Denis DIDEROT : Essais sur la peinture Salons de 1759, 1761, 1763
Publié le 23/02/2012
Extrait du document
C'est celui-ci qui est un peintre, c'est celui-ci qui est un coloriste. Il y a au Salon plusieurs petits tableaux de Chardin ; ils représentent presque tous des fruits avec les accessoires d'un repas. C'est la nature même. Les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux. (. . .) C'est celui-ci qui entend l'harmonie des couleurs et ses reflets. 0 Chardin, ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir, que tu broies sur ta palette ; c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau, et que tu attaches sur la toile.
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Les sous-titres des Essais sur la peinture révèlent toute la
verve et la désinvol
ture de Diderot : des
réflexions sur
le des sin deviennent des "pensées bizarres", des "petites idées sur la couleur".
Les Salons de 1759 à 1763 étaient destinés
à Grimm, le célèbre
conteur allemand, qui était l'ami de Diderot ; ils ne de vaient, à l'origine, pas être publiés.
Aussi leur auteur se laisse-t-il parfois aller à surnommer son correspondant "mon poulet".
Le livre
Les Salons ou la naissance de la critique d'art
E n 1759, Grimm contacte Diderot afin que celui-ci résume
pour la correspondance des princes d'Europe les salons
de peintures qui se tiennent à
Paris ; l'auteur du Neveu de
Rameau
accepte mais se rend compte de la difficulté de la
tâche.
Il est en effet
l'un des premiers à devoir décrire- c'est
à-dire critiquer
-les toiles d'artistes connus -tels Van Loo,
Greuze ou Chardin
-et moins connus.
Progressivement donc,
de 1759 à 1763, Diderot va déterminer des critères d'apprécia
tion : la ressemblance avec la nature, l'importance de la cou
leur au détriment
du dessin, la prédominance de l'émotion sur
la composition.
Sa critique peut être parfois très virulente : il se permet par
exemple de fustiger
Pierre, peintre préféré du roi.
Il égratigne
Boucher mais prend peu à peu conscience du grand talent de
Chardin :
"C'est toujours la nature et la vérité.
Vous prendriez
les bouteilles par le goulot si vous aviez
soif( ...
).
Ce Chardin
est
un homme d'esprit."
Les Essais ou la naissance de l'esthétique
L es Essais sur la peinture sont des textes plus tardifs, com
posés vers 1765.
Diderot a acquis une maturité, a aiguisé
ses jugements et ses goûts en matière picturale.
Sa réflexion
est désormais volontiers abstraite.
Sa vigueur va l'amener pro
gressivement à critiquer l'académisme figé des écoles qui
exaltent les vertus du dessin ; mais la couleur reste, selon
Diderot, plus près de la vie que le dessin : elle permet en effet
de
rendre le mouvement, d'exprimer le souffle propre à
chaque chose,
d'en saisir l'âme.
"Il faut aux arts d'imitation
quelque chose de sauvage, de brut, de frappant et
d'énorme",
confirme Diderot ; la fidélité à la réalité qu'il exige des arts
plastiques s'apparente donc à la démarche de toute son œuvre,
dont ces
Essais constituent une étape importante.
Mais, plus
largement, ces textes font de Diderot l'instigateur
d'une ré
flexion artistique affranchie de la philosophie, c'est-à-dire le
fondateur de la critique moderne..
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