CONTINUATIONS (du Perceval de Chrétien de Troyes)
Publié le 22/11/2018
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La première Continuation : Gauvain, l'exclu du Graal
Trois versions de ce texte retracent les innombrables péripéties de la quête de la lance qui saigne. Gauvain récupère une corne d’ivoire magique, est magnifiquement reçu par un hôte blessé dans son château, où il assiste à un cortège semblable à celui qu’avait vu Perce-val : mais cette fois apparaît une bière avec le corps d’un chevalier et des fragments d’épée que le héros échoue à ressouder. Il se réveille dans un marais. Après bien des aventures (chevalier blessé par un javelot lancé d’une main invisible; chapelle dans la tempête dont une main brise le vitrail), il revient au château du Graal, assiste à un repas où le vase distribue nourriture et boisson : la lance est là, la goutte de sang est devenue hémorragie, canalisée par un système hydraulique. Mais l’échec de Gauvain se répète; pendant les révélations sur la lance de Longin et sur l’épée qui a frappé le coup douloureux responsable des enchantements du royaume de Logres, Gauvain s’endort. Il se retrouve sur une falaise... Autour de cette trame prolifèrent les épisodes secondaires (Guir-omelant, Brun de Branlant, Carados, Guerrehès). Le Graal est ici, nettement, un vase d’abondance; la lance est reliée à la Passion.
CONTINUATIONS (du Perceval de Chrétien de Troyes). Le texte du Conte du Graal s’interrompt au milieu des aventures de Gauvain au château de la Roche Sanguin (v. 9234). Bien des questions restent sans réponse (lance, cortège du Graal, sort de Perceval...). Aussi, dès la fin du xiie siècle, s’efforce-t-on de donner des suites. La première, Continuation Gauvain (souvent désignée comme pseudo-Wauchier), termine l'histoire de ce personnage. Une Continuation Perceval (Wauchier) achève les aventures du héros, mais s’interrompt à un point crucial. Manes-
sier les conduit à bonne fin. Entre la deuxième suite et celle de Manessier, une interpolation de 17 000 vers, due à Gerbert de Montreuil, offre une version parallèle mais incomplète de cette fin. Les continuateurs travaillent à la cour des comtes de Flandre et semblent influencés par une tradition cléricale : tradition locale de Bruges, où Thierry, père de Philippe d’Alsace, avait apporté la fiole du Saint-Sang; tradition de l’abbaye de Glastonbury sur la transmission du Graal par Joseph et la lance de Longin. Leur œuvre va d’avant 1200 à 1225 — et même plus tard pour Gerbert.
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La
première Continuation :
Gauvain, l'exclu du Graal
Trois versions de ce texte retracent les innombrables
péripéties de la quête de la lance qui saigne.
Gauvain
récupère une come d'ivoire magique, est magnifique
ment reçu par un hôte blessé dans son château, où il
assiste à un cortège semblable à celui qu'avait vu Perce
val : mais cette fois apparaî't une bière avec le corps d'un
chevalier et des fragments d'épée que le héros échoue à
ressouder.
Il se réveille dans un marais.
Après bien des
aventures (chevalier blessé par un javelot lancé d'une
main invisible; chapelle dans la tempête dont une main
brise le vitrail), il revient au château du Graal, assiste à
un repas où le vase distribue nourriture et boisson : la
lance est là, la goutte de sang est devenue hémorragie,
canalisée par un système hydraulique.
Mais l'échec de
Gauvain se répète; pendant les révélations sur la lance
de Lon gin et sur l'épée qui a frappé le coup douloureux
responsable des enchantements du royaume de Logres,
Gauvain s'endort.
Il se retrouve sur une falaise ...
Autour
de cette trame prolifèrent les épisodes secondaires (Guir
omelant, Brun de Branlant, Carados, Guerrehès).
Le
Graal est ici, nettement, un vase d'abondance; la lance
est reliée à la Passion.
Mais ces quelques élucidations
sont peu de chose devant J'accumulation des passages
étranges et merveilleux : Gauvain voit ses forces décliner
avec le soleil; le cor d'ivoire protège contre faim et
soif: la sœur d' Alardin vit dans une tente gardée par
des automates.
Carados est le protagoniste de péripéties
fantasmagoriques: jeu du décapité, histoire d'Ysavé (le
fils de cette nièce d'Arthur punit sa mère -l'enchanteur
Rlïavres avait abusé d'elle lors de sa nuit de noces tandis
que son mari s'unissait à des animaux -mais celle-ci a
réussi à attacher à son bras un serpent qui doit le faire
mourir en deux ans; une épreuve extraordinaire le déli
vre : il est plongé dans une cuve de vinaigre à côté d'une
cuve de lait dans laquelle la sœur de Carados exhibe ses
seins, attire l'animal, mais perd un sein par le même
coup qui tue le serpent).
Le merveilleux, hypertrophié,
bascule dans le cauchemar et l'obsession; le macabre
domine ce texte.
