CRITIQUE DE LA FACULTÉ DE JUGER ou CRITIQUE DU JUGEMENT, Emmanuel Kant
Publié le 20/09/2018
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L’examen de la faculté de juger, venant compléter les dispositions architectoniques des deux premières Critiques (les Critique de la raison pure et Critique de la raison pratique), permettait d’établir un terrain intermédiaire, du moins posé en tant qu’« intermédiaire entre l’entendement et la raison», et sur lequel Kant fit intervenir un élément d’argumentation imprévu, celui du sentiment de plaisir ou de déplaisir dû à Yappréhension de la forme d’un objet d’intuition (Intr., VII). Car, de même que le sentiment de plaisir se place entre la faculté de connaître et la faculté de désirer, le jugement peut être considéré comme le moyen terme entre l’entendement et la raison, et par conséquent, ainsi que l’explique Kant, «il ménagera un passage de la pure faculté de connaître, c’est-à-dire du domaine des concepts naturels, au domaine du concept de liberté, aussi bien qu’il rend possible dans l’usage logique, le passage de l’entendement à la raison».
L’appréhension de la forme d’un objet d’intuition instaure un jugement d’après des règles et non d’après des concepts: on y retrouve ainsi la faculté particulière du jugement esthétique, laissant jouer les facultés de connaître non plus comme elles jouaient dans la première Critique, au service exclusif de la science systématique, mais au bénéfice d’une finalité reconnaissable maintenant par l’effet de la réflexion. Il s’agit, autrement dit, d’un jugement réfléchissant, qui se fait «conformément au concept de nature dans le sujet » (Intr., VII). Sur la base de quoi, avec le jugement réfléchissant en général, qui est le jugement téléologique (Intr., VIII), Kant a introduit un type de jugement ayant pour caractéristique de chercher le général alors que seul le particulier lui est donné, et donc ne pouvant prescrire un principe à la nature, comme le fait le jugement déterminant qui subsume le particulier à partir du général. Le jugement téléologique vise certains objets de la nature suivant les principes particuliers qui sont du ressort d’un jugement réfléchissant : c’est-à-dire un jugement dépourvu de l’effet de déterminer des objets.
«
CRITI UE DE
D JUGER
Emmanuel KANT
Celte troisième Critique (traduction d'Alexis Philonenko, Vrin, 1974) est en réalité
à sa place entre celle de la raison pure qui examine notre faculté de connaître et celle de
la raison pratique qui concerne notre faculté de désirer et de vouloir.
Donc entre la nature
que
/'entendement détermine et la liberté que la raison gouverne.
Dans cet intervalle
s'exerce la faculté de juger selon le sentiment de plaisir qui anime la recherche d'un
accord
entre l'imagination et!' entendement.
Le rôle du sentiment fait que cette critique
introduit au cœur de
la philosophie une nouvelle discipline, l'esthétique, ainsi nommée
par
le philosophe allemand Baumgarten, mais à laquelle travaillaient en même temps les
philosophes anglais.
Le texte comprend deux parties dont l'une traite
du jugement esthétique et l'autre
du jugement téléologique, c'est-à-dire d'une part de l'art et de l'autre de la nature.
Pourquoi cette conjonction
? La réponse n'est pas évidente.
Dans le cas de l'art, on va
juger en se demandant ce
quel' artiste a cherché àfaire sans le savoir lui-même très clai
rement; dans le second cas, on se demande si
la nature, elle aussi, n'a pas cherché
quelque chose à faire, sans que nous arrivions vraiment à savoir quoi.
Par conséquent,
dans les deux cas, on s'intéresse surtout à une notion que les deux autres critiques
évitaient de mettre en
avant: la finalité.
246
1.
SUBLIME
A.
Le goût
t On peut appeler goût la faculté de juger le beau.
Cependant, dans la connaissance,
juger c'est, par exemple, déterminer un sujet particulier par
un attribut universel
(«Socrate est un homme»); cela suppose que le sujet et le concept qu'on lui attribue
soient tous les deux donnés.
Ainsi le
jugement est déterminant.
t Le beau n'est pas affaire de connaissance mais de sentiment: il ne s'agit pas de rap
porter par l'entendement une représentation à
un objet, mais de la rapporter par l'ima
gination au sujet.
Autrement dit,
le jugement porté n'est pas objectif et logique, mais
subjectif et esthétique : c'est
un jugement de goût qui dit comment le sujet est affecté,
s'il ressent du plaisir
ou de la peine.
t Par conséquent, si l'objet que l'on juge beau est bien donné, l'universel (le beau),
lui, ne l'est pas.
S'en tenir là, ce serait abandonner l'appréciation esthétique aux goûts
de chacun, faire
du beau un mot commun et non plus un universel et confondre le goût
avec
le phénomène vulgaire de valorisation: n'importe qui peut dire de n'importe quoi
qu'il trouve que cela est beau.
t Pour éviter un tel échec de la recherche philosophique, on peut considérer que le
jugement esthétique n'est pas déterminant, mais réfléchissant, c'est-à-dire que la
faculté de juger a à trouver elle-même l'universel auquel elle se référera..
»
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