De la servitude volontaire de Etienne de La Boétie (fiche de lecture)
Publié le 11/08/2012
Extrait du document
La Boétie détaille ensuite dans son oeuvre les différents moyens et les nombreuses ruses dont le tyran fait preuve pour maintenir le peuple dans la servitude. La première ruse consiste à utiliser les jeux et la dépravation pour détourner l’homme de l’indignation de sa situation. En effet, “les spectacles”, “les farces” et autres jeux et plaisirs divertissent le peuple et l’éloignent de toute ambition révolutionnaire. Ensuite, le tyran peut avoir recours à des festins pour satisfaire le peuple. Ce n’est qu’hypocrisie puisque ce n’est que restitué aux habitants une partie des biens que le tyran a pillé. Les banquets, la débauche, et tout cet excès de superflu, infantilisent l’homme et permettent de mieux le contenir dans son asservissement. Aussi, le tyran construit autour de son personnage une sorte de mystère. Il veut que le peuple le craigne et l’admire, lui voue un culte. Pour cela, il se mystifie, trompe le peuple pour mieux se placer au-dessus et dominer ce dernier. C’est ainsi que l’empereur romain Vespasien fit croire qu’il était à l’origine de miracles comme rendre la vue à des aveugles. Enfin, le tyran use d’un moyen efficace pour installer sa domination. Le tyran ne manque pas d’assouvir ses sujets par le moyen des autres. Il procède à une délégation de la maîtrise du
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Le système de la servitude est donc un système pyramidal au sommet duquel se trouve le tyran.Au final, nous explique La Boétie, le tyran est un être cruel et isolé, qui vit dans la crainte et se méfie de tous, puisque tous peuvent convoiter son pouvoir.
D'ailleurs,combien de tyrans n'ont pas déjà été tués par de proches ? De là, le tyran ne connaît pas l'amitié, “nom sacré” selon l'auteur, et les tyranneaux, ses vassaux ne sont passes amis mais simplement des complices, il n'y a pas d'amour entre eux.
La Boétie nous appelle donc à agir et à se libérer de la servitude, en nous signalant que lapunition des tyrans n'en sera que plus sévère après leur mort.
prolongement de l'oeuvre
Un siècle avant La Boétie, un humaniste chrétien, Erasme, avait critiqué les folies des gouvernants et avait reconnu comme légitime une conspiration contre les excèsdes princes.Pour revenir au texte de La Boétie, on peut noter que la multiplication des actes de vassalité, le jeu de sujétions multiples a aussi l'avantage de diluer la responsabilitédes actes les plus barbares.
L'expérience de Milgram vient confirmer cette affirmation.
Il y a deux personnes dans l'expérience, un moniteur et un élève.
Le véritablesujet de l'expérience est en réalité le moniteur.
On ordonne à celui-ci de sanctionner l'élève lorsqu'il commettra des erreurs avec des décharges électriques d'intensitécroissante.
L'élève n'est autre qu'un acteur qui ne reçoit pas réellement les décharges.
Même si chacun s'étonne au départ qu'un individu puisse donner des déchargesélectriques à un autre individu, aucun des participants n'a eu la réaction d'abandonner l'expérience et de partir.
D'ailleurs beaucoup ont administré des déchargesjusqu'au niveau le plus élevé.
Les participants, des gens ordinaires, n'ont finalement fait qu'obéir.Le risque avec la division du travail dans la société et la forme pyramidale du pouvoir, c'est que l'individu n'assume plus la responsabilité toute entière de ses actes.
Iln'est qu'un maillon d'une grande entreprise, soumis à des ordres supérieurs.Pour qu'un individu se sente responsable il faut qu'il ait dicté lui même son action.
Lorsque le peuple vit dans la servitude, il n'est plus maître de tous sescomportements.L'Histoire a justifié cette idée.
Le nazisme a conduit à une des plus grandes tragédies du 20ème siècles par ce mécanisme de soumission.
Les soldats nazis ont commisdes actes atroces car ils étaient déresponsabilisés.
Ils obéissaient à des ordres, se soumettaient à une autorité.Aussi, Hannah Arendt dans les origines du totalitarisme montre comment le totalitarisme a détruit toute individualité, toute spontanéité, toute liberté.
Les hommessont réduits ainsi à être des “marionnettes”, domptés et entièrement soumis.D'ailleurs, La Boétie a un constat pessimiste des rapports de domination dans la société.Ce qui n'est pas le cas pour Kant qui considère que les rapports dans la maîtrise et la servitude sont une nécessité.
Selon lui, les hommes sont tiraillés entre lanécessité de vivre en société et le désir d'affirmer la singularité de leurs besoins.
De ce fait, une autorité devient utile pour réguler les conflits d'intérêt inévitablesentre les hommes.
Ainsi, “L'homme est un animal qui, du moment où il vit parmi d'autres individus de son espèce a besoin d'un maître”.Cependant dans cette perspective, la dérive vers un pouvoir tyrannique est toujours possible et le risque de perte de liberté du peuple toujours envisageable.Albert Camus considère, lui, dans L'homme révolté, que la servitude même si volontaire peut être si intolérable qu'elle peut mener à la révolte.La révolte est ainsi souvent légitime.
Elle constitue d'ailleurs une liberté, illustrée par le droit de résistance à l'oppression inscrit dans la Déclaration des Droits del'Homme et du Citoyen de 1789.
L'oeuvre de La Boétie est toujours d'actualité et reste un très bel appel à la liberté.Il existe encore de nos jours des peuples vivant dans la servitude.Si certains pays comme l'Iran dans lequel le peuple a fait preuve de courage et a tenté de tenir tête dernièrement au pouvoir en place pour défendre ses libertés, despays comme la Corée du Nord, témoignent d'une soumission de la population à un pouvoir autoritaire, qui émane certainement de la coutume..
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