Deux Amis de Tourgueniev
Publié le 06/04/2013
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Écrit à l'automne 1853, ce récit parut dans la revue Le Contemporain en 1854. Il fut bien accueilli par la critique ; le seul reproche qu'on lui faisait concernait le dénouement, jugé trop rapide et conventionnel; il fut modifié par l'auteur en 1869. Tolstoï recommandait la lecture de cette nouvelle. Le manuscrit de travail et celui destiné à l'impression sont conservés à la Bibliothèque nationale à Paris. La critique F. Flamant voit dans ce récit « une sorte de surgeon hâtivement poussé sur le tronc du grand roman en cours et qui absorba une grande partie de sa substance «. Du reste, Tourgueniev ne faisait pas grand cas de sa nouvelle, dont il jugeait le héros très ennuyeux, raison pour laquelle « j'ai si vite mis fin à ses jours «.

«
.------------EXTRAITS -- ----- ~
« Ils étaient tous les deux
ce
qu'on appelle de braves garçons,
sans complications
,.
Et cependant, ils n'avaient pas grand-chose
en commun.
En homme qui,
s'il n'était pas
riche, avait eu, du moins, des parents riches,
Viazovnine avait reçu une bonne éducation,
fait des études à l'Université, connaissait
plusieurs langues, s'adonnait volontiers
à la lecture et pouvait passer, dans
l'ensemble, pour un homme cultivé.
Kroupitsyne, au contraire, parlait un
français boiteux, ne prenait pas un livre en
main à moins
d'y être forcé et appartenait
plutôt à la catégorie des gens incultes.
Physiquement, aussi, les
deux amis ne se
ressemblaient guère : Viazovnine était assez
grand, maigre, blond,
avait le genre an
glais ; il tenait sa personne et surtout ses
mains dans une grande propreté, s'habillait
avec recherche et arborait des cravates ...
Habitudes de la capitale ! ...
Kroupitsyne, au
contraire, était petit, un
peu courbé, le teint
hâlé, les
cheveux noirs, et portait, été
comme hiver, une sorte de paletot-sac aux
poches distendues, taillé dans un drap de
couleur bronze.
·
Un personnage grotesque
dans la veine gogolienne
La famille Barsoukov se composait de deux
personnes : le père,
âgé d'environ cinquante
ans,
et une fille de dix-neuf ans.
Pierre
Vassilitch
n'avait pas exagéré en qualifiant
le père de
phénomène : il l'était effective
ment et de première sorte.
Après des études
couronnées de succès dans un établissement
d'État, il avait pris du service dans la
marine et s'était fait bientôt remarquer
par ses supérieurs, mais il démissionna
brusquement, se maria, s'installa à la
campagne et peu à peu s'abandonna à la
paresse
et se laissa aller à tel point qu'il finit
par ne plus se rendre nulle part, et même
par ne plus sortir de sa chambre.
Vêtu d'une
courte touloupe de lièvre, chaussé de mules,
les mains enfoncées dans les poches de ses
larges pantalons flottants, il faisait les
cent
pas à longueur de journée, d'un coin à
l'autre,
tantôt chantant, tantôt sifflant, et
quoi qu'on pat lui dire, il répondait toujours
en souriant la même chose : « Braou,
braou », c'est-à-dire: Bravo! bravo!
Un désenchantement croissant
« Ta vie n'est plus ce qu'elle était, disait-il
à Viazovnine,
qui lui reprochait amicale
ment des' être refroidi à son égard; tu es un
homme marié,
je suis célibataire.
Je pour
rais gêner.
»
Viazovnine ne le contredit pas tout d'abord;
mais voici qu'il commença à remarquer, peu
à peu que, sans Kroupitsyne, il s'ennuyait
chez lui.
Sa femme n'était nullement un
fardeau ,· au contraire, il lui arrivait de l 'ou
blier complètement
et de ne pas lui dire une
parole
pendant des matinées entières.
Traduit du russe par
Françoise Flamant
« ••• cette catégorie de
femmes que les don Juans appellent flatteusement
des expertes, les maris
des mégères
et les vieux
célibataires des petites
bonnes femmes délurées.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Les scènes décrites sont si fidèles à la
nature, si dépourvues d'artifices que la
nouvelle se
lit avec un plaisir plus grand
que telle autre œuvre plus profonde.
»
Revue Le Panthéon, mars 1854.
Tourgueniev
put par des livres si courts
.
donner une telle impression de durée et de
plénitude.
Si on analyse la méthode, on
trouve un art de construction très caché et
très
parfait.» André Maurois, Tourgueniev,
Éditions J.
Tallandier, 1952.
«Tourgueniev,
c'est incontestable, est un
causeur hors ligne, un écrivain au-dessous
de sa réputation.
Oui, c'est un chasseur
paysagiste, un peintre de dessous de bois
très remarquable mais un peintre
d'humanité petit, manquant de la bravoure des
observations.
En effet il
n'y a pas dans
son œuvre la rudesse primitive de son pays,
la rudesse moscovite, cosaque et ses
compatriotes dans ses livres
m'ont l'air de
Russes peints par un Russe qui aurait passé
la fin de sa vie à la cour de Louis XIV.
»
Edmond et Jules de Goncourt, Journal,
1887.
«Jamais romancier n'a fait preuve d'une
économie de moyens aussi complète.
Quand on a un peu l'habitude de la
technique
d'un roman, on se demande
d'abord avec surprise comment
«Le noble et mélancolique Tourgueniev.»
Walt Whitman.
1 Sipa-Jcono 2 peinture d'lgnati Chtchedrovski (1839), Musée russe, Leningrad /Edimédia 3 peinture d'lvan Smimovski (1820), Musée russe, Leningrad/ Edimédia TOURGUENIEV 04.
»
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