CORINNE ou l'Italie de Mme de Staël (analyse détaillée)
Publié le 23/10/2018
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CORINNE ou l'Italie. Roman de Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein, dite Mme de Staël (17661817), publié à Paris chez Nicolle en 1807.
L'ouvrage, divisé en vingt livres, se présente comme roman de destinées individuelles et récit de voyage à travers l'Italie : « Oswald » (I), « Corinne » (III), « Histoire de Corinne » (XIV), « Corinne en Ecosse » (XVII), « le Retour d'Oswald en Italie » (XIX), « Rome » (IV), « les Tombeaux, les églises et les palais » (V), « De la littérature italienne » (VII). « le Vésuve et la campagne de Naples » (XIII), etc.
Oswald, lord Nelvil, mélancolique pair d’Ecosse, se rend en Italie durant l'hiver 17941795 et tombe amoureux de la belle Corinne, « la femme la plus célèbre de l'Italie, poète, écrivain, improvisatrice », courtisée par le Français d'Erfeuil et le prince Castel-Forte. Elle s'était jusque-là préservée de l'amour, comme elle défend le mystère de son origine et se dérobe aux offres de mariage d’Oswald. Mais la confession d’Oswald (XII), qui fut le jouet d’une Française libertine, Mme d’Arbigny, appelle la sienne (XIV) : fille d’une Romaine et d’un lord anglais, élevée jusqu’à quinze ans en Italie, elle est la demi-sœur de Lucile Edgermond, qu’Oswald devrait épouser. De son expérience anglaise, elle garde l’horreur du sort réservé là-bas aux femmes, confinées dans l’ordre domestique, et a choisi la liberté créatrice contre l’amour et le mariage. Son vœu serait de vivre avec Oswald en union libre. Mais le devoir militaire et la rumeur de leur liaison rappellent Oswald en Angleterre (XVI), où son mirage italien se refroidit au contact des réalités anglaises et de Lucile. Revenue secrètement en Écosse, Corinne décide de se sacrifier en silence pour Lucile, amoureuse de lord Nelvil (XVII), et va se cloîtrer à Florence, où sa santé se consume. De son côté, Oswald, marié avec Lucile, découvre la vérité « avec un sentiment de douleur et de remords qui lui rendait la vie insupportable » (XIX) et part quatre ans à la guerre, tandis que la jalousie tourmente son épouse et glace leurs rapports. De retour en Italie, il découvre « l’inconcevable changement de la figure de Corinne », qui meurt, cinq ans après leur rencontre, en tentant de transmettre ses dons à Juliette, la fille d’Oswald et Lucile.
«
de mariage d'Oswald.
Mais la confession
d'Oswald (Xli), qui fut le jouet d'une Française libertine, Mme d'Arbigny, appelle la sienne (XIV) : fille d'une Romaine et d'un lord anglais, élevée
jusqu'à quinze ans en Italie, elle est la demi-sœur
de Lucile Edgermond, qu'Oswald devrait épou
ser.
De son expérience anglaise, elle garde l'hor
reur du sort réservé là-bas aux femmes, confi nées dans l'ordre domestique, et a choisi la liberté créatrice contre l'amour et le mariage.
Son vœu serait de vivre avec Oswald en union libre.
Mais le devoir militaire et la rumeur de leur liai son rappellent 05Wald en Angleterre (XVI), où son mirage italien se refroidit au contact des réa
lités anglaises et de Lucile.
Revenue secrètement en Écosse, Corinne décide de se sacrifier en silence pour Lucile, amoureuse de lord Nelvil (XVII), et va se cloîtrer à Florence, où sa santé se consume.
De son ·côté, Oswald, marié avec Lucile, découvre la vérité « avec un sentiment de
douleur et de remords qui lui rendait la vie insup
portable » (XIX) et part quatre ans à la guerre,
tandis que la jalousie tourmente son épouse et glace leurs rapports.
De retour en Italie, il décou
vre « l'inconcevable changement de la figure de Corinne», qui meurt, cinq ans après leur ren
contre, en tentant de transmettre ses dons à Juliette, la fille d'Oswald et Lucile.
Corinne est d'évidence un roman
philosophique, ce qui ne veut pas dire
un roman à thèse.
On y discute lon
guement de questions esthétiques et
politiques, des mœurs italiennes,
anglaises
et françaises, d'Histoire et de
sentiments.
Seuls les enfants frileux de
la *Princesse de Clèves en frissonneront.
Non seulement parce que Mme de
Staël s'avance ainsi sur la voie royale
du grand roman européen, après Pré
vost et Rousseau, mais aussi parce que
ces discussions
sont passionnantes, et
engagent le sens même de la fiction.
Celle-ci organise
en effet une confron
tation de l'Italie, de l'Angleterre et, à
un bien moindre degré, de la France,
à travers trois personnages masculins :
Castel-Forte,
Oswald et d'Erfeuil, et
trois héroïnes : Corinne, Lucile et
Mme d'Arbigny.
Ce double trio illustre
à la fois les rapports entre les nations
et entre les sexes, gouvernés par une
notion capitale dans le roman : l'opi
nion.
Oswald intériorise la toute-puissance
de
l'opinion dans la société anglaise,
support .
et contrepartie de la liberté
politique, liberté
qui implique une
stricte clôture des femmes, l'appauvris
sement systématique de leurs capaci
tés.
Il ne voit dans la femme italienne
qu'un désir immoral de liberté anarchi
que.
Corinne le fascine, tout en heur
tant ses convictions intimes.
Son
mariage avec Lucile le ramène au giron
des
mœurs nationales, dans sa morale
native, mais creuse
en lui un manque
qui le détruit, à défaut de le tuer.
Tel
est le prix de la grandeur anglaise,
qui
exige le sacrifice des femmes et la muti
lation des désirs dans l'uniformisation
rigoureuse des conduites réglées
par la
division des sexes.
Il y a
donc antino
mie, en Angleterre, entre le principe
républicain
et les aspirations fémini
nes, incarnées par Corinne.
En Italie,
au contraire, l'atrophie de
l'État, l'absence de capitale, l'impossi
ble homogénéisation
du corps social
par
une opinion cohérente ou un pro
jet historique, permettent une relative
liberté des femmes mais
privent les
hommes de toute énergie morale, de
toute vertu virile.
Tandis que la France,
en s'abandonnant au libertinage et aux
séductions superficielles de la monda
nité, fait des femmes des reines stériles
de
la pantomime sociale, l'Italie leur
offre
non seulement l'exutoire de l'art,
mais encore l'égalité des sexes,
qui s'y
réalise, sur un plan individuel, dans la
création
et la passion.
Le génie poéti
que de Corinne ne prend sens que
dans ce cadre.
Quelle que soit
donc la figure dessi
née par ces trois structures sociales, les
personnes
s'y trouvent nécessairement
déchirées, mutilées
même ; acculées
à l'inexistence (d'Erfeuil), à l'auto
destruction mélancolique (Oswald),.
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