DÉRACINÉS (les) Roman de Maurice Barrés (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 25/10/2018
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DÉRACINÉS (les) Roman de Maurice Barrés (1862-1923), publié à Paris chez Fasquelle en 1897. Son énorme succès lui valut nombre de rééditions, dont l'une, remaniée par l'auteur (Pion, 1922), sert désormais de texte de référence.
Premier volet d'un ambitieux triptyque intitulé « Roman de l’énergie nationale » qui contient aussi l’Appel au soldat (1900) et Leurs figures (1902), le livre marque une rupture après les « essais » du Culte du moi, tant dans sa manière d'ample roman balzacien que dans la pensée sous-tendant pareille forme : l'égotisme barrésien s'inscrit désormais dans la société, dont l'individu paraît dépendre absolument. Dans le passage du dandysme anarchi-sant au chauvinisme droitier, les Déracinés forment donc une étape fondamentale ; mais l'illusion rétrospective ne doit pas noyer ici l'ouvrage, savamment ambigu, sous la figure désormais bien connue du dernier Barrés : à un mois de l'affaire Dreyfus, les Déracinés représentaient plus un événement littéraire que la préfiguration d'un devenir idéologique - d'où l'enthousiasme (tempéré cependant de quelques réserves concernant la thèse de l'enracinement) d'un Gide ou d'un Léon Blum.
Formés au lycée de Nancy par le professeur Paul Bouteiller, tartufe kantien (chap. 1-2), sept jeunes gens ne tardent pas à tirer les conclusions de son apologie du « déracinement » en quittant leur Lorraine natale pour tenter leur chance à Paris (3). Ce « prolétariat de bacheliers » associe ses énergies dans la fondation d’un journal, la Vraie République (8-13), paradoxalement financé par l’héritage du plus pauvre d’entre eux, Raca-dot Les difficultés ne tardent pas à séparer les amis, et à mettre en lumière les différences que la jeunesse dissimulait : ruiné, Racadot tue Asti né -ancienne maîtresse de son ami François Sturel -pour lui voler ses bijoux, et finit sur la guillotine. Chacun est rattrapé par ses origines, puisque le bourgeois Suret-Lefort trouvera dans la défense de son condisciple sa première grande cause d’avocat (19), avant de collaborer à l'élection de son ancien professeur comme député de Nancy (20). Achevant le roman, l’ascension de Bouteiller prend figure d’emblème : seuls réussissent le déracinement le plus total et l’hypocrisie arriviste qu’incame Bouteiller, le faux moraliste, « hussard » très « noir» de la récente République.
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ment ambigu, sous la figure désormais
bien connue du dernier Barrès : à un
mois de l'affaire Dreyfus, les Déracinés
représentaient plus un événement lit
téraire
que la préfiguration d'un deve
nir idéologique - d'où l'enthousiasme
(tempéré
cependant de quelques réser
ves
concernant la thèse de l'enracine
ment) d'un Gide ou d'un Léon Blum.
Formés au lycée de Nancy par le professeur Paul Bouteiller, tartufe kantien (chap.
1-2), sept
jeunes gens ne tardent pas à tirer les conclusions de son apologie du « déracinement» en quittant
leur Lorraine natale pour tenter leur chance à Paris (3).
Ce « prolétariat de bacheliers » associe ses énergies dans la fondation d'un journal, /a Vraie République (8-13), paradoxalement financé
par l'héritage du plus pauvre d'entre eux, Raca dot.
Les difficultés ne tardent pas à séparer les amis, et à mettre en lumière les différences que la jeunesse dissimulait: ruiné, Racadot tue Asti né ancienne maîtresse de son ami François Sture! - pour lui voler ses bijoux, et finit sur la guillotine.
Chacun est rattrapé par ses origines, puisque le bourgeois Suret-Lefort trouvera dans la défense
de son condisciple sa première grande cause d'avocat ( 19), avant de collaborer à l'élection de son ancien professeur comme député de Nancy (20).
Achevant le roman, l'ascension de Bouteiller prend figure d'emblème : seuls réussissent le
déracinement le plus total et l'hypocrisie arriviste
qu'incarne Bouteiller, le faux moraliste, « hus sard » très « noir» de la récente République.
D'octobre 1879 à octobre 1885, les
Déracinés tracent une analyse de ce que
Barrès appelle
l'> par
Sedan et « décérébrée >> par le parle
mentarisme centraliste qui substitue
l'intrigue
à courte vue à la formation
séculaire
d'une identité -aussi fonda
mentale qu'imprécise dans la pensée
de Barrès -, la France prend alors la
figure
d'un laboratoire, et les sept jeu
nes gens, celle de > : le
déploiement des individualités suppo
serait
un enracinement dont tout
concourt à les priver, l'action nécessi- terait
un projet d'ensemble dont la
société semble incapable, si bien
que la
belle énergie des adolescents manifes
tera,
en se brisant aux faits, une pro
fonde maladie de la substance natio
nale.
Ponctué d'antisémitisme et de
biologisme -Racadot porte tous les
stigmates de la
dont il
descend -, le diagnostic paraît saturé,
sous
son apparente logique, de tous les
fantasmes de l'extrême droite,
et l'on
peut bien a posteriori y étudier, tel Zeev
Sternhell, les origines
du fascisme à la
française.
Cette lecture ignorerait
pourtant
l'ambiguïté, toute barrésienne, du
roman.
Sur le plan idéologique, la
démystification efficace de la me Répu
blique -dans la furie
d'un jeu parle
mentaire paralysant, une coalition
d'intérêts dissimulée dans les plis
d'un
kantisme de pacotille -ressemble fort,
en effet, aux critiques d'extrême gau
che.
S'il est alors plus convaincant
dans la dénonciation que dans ses pro
positions de remèdes, c'est
que Barrès
étend à la collectivité son débat inté
rieur, et jamais
tout à fait résolu, entre
les séductions de l'errance (Amori et
dolori sacrum, 1903; le Voyage de Sparte,
1906; Un jardin sur l'Oronte, 1922) et
le souci, par contrecoup, d'une fixation
dans un > (la Lorraine) dont
les descriptions sans cesse reprises
avouent le caractère
mythique (la trilo
gie
les Bastions de l'Est, 1905, 1909 et
1921 ; *la Colline inspirée).
L'orientale
et lyrique Astiné, comme la force
romanesque du personnage de Raca
dot- dont Gide faisait remarquer, non
sans malice, que le déracinement
constituait tout l'intérêt -, témoignent
alors dans le livre du paradoxe d'une
écriture qui s'accomplit tout particuliè
rement quand elle dépeint ce qu'elle
devrait dénoncer.
Sur le plan littéraire,
qui plus est, ce
roman largement auto
biographique a le mérite de faire écla
ter
en sept personnages, observés avec.
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