DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE, ou la Raison par alphabet, 1764. Voltaire (François Marie Arouet, dit)

Il n’est pas indifférent que Voltaire ait voulu que ce dictionnaire fût «portatif». Face à l'Encyclopédie, œuvre monumentale qui présentait en vingt-huit volumes une revue universelle des connaissances humaines, le Dictionnaire philosophique incarne l’aspect critique, corrosif, destructeur de l’esprit des Lumières. Il ne s’agit pas tant ici d’instruire que de piquer, de frapper quand il le faut. C’est une arme.

 

L’ordre alphabétique ne répond d’ailleurs pas, ici, à un souci encyclopédique (tout parcourir, ne rien omettre). Cet ordre n’en est pas un, mais plutôt un désordre, une énumération rhapsodique des préjugés, des superstitions, des sottises, des obscurités, des intolérances. L’arbitraire du désordre alphabétique répond au bric-à-brac des erreurs humaines. Cette œuvre est bien plutôt une « déraison par alphabet ». Elle se présente sous la forme d’une succession d’articles (plus ou moins nombreux selon les éditions), abordant des sujets d’une extrême diversité (religion, société, justice, politique, histoire, philosophie, métaphysique, esthétique). Ces articles sont autant de pamphlets brillants, quelquefois d’une extrême virulence, contre la superstition, le fanatisme, l’injustice, le despotisme, l’intolérance, l’infatuation des hommes. Philosophie et métaphysique ne sont donc pas, malgré le titre, l’essentiel du Dictionnaire philosophique, qui s’acharne surtout à établir la faiblesse de l’intelligence humaine dans ces domaines (art. «Faculté»). Pour comprendre ce que veut dire «philosophique», dans le titre, on se reportera tout simplement à l’article «Philosophie».

 

La religion est la cible privilégiée de l’auteur, qui ne lui épargne aucune des critiques