Contes et Nouvelles en vers de Jean de La Fontaine (analyse détaillée)
Publié le 23/10/2018
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Contes et Nouvelles en vers.
Ensemble de textes de Jean de La Fontaine (1621-1695), publiés dans plusieurs recueils successifs à Paris chez Claude Barbin de 1665 à 1674. La première édition illustrée par Romain de Hooge est sortie des presses de Henry Desbordes à Amsterdam en 1685.
La première partie des Contes a été publiée en 1665, mais l'auteur avait déjà fait paraître en 1664 deux Nouvelles en vers tirées de Boccace et de l'Arioste ; « Joconde » et « le Cocu battu et content ». Ces deux textes sont repris, en 1665, dans la première partie qui regroupe treize contes, dont « Richard Minutolo », le « Conte d'une chose arrivée à Château-Thierry », un fragment des « Amours de Mars et de Vénus » et « Ballade ». La deuxième partie est publiée dès 1666, avec une Préface qui complète celle de 1665, offrant ainsi une véritable poétique du genre, et treize contes, auxquels s'ajouteront ensuite « les Frères de Catalogne », « l'Ermite » et « Mazet de Lamporechio ». La troisième partie. datée de 1671, apporte quinze nouveaux contes : on y trouve l’étrange « Clymène », composée sans doute dix ans plus tôt Les Nouveaux Contes, parus en 1674, sous une fausse adresse («Gaspar Migeon, Mons»), provoquèrent un véritable scandale, et suscitèrent notamment la vindicte de Furetiène contre La Fontaine : c'est le dernier recueil de Contes à proprement parler (dix-sept pièces, dont « Comment l'esprit vient aux filles », « Pâté d'anguille », « les Lunettes » et « le Roi Candaule et le Maître en droit »). D'autres Contes verront le jour, dans le recueil de 1682 dans les Ouvrages de prose et de poésie de Maucroix et de La Fontaine ( 1685), et dans le douzième livre des Fables ( 1694).
Dans la double carrière poétique que mena La Fontaine, la part des Contes est loin d’être négligeable. Antérieurs à la publication des Fables (1668), les deux premiers recueils lui ont assuré une notoriété certaine : c'est un poète mondain à succès dont la veine se
confirme, et son attention continue à cette partie de son œuvre est la marque d'un véritable souci littéraire. La modernité du poète s'y affirme avec aisance et sûreté : Boileau ne souligna-t-il pas la valeur de son art dans sa fameuse Dissertation sur Joconde, où il défendait la bonne imitation que La Fontaine faisait de l'Arioste ? Dans cette entreprise La Fontaine montre en effet que sa formation profondément humaniste n'a jamais masqué son goût pour les modernes ; le défenseur de Marot et de Voiture, le poète de la « pension poétique » de Fouquet à Vaux trouvait chez ses modèles italiens le champ idéal d'une saine émulation. Et même après le succès des Fables, il ne quittera pas ce versant de son inspiration ; il est même frappant de constater qu'au moment où il participe à la publication des Poésies chrétiennes et diverses (1670), il a la troisième partie des Contes en chantier, et elle paraît l'année suivante. De même, les Nouveaux Contes suivent d'un an le Poème de la captivité de saint Malc, dont on a dit qu'il lui aurait été imposé par ses amis de Port-Royal ! C'est donc bien une part importante et suivie de son œuvre qu'il faut prendre en compte en étudiant les Contes.
Ils représentent tout d'abord un remarquable laboratoire pour le poète, qui s'y exerce à la narration en vers, à l'aide des précieux canevas que lui fournissent les épisodes du Roland furieux de l'Arioste («Joconde»), du Décaméron de Boccace (« Richard Minutolo »), quand il ne puise pas tout simplement dans les Cent Nouvelles nouvelles, ouvrage anonyme du xv* siècle. L'Avertissement de 1664 met d'ailleurs l'accent sur cet aspect expérimental de son travail : « L'auteur a voulu éprouver lequel caractère est le plus propre pour rimer des contes. Il a cru que les vers irréguliers ayant un air qui tient beaucoup de la prose, cette
«
manière pourrait sembler la plus natu
relle, et par conséquent la meilleure.
