COMPTES DU MONDE ADVENTUREUX (les) : Fiche de lecture
Publié le 22/11/2018
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COMPTES DU MONDE ADVENTUREUX (les) [1555]. Les Comptes du monde adventureux, par A.D.S.D., restent, dans leur anonymat, une plaisante énigme pour les chercheurs; mais, quel qu’en soit l’auteur (et c’est peut-être Antoine de Saint-Denis, curé de Champfleur, dans le diocèse d’Alençon), il appartient à l’entourage de Marguerite de Navarre, dont il fut, selon Brantôme, valet de chambre, comme Bonaventure Des Périers. Clerc, il est très logiquement aussi anticlérical que l’entourage de la reine, sans pour autant être réformé. Il a voyagé à Rome, raille volontiers les Italiens, mais leur doit la plus grande partie de son inspiration.
Tout le rapproche des Joyeux Devis de Des Périers et de l'Heptaméron de Marguerite; il est le produit de cette
«
même
société conteuse, qui se plaît tout à la fois à rire et
à moraliser, à dénoncer les abus pour se montrer aussitôt
indulgente sur les mêmes sujets.
Littérature adressée
avant tout aux « sages et vertueuses dames de France »
qui ne dédaignent pas de s'amuser.
Le titre, qui laisse planer une sorte de mystère sur ce
« monde» un peu moralisé et les «aventures » dont il
serait le théâtre, dans une manière romanesque, nous
indique assez qu'il ne s'agit pas de récits réels: de fait, la
plus grande partie en est adaptée ou traduite de recueils
antérieurs, comme le signalent d'ailleurs plusieurs édi
tions (une trentaine des cinquante-quatre nouvelles
s'inspirent de l'Italien Masuccio, etc.), et le reste fait
souvent penser à l'Heptaméron.
En tout cas, ce titre ne
laisse pas ignorer l'encadrement des contes : alors que
le premier récit, celui de 1 'Épître, nous présente le narra
teur en voyage, divertissant par ses contes un gentil
homme et sa jeune femme malade en route pour les
« eaux » d'Aix, et qu'il semble introduire un cycle d'his
toires rapportées par des devisants, comme dans Boccace
et dans Marguerite, l'auteur abandonne aussitôt cette fic
tion narrative pour une structure plus abstraite : chaque
conte est encadré d'un en-tête qui n'en est pas toujours
le sommaire (il peut s'agir de considérations psychologi
ques ou médicales, etc.), et d'une conclusion qui n'en
est pas toujours la morale mais peut servir d'excuse à
J'auteur pour des sujets qui ne seraient guère recomman
dables -il regrette d'avoir à médire des prêtres et des
moines, attaque 1 'hypocrisie des femmes, dénonce le
mythe de l'enfant Amour ...
Cette reprise en main de
nature didactique est un phénomène de plus en plus fré
quent dans la littérature narrative, qui ne se contente plus
alors de la gratuité du rire ou du charme du récit.
Cependant le texte se partage entre les deux types
d'inspiration qui ont à ce moment-là la faveur du public :
la pure facétie et les histoires tragiques; l'une est liée à la
représentation d'une réalité familière (tel jeune apprenti
respectueux de son maître le trompe avec sa femme, à
son corps défendant...); l'autre laisse plus souvent de
nobles personnages dans des lointains flatteurs.
Ce
curieux mélange fait le charme du recueil, qu'un style
ironique et investigateur rend cohérent.
On en a pourtant
médit, mais, pour Je saisir, peut-être faut-il cesser d'iso
ler ce qui est « traduit )) de ce qui ne 1' est pas : tel récit
d'un stupide marchand vénitien, qui met cinq pages à
monter un cheval, s'il est bien pris de l'italien, mani
feste, par son choix même, une capacité d'imaginer vive
et précise -et l'adaptation des mouvements, jurons,
comparaisons dépasse peut-être Je modèle.
On trouve chez A.D.S.D., comme chez Marguerite de
Navarre, ce plaisir d'isoler des morceaux de réalité pour
eux-mêmes, par simple goût d'artiste.
En tout cas, le
recueil plaisait au xvre siècle, qui en a connu huit édi
tions, et, au xvu• siècle, il amusa fort le facétieux Charles
Sorel.
BIBLIOGRAPHIE Les Comptes du monde adventureux, où sont récitées plu
sieurs belles histoires mémorables et propres pour resjouir la
compagnie et éviter mélancholie, par A.O.S.O., Paris, Estienne
Groulleau, 1555.
Éditio ns en 1555 (trois), 1560 (deux), 1566,
1571, 1579, 1582, 1595.
Félix Frank en a don né une édition chez Lernerre, Paris, 1878,
sur le texte de 1555, av ec des notes, un index et une introduction
qui reste l'esse ntiel pour les problèmes d'attribution et de sour
ces; Gabri el A.
Pérouse, Nouvelles françaises du xvi' siècle,
Ge nè ve, Droz, 1977, pp.
139-155.
Étud e la plu s récente et1a plus
c omplè te sur Je texte : V.-L.
Saulnier, « Sur une nouvelle de
Bandello et l'un des Comptes du monde adventureux », dans
B.H.R., XXITI, 1961, pp.
347-350, et deux é tu d es de M.
Sim oni n
dans Journal of Medical and Renaissance Srudies, vol.
13, 1983,
et dans Bibliothèque d'Humanisme er Renaissance, t.
XL VI,
1984..
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