CORINNE ou l'Italie de Mme de Staël
Publié le 21/02/2019
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CORINNE ou l'Italie, roman de Mme de Staël (1807). Âgée de 41 ans, célèbre et brillante, la dame de Goppet voit au moment de la publication de Corinne ses qualités se retourner contre elle, profondément déçue qu'elle est par les événements politiques, le mariage, l'amour, la société et le sort qu'elle réserve aux femmes. Aussi ce roman est-il un ardent plaidoyer en leur faveur ; il s'agit ici du droit au génie, au libre exercice de tous les talents par une femme. L'intrigue noue exemplairement les destinées d'un homme et de deux femmes, demi-soeurs de surcroît lord Oswald Nelvil, digne» d'être aimé mais soumis aux volontés d'un défunt père, fera son malheur, celui de Corinne, qu il a aimée et continuera à aimer, et celui de Lucile, qu'il épouse ; la timide Lucile, élevée pour se vouer à son foyer, trouvera dans le mariage un homme qui en aime une autre et une petite fille qui ressemble à l'autre : un malheur sans échappatoire ; Corinne enfin, qui pour être libre a dû renoncer à son nom et à sa patrie anglaise et a choisi l'Italie, terre des arts, où elle est fêtée et couronnée ; mais son amour pour Oswald lui fera perdre son indépendance avant de l'anéantir et de la tuer. Opposition de deux types de femmes — la libre et la soumise —, mais toutes deux victimes, l'une pour s'être pliée aux préjugés, l'autre pour avoir voulu vivre malgré eux. Opposition aussi de deux pays chargés de valeurs symboliques, l'Angleterre (la tradition, le brouillard, la tristesse, les passions concentrées mais étouffées, l'armée enfin : un pays « masculin ») et l'Italie (les arts, le soleil, la gaieté, les passions ardentes et spontanées, la beauté : un pays « féminin »). Cette géographie symbolique s'enrichit d'une perception également symbolique des éléments — le feu et l'eau, Naples et Venise — ainsi que des chefs-d'œuvre de l'art italien. Corinne jouit à sa parution d'un succès considérable pour sombrer bientôt dans l'oubli. Conséquence des faiblesses du roman, tant pour la vraisemblance de l'intrigue (tout amoureuse et fibre qu'elle est, Corinne ne deviendra pas la maîtresse d'Oswald) que pour le style (caractère mélodramatique de nombreux passages). Mais l'héroïne, à travers laquelle s'est peinte Mme de Staël, est le prototype de ces personnages « supérieurs » qui éprouvent de « la difficulté à rencontrer l'objet dont ils se sont fait une image idéale », et dont le romantisme usera et abusera.
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- M.-J. de Chénier écrit dans son Tableau historique de la Littérature française, ch. vi, p. 236, 2e édition : « Il y a beaucoup de mérite dans le roman de Delphine. A notre avis, toutefois, Corinne a moins de défauts, plus de beautés, et des beautés d'un plus grand ordre. » Montrer le « progrès » du roman chez Mme de Staël, de Delphine à Corinne.