D'autre part aussi le vieux langage,
pour les choses de cette nature, a des
grâces
que celui de notre siècle n'a
pas.
[ ...
] L'auteur a donc tenté ces deux
voies sans être encore certain laquelle
est la bonne.>>
Les suffrages qu'il attendait du
public lui seront accordés, comme en
témoignent les réflexions de la Préface
de 1665, où La Fontaine insiste sur la
nécessité
de se conformer au goût de
son siècle.
Il y défend aussi la morale
de ses contes, affirmant
qu'on ne sau
rait le condamner, à moins «que l'on
ne condamne aussi l'Arioste devant
[lui], et les Anciens devant l'Arioste».
La bienséance est définie avec une pré
cision toute cicéronienne, et à ce titre
les contes
n'en manquent pas.
Il réfute
enfin
en quelques mots l'objection de
misogynie
qu'on lui adressait.
La
teneur du dialogue instauré avec son
public prouve à quel point La Fontaine
était à l'écoute de celui-ci,
et dans quel
esprit de défi amusé
il envisageait cette
entreprise littéraire.
La Préface de 1666
complète la réflexion,
tout en laissant
entendre que le cycle des Contes
s'achève(« Voici les derniers ouvrages
de cette nature
qui partiront des mains
de l'auteur>>).
Il y propose surtout une
remarquable défense de son esthétique
de la négligence,
qui cherche la grâce
en refusant ce qu'ont d'excessif les
beautés régulières ;
il confirme ainsi les
leçons
d'Adonis et annonce celles des
Amours de Psyché (1669): «Car, comme
l'on sait, le secret de plaire ne consiste
pas toujours
en l'ajustement; ni même
en la régularité : il faut du piquant et
de l'agréable, si l'on veut toucher.
Combien voyons-nous de ces beautés
régulières
qui ne touchent point, et
dont personne n'est amoureux?»
Cette esthétique a sa source dans les
«modernes>> dont il se réclama, Marot,
et surtout Voiture, qui est considéré comme
le« garant>> de
ce genre d'écri
ture.
La valeur de cet aveu, qui précède
une défense de sa manière d'imiter, où
l'on retrouve invoqué Térence (déjà
présent dans
l'« Avertissement» de
1664), est de montrer que s'il se
réclame des Anciens
pour sa méthode
et son idée d'imitation, il veut le faire
dans le cadre de thèmes
et de formes
propres à son temps : comme
ille sug
gérera dans l'« Épître à Huet », La Fon
taine est bien un « Ancien » dont les
modèles
sont des modernes.
Le conte
intitulé
> qui ferme le pre
mier recueil confirme ce point ; La Fon
taine y dresse un véritable catalogue de
la bibliothèque idéale des romans,
affirmant comme
un leitmotiv : « Car
pour vous découvrir le fond de ma
pensée, 1 Je me plais aux livres
d'amour.»
Les romans grecs, l'Arioste, les
romans héroïques,
et bien sûr l'*Astrée
sont loués au plus haut point, ce qui
dénote une part essentielle de l'inspira
tion lafontainienne : l'amour, dont il
parle constamment, et dont les Fables
conserveront plus d'une trace.
Les
Contes sont sans doute le versant sen
suel et gaulois de cette inspiration,
mais ils
ne la trahissent pas ; « les
Amours de Mars
et de Vénus >> et
l'« Imitation d'un livre intitulé "les
Arrêts d'Amour" » qui précèdent juste
ce conte confirment d'ailleurs l'impor
tance de Cythère dans l'imaginaire de
La Fontaine : son Parnasse est plutôt
du côté de Vénus que de celui d'Apol
lon, comme le confirmeront les
Amours
de Psyché.
C'est d'ailleurs à cette
conviction profonde
que l'on pourrait
rattacher l'esthétique
de la négligence
et de la grâce tant vantée par le poète
(la grâce n'est-elle pas le trait
dominant
de Vénus dans Adonis?).
La variété des Contes vient à la fois
des sources multiples auxquelles puise
La Fontaine et de la plasticité formelle
de ses poèmes.
Le poète encourage le.
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