La deuxième Continuation :
vers une cc senefiance ,, unifiée
Perce val réussit une série d'aventures (cor féerique,
échiquier magique, cerf blanc) et arrive au château des
Pucelles, où apparaît une clarté surnaturelle.
Le héros,
qui s'est endormi, apprend que le Roi Pêcheur est venu
avec le Graal, où se trouve le sang du Christ.
De nouvel
les péripéties (pont de verre, amours de la dame du châ
teau des échecs) le conduisent à une nef, qui le transporte
chez le roi.
Perceval dépend le chevalier pendu par Kei,
visite la chapelle à la main noire, assiste à son tour au
cortège.
Il ressoude l'épée, réfléchit aux questions à
poser.
�e récit s'arrête là.
Nous retrouvons ici bien des éléments de Chrétien et,
toujours, cette accumulation du merveilleux, mais mieux
organisée autour de la quête du protagoniste, ordonnée
en épreuves et rencontres; comme J'épée, le texte attend
la soudure.
L'achèvement des aventures
et des enchantements
A la fin du repas, dans la suite de Manessier, le cor
tège passe à nouveau.
Perceval reçoit enfin les explica
tions du roi sur la lance et le Saint- Vesse!, sur leur
transmission par Joseph et son neveu Joséphé, qui a bâti
ce château.
La porteuse du Graal est la fille du Roi
Pêcheur; l'épée est l'arme du coup douloureux qui a ·--- ··-- - - ---------
frappé Goon du Désert dont la guérison ne sera obtenue
que par la mort de Partinal.
Quant à la chapelle, elle a
été souillée du meurtre d'une reine décapitée par son
propre fils.
Perceval accomplit ces hauts faits : il combat
le diable de la chapelle, rapporte au roi la tête de Partinal
et le guérit.
Après un nouveau festin où apparaissent
lance et Graal, Perceval est désigné comme son succes
seur, règne pendant sept ans et finit par se retirer dans
un ermitage en emportant le Graal.
Les péripéties de
cette troisième partie sont toutes des conclusions d'aven
tures entamées; les enchantements, œuvres du démon,
disparaissent en même temps qu'est révé1ée la vérité des
mystères.
Perceval est allé chez Trébuchet, forgeron de
l'autre monde, qui ressoude définitivement l'épée et
meurt : les fragments du texte et de la réalité se sont
rejoints; il ne reste plus que le silence de l'ermitage.
Il
n'y a plus rien à dire, sauf à reprendre dans leur totalité
les aventures de Logres et à leur donner une nouvelle
orientation, comme le feront les auteurs du Perlesvaus
et du Lancelot-Graal.
Tardivement (1226-1230), Gerbert
offre une version différente de cette fin, multipliant les
épreuves pour un Perceval encore indigne d'entendre les
secrets du Graal: vaine tentative d'entrer au paradis;
mariage avec Blanchefleur; délivrance de Garnement;
visite au Roi Ermite, qui raconte ses visions du Graal
porté par les anges; libération du château de Mon
tesclaire; découverte, dans une aJ:>baye, d'un roi cou
ronné d'or mais couvert de plaies, Evalac, qui a combattu
pour Joseph, mais a été puni pour avoir voulu s'associer
trop tôt à la table du Graal.
Gerbert ne peut achever sa
contribution, où l'on sent l'influence des textes de
Robert de Boron et du Lancelot-Graal.
La boucle est bouclée, les énigmes de Chrétien sont
résolues, mais entre-temps ont été composées les som
mes qui avaient proposé leur solution, élaborée en une
impressionnante fresque qui s'étend de la Passion à la
disparition du royaume arthurien.
Les Continuations
relèvent d'une écriture originale, où l'aventure trouve
son sens dans une autre aventure antérieure, procédé qui
multiplie à l'infini les péripéties et les personnages et
s'oppose ainsi aux tentatives contemporaines de« réduc
tion» allégorique ( Perlesvaus, Queste) qui ramènent la
prolifération des événements à un sens transcendant,
hors du temps, la « senefiance >>; la prose, avec ses entre
lacements, met en forme le désordre de l'aventure, tandis
que les ermites guident les héros (et les lecteurs) à tra
vers les méandres du récit, rappelant constamment les
signes du projet divin (la « senefiance >>).
[Voir aussi
CHRÉTIEN DE TROYES, LANCELOT (cycle de), PERLESVAUS,
QUESTE DEL SAINT GRAAL].
BIBLIOGRAPHIE Éd.
de l'ensemble, E.
Pot vin.
1866-1871 (1re, 2•, 3• Cominua
tion); éd.
W.
Roach.
1"' et 2• Cominuation, Philadelphie, 1949-
1952; éd.
M.
Williams.
Continuation de Gerbert, C.F.M.A ..
1922-1925: traduction par S.
Hannedouche des 2< et 3• Continua
tions, Paris, 1978.
A consulter : J.
Marx, N ouve lles Recherches
su r la littérature arthurienne, Paris.
Klincksieck, 1965; D.
Poi
rion.
le Merveilleux dans la liuérature française du Moyen Age,
P.U.F ..
Que sais-je?.
1982..
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