DÉLITS ET DES PEINES (DES), Beccaria
Publié le 20/09/2018
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Beccaria propose une idée neuve pour son temps: la justice n’est pas la servante de la religion; une condamnation ne venge pas une offense à la divinité. Le droit ne doit être défini et jugé que comme instance sociale. Sa raison d’être est l’utilité. On est ici au cœur de l’inspiration politique antiabsolutiste des Lumières, et de leur souci de briser tout lien entre le sacré et les institutions.
Les peines n’ont d’autre origine que le désir humain de sécurité. A cette sécurité, les hommes consentent à sacrifier une part de leur liberté. Encore faut-il que l’échange soit équitable, ce qui suppose un calcul des sanctions que requiert tel ou tel dommage fait à la société. La justice se fait mathématique, et la rigueur du raisonnement juridique est garantie par le recours aux formes syllogistiques de la logique classique. L’exercice légitime de la justice implique en outre une légalité, relativement à laquelle se définissent délits et peines, hors de laquelle il n’y aurait qu’arbitraire. Ce qu’on appelle aujourd’hui un Etat de droit. Les analyses que Beccaria propose de la loi présentent de fortes analogies avec ce qu’on lit, à la même époque, sous la plume d’un Rousseau.
«
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ET DES PEINES (Des)
[Dei deletti e delle pene].
Traité du philosophe et
juriste milanais Césare Bonesana, marquis de
Beccaria (1738-1794).
Écrit entre mars 1763
et janvier 1764, il fut imprimé à Livourne dans
l'été de 1764.
Beccaria se propose dans cette
œuvre de révéler les défauts de la législation
judiciaire de son temps, il en demande la réforme
et expos e ses propres vues à ce sujet.
Il part
(chap.
I et III) de la conception déjà exposée
par J.-J.
Rousseau dans le Contrat Social
selon lequel les hommes par un libre accord
se seraient réunis pour une vie commune, en
sacrifiant une partie de leur liberté, la plus
petite possible, en vue de la plus grande· utilité.
Cette conception influe sur la facon d'examiner
la question, et conduit l'auteur à considérer
le droit pénal, comme fondé non sur le principe
classique de la , mais sur le
principe relativiste et pragmatique, par lequel
>.
Mais bien plus remar
quable que cette thèse initiale qui n'est pas
nouvelle et qui est discutable (on peut en effet
en faire remonter les sources à la sophistique
grecque), est la vigueur avec laquelle est signalée
à l'attention du public une question aussi grave
que celle de la réforme de la législation pénale.
L'opportunité pratique des remèdes proposés est
également digne de remarque.
Selon Beccaria,
il est nécessaire que la détermination des délits
et des peines soit établie à la base d'un code
précis et bien défini.
Rien ne doit être laissé
à l'arbitraire du juge, qui, étant homme, peut se
laisser influencer et emporter par ses propres
instinc ts.
C'est pour cela que doit cesser l'abus
condamnable des , qui sont faites
non tant suivant l'esprit des lois qui selon les
idées personnelles du juge.
Tous les hommes
doivent connaître clairement les limites de leur
propre responsabilité, c'est pourqu.oi les lois doivent
être répandues de facon à ne pas laisser lieu
à l'incertitude ou à l'ignorance (chap.
IV-V).
Puisque le droit de punir ne va pas au delà de la
nécessité de protéger les citoyens des éléments
perturbateurs, il n'est pas juste de sévir contre
des accusés avant d'avoir acquis la certitude
de leur culpabilité.
C'est une coutume répré
hensible de soumettre les inculpés à des humi
liations, à des menaces et aux rigueurs de la.
prison
préventive (chap.
VI-VII).
Les jugements
devraient être publics, pour ne pas donner lieu
à des soupçons de tyrannie et d'injustice ; il
faut aussi abolir le déplorable système d'accu
sations secrètes qui encouragent les mauvais
instincts de trahison et de vengeance (chap.
VIII
IX).
L'auteur condamne ensuite nettement
l'usage de la torture, reste d'une barbarie
inhumaine qui, le plus souvent, est d'une utilité
tout à fait contestable en ce qui concerne
l'éclairciss ement de la vérité.
Les peines ne
doivent pas être cruelles : pour qu'une peine
fasse effet, il suffit que le mal qu'elle procure
dépasse le bien qui provient du crime : davan
tage est superflu, donc tyrannique.
Autre coutume
pénale nettement condamnée (chap.
XVI) :
la peine de mort ; en premier lieu parce qu'elle
est contraire à l'esprit du contrat social, et en
second lieu parce que, au point de vue de
l'intimidation, l'idée d'une peine prolongée
effraie plus que celle d'une peine intense mais
instantanée.
C'est pourquoi un esclavage perpétuel,
substitué· à la peine de mort, est bien plus apte
à dissuader les esprits de l'idée du crime.
La
peine ensuite doit être prompte (chap.
XIX),
à double fin d'ôter aux accusés le.
pénible état
d'incertitude sur leur propre sort et de bien
établir dans l'esprit des citoyens le lien de
conséquence existant entre la faute et le châti
ment.
Dans une bonne législation la grâce n'a
pas lieu d'exister, elle semble presque vouloir
réparer les torts possibles de la loi, et ainsi
elle en infirme d'une certaine facon l'autorité
(chap.
XX).
Les châtiments (chap.
XXI-XL)
doivent être toujours proportionnés aux crimes,
mais il vaut toujours mieux chercher à pré
venir les crimes (chap.
XLI) en faisant en
sorte que les lois soient claires, à la portée
de tous et respectées parce que craintes, en
instruisant le peuple afin que • les lumières
accompagnent la liberté », et en récompensant
la vertu.
En conclusion, la justice devrait
s' inspirer de ce théorème général : � Pour que
toute peine ne soit pas acte de violence d'un
ou de plusieurs co.p.tre un citoyen particulier.
elle doit être essentiellement- publique, rapide,
néc essaire, aussi bénigne que possible, étant
données les circonstances, proportionnée aux
crimes et dictée par les · lois �.
Ce traité eut
un extraordinaire succès, dû non pas à sa valeur
littéraire, mais à l'opportunité de la plus grande
partie des réformes souhaitées, dont un grand
nombre furent en effet, et avec succès, adoptées
dans les nouvelles législations pénales.
L'œuvre
suscita un commentaire de Diderot et de
Voltaire et fut connue et admirée d'hommes
comme d'Alembert, Buffon, Helvétius, Holbach,
Hume, Hegel.
T.F.
Dalihon, 1821..
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