Contes et nouvelles en vers, La Fontaine
Publié le 08/01/2019
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Contes et nouvelles en vers
La Fontaine collabore à la traduction de la Cité de Dieu de saint Augustin et à un recueil de poésies chrétiennes. Il compose le poème de la Captivité de saint Male. Dans le même temps, il écrit et publie, en plusieurs «livraisons» (1664-1685), ses Contes et nouvelles en vers, dont la quatrième partie, jugée trop licencieuse, sera interdite à la vente (1674) [pour l’histoire de l’édition, voir la chronologie].
En écrivant ces contes, La Fontaine a cherché tout à la fois à relever un défi et à profiter d’une mode.
La mode est celle du retour au passé littéraire français : goût des vieux auteurs, goût du vieux langage cher à Voiture, et qui, entre le mot et la chose, introduit l’épaisseur de l’histoire.

«
Le
défi, c'est celui de conter pour conter, de faire
entrer le lecteur dans un jeu où l'évocation licencieuse
sera si habilement déguisée qu'elle suscitera moins une
émotion sensuelle qu'une admiration esthétique pour
l'art du conteur.
Détournés du contenu, les yeux ne doi
vent que s'émerveiller de la forme, de cet art consommé
de l'effeuillage littéraire:
Contons, mais contons bien : c'est le poin t principal.
C'est tout.
(les Oies de frère Philipp e, Ill, 1)
Relevant ce défi et profitant de cette mode, La Fon
taine se heurte à une double difficulté : l'une posée par
le style, l'autre par la matière des contes.
En effet, le retour au vieux langage s'accommode mal
d'une versification libérée.
Le décasyllabe marotique à
rimes plates est plus séant.
Pourtant la conduite du récit
exige des effets que seule la souplesse du vers peut don
ner.
Le poète, dès l'origine, pressent cette contradiction.
Lorsqu'il présente ses deux premiers contes à titre d'es
sai, il émet le vœu que le public se fasse l'arbitre du
débat: la versification de «Joconde» est libre, en vers
irréguliers, comme celle des Fables.
Au contraire, le
décasyllabe, les tours marotiques et les mots du vieux
langage règnent chez « le Cocu battu et content ».
Le
public toutefois se refuse à choisir.
La Fontaine se garde
bien de trancher lui-même, et il utilisera, jusqu'au der
nier conte, les deux procédés.
Dans un cas, la souplesse
du vers autorise toutes les facéties du conteur; dans l'au
tre, le recul historique l'assure de l'impunité.
Il y a bien du danger, cependant, à s'engager dans la
voie de la virtuosité formelle.
Celle-ci exige pour se
surpasser que le sujet choisi soit sans cesse plus sca
breux.
Or, les situations grivoises sont en nombre fini.
Aussi La Fontaine doit-il, pour rendre toujours plus écla
tante sa prouesse de conteur, creuser l'écart entre la
situation licencieuse et les personnages qu'il y confronte.
Si, dès les premiers recueils, les filles troussées, les
maris cocus et les femmes infidèles sont légion, la qua
trième partie ne met plus guère en scène que des nonnes
( « le Psautier », « les Lu nenes >> ), des abbesses ( « 1' Ab
besse »), des confesseurs ( « le Cas de conscience >> ), ou
des révérends pères ...
fort irrévérencieux («Comment
l'esprit vient aux filles »).
L'arrêt du lieutenant de police
sanctionnera comme il se doit cette «prouesse»
1 i ttéraire.
Cependant, bien qu'il les ait reniés, La Fontaine s'est
trop impliqu> (J.C.
Lapp) : en un
mot, le trompe-l'œil du naturel, l'absence affectée d'af
fectation.
Le langage ici tient à distance ce que l'aven
ture évoque à nos sens, et, par un délicieux paradoxe, la
chair s'est faite verbe ...
[Voir aussi CONTE].
BIBLIOGRAPHIE John C.
La pp.
The Esthetics of« Negligence ».
La Fontaine 's
Contes, New York, Fall, 1964..
»
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