dont Alfred Rennequin lui avait donné
la forme matricielle.
Dans l'acte I,
d'abord un luxe de préparation dans la
tonalité parfois d'une comédie de
caractère (la déconvenue de
Pontagnac
et les moqueries de Lucienne, sc.
1, 2,
3), puis dans l'acte II, qui réunit dans
un lieu clos tous ceux qui ne doivent
pas se rencontrer, une accélération du
mouvement qui va de pair avec une
avalanche ininterrompue de coups de
théâtre, de péripéties cocasses et de
méprises inattendues.
À l'acte III enfin,
tout autant semé d'embûches, le
rythme
ne faiblit pas et les personna
ges, délivrés des pièges dans lesquels ils
se
sont englués, sont abandonnés, pan
telants, dans un dénouement presque
escamoté.
Comme souvent chez Fey
deau, on continue à rire après le baisser
du rideau.
À l'image traditionnelle de l'horloge
rie de précision habituellement utilisée
par la critique pour décrire ce genre de
pièce, Feydeau préfère celle de l'échi
quier :
«Je possède ma pièce, disait-il,
comme un joueur d'échecs son
damier.
» Image particulièrement
adaptée
au Dindon où la liberté d'une
imagination fantaisiste se conjugue
avec la rigueur, logique
jusqu'à
l'absurde, de la construction.
En outre,
pour les protagonistes qui ne sont pas
de simples bamboches,
c'est bien
d'échec qu'il s'agit aussi : les séduc
teurs, le fat Rédillon, et surtout le
din
don Pontagnac, se retrouvent le bec
dans l'eau.
L'invention loufoque de l'écriture
scénique joue
bien sûr aussi sur les
objets
du décor: le fameux lit à sonnet
tes, déjà rencontré
il est vrai dans
Divorçons! (1880) de Sardou; mais
aussi sur les jeux de scène
et les jeux de
langage : les dialogues avec Maggy
(1,
13, 14; II, 10, 16, 18), l'anglais du Mar
seillais Soldignac (1, 14), les conversa
tions avec Mme Pinchard, sourde
comme
un pot (Il, 5, 6).
Ajouté à cela
un grand nombre de personnages
secondaires tous indispensables à
l'action
et nettement caractérisés,
d' Armandine, gourgandine un peu
gourde, à Gérôme, valet « oncle de.
»
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