Diable amoureux (le) de Jacques Cazotte (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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Diable amoureux (le). Nouvelle espagnole. Récit de Jacques Cazotte (1719-1792), publié à «Naples» (en réalité à Paris chez Le Jay) en 1772.
Trois moments se succèdent dans le récit, qui se situent chacun en un lieu précis. À Naples. le jeune Espagnol don Alvane, capitaine des gardes du roi. est initié au satanisme. D'abord par des conversations, puis, au cours d’une promenade dans les ruines de Portici, par l'apparition d'un horrible chameau : il ne s'en effraie pas. et le chameau devient un épagneul caressant puis un page docile, qui se révèle enfin être une femme, l'enivrante Biondetta. II se rend avec elle à Venise, et là s'abandonne à ses sortilèges : elle lui permet de gagner au jeu ; par jalousie, on la poignarde : elle guérit et révèle qu'elle est un esprit élémentaire, une sylphide. Apeuré, pris de remords, Alvane décide de regagner l'Espagne et le château de sa mère : Biondetta le rejoint sur la route : le voyage à travers les Alpes, la France et l'Estrama-dure est fort pénible ; avant de parvenir au château, ils passent une nuit ensemble, et il devient son amant Elle révèle alors sa vraie nature (Bel-zébuth), et reprend la forme horrible du chameau avant de disparaître. La mère d’Alvare ne veut voir en tout cela que des chimères, et don Quebracuemos, un docteur de Salamanque, lui enseigne que le diable l'a séduit sans parvenir à le corrompre et qu'il doit, instruit de ces expériences, fonder une famille et vivre vertueusement.
Peut-être y a-t-il dans cette « nouvelle espagnole » quelques éléments autobiographiques. On peut penser que Jacques Cazotte, retiré de ses fonctions dans la marine, installé depuis 1760 dans la propriété familiale de Pierry, près d'Épernay, marié depuis 1761, s'est retourné avec amusement et nostalgie sur les frasques, les illusions, les erreurs de sa jeunesse. Tout cela romancé, paré d'une auréole surnaturelle, situé successivement dans une Naples à demi magique, puis à Venise, capitale du jeu, de la débauche et de toutes les folies du carnaval, enfin dans l'austère Espagne, où les paysans vivent d'innocentes pastorales et où les châtelaines sont si dévotes et si vénérées.
Un jeune officier, partagé entre les sévères leçons de sa mère et l'appel du plaisir toujours refusé jusqu'à cette nuit sulfureuse, où la sensualité, enfin acceptée, découvre immédiatement sa nature satanique : telle est peut-être la trame originelle de l'œuvre. Le diabolisme, dans cette optique, n'est que farce, ou plutôt badinage. Cazotte se moque de la naïveté de don Alvare, qui fut la sienne, et il donne au fond une parodie des contes édifiants, dont on pouvait bercer les adolescents. Cette humeur parodique, ne l'avait-il pas
«
manife.stée dans ses œuvres précéden
tes ,
la Patte du Chat (17 41) ou Ollivier (1763)? Toute la nouvelle peut être lue
« au second degré ,.
: les conversations
d'officiers après boire, le chameau, le
page équivoque, les revers et
les succès
au jeu, la noce espagnole, la mère qui
rappelle la Vierge,
et le docteur de Sala
manque chargé du prêche final.
n ne faut pas -quelle qu 'ait été la
vieillesse de Cazotte, quels qu'aient été
l e .s co mmentaires de Gérard de Nerval
dans
les Rluminés (1852) -exagérer
l 'ésoté risme du conte.
Quelques livres
(le Comte de Gabalis de l'abbé de Villars
et le Monde enchanté de Bekker) ont pu suffire à l'écrivain pour évoque r les
êtres élémentaires qui peuplent le
del
et peuvent aimer des mortels, leurs
métamorphoses
et l a présence du dia
ble panni nous.
Cazotte écrit avec
verve,
il s'amuse visiblement.
Mais
cette alerte mystification renvoie à de
grands mythes, ou plutôt
à de profon
des terreurs de notre inconscien
t, à la
fascination et à l'horreur de la
sexua lité.
C'est là que réside le cha rme éner
vant du livre : le badinage est brillant,
partout présent,
et cependant presque
transparent comme
un voile pl ein de
perles qui laisse deviner de lourds
secrets
et de tenaces hantises.
Aucun
vainqueur dans ce combat entre
l 'esp rit et l'inconscient :
le Diable
amoureux ne nous libère pas et ne nous
effra ie pas; l'incertitude l'emporte; le
sourire reste
un peJ.~ trouble, la naïveté
étudiée, l'humour fragile.
L'œuvre a
ainsi
un ton très singulier.
Son secret le
plus stimulant se découvrira it peut-être
en approfondissant
les rapports du nar
rateur et du héros, en décryptant ce
«je ,.
qui se dérobe comme un e ombre
(ou une sylphide)..
»